Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 301 Mai 2019

Lait de chèvre et viande

Des tensions sur la fourniture du marché

Impacté par le repli de la collecte française et l’effondrement des importations de produits de report caprins, l’approvisionnement des transformateurs s’est nettement contracté et fait apparaître des tensions sur l’approvisionnement du marché. Les prix du lait de chèvre dans les différents pays européens ont amorcé un mouvement de convergence qui confirme cette tension : si le prix du lait est resté remarquablement stable en France, il s’est nettement apprécié dans les autres pays européens.

Sommaire du numéro 301
Lait de chèvre et viande

Lait de chèvre et viande » Lait de chèvre »

Chute de ressource laitière début 2019

Pénalisé par un démarrage timide de la collecte et des importations réduites, l’approvisionnement en lait de chèvre des transformateurs a fortement chuté en début d’année.

 

Une baisse de l'approvisionnement en lait de chèvre des transformateurs

Après avoir atteint un record en 2018, l’approvisionnement en lait de chèvre des transformateurs (collecte et importations), n’a atteint que 116 millions de litres au 1ertrimestre. Il a ainsi chuté de près de 21,5 millions de litres d’une année sur l’autre (-16%), se positionnant ainsi à un niveau intermédiaire entre 2013 et 2014, années marquées par une pénurie de produits caprins sur le marché domestique. D’un côté, la collecte de lait de chèvre a démarré timidement : à 101 millions de litres au 1ertrimestre, elle s’est repliée de 3% /2018, impactée par des fourrages de mauvaise qualité et un décalage des naissances. Elle devrait cependant se redresser au pic de collecte du printemps. De l’autre les importations de produits de report caprins, à 15,5 millions de litres, se sont effondrées de près 55% (-19 millions de litres). Elles n’ont ainsi pesé que pour 13% de l’approvisionnement total des industriels, contre près de 25% en 2017 et 2018.

La collecte de lait de chèvre baisse en Espagne

Des disponibilités européennes en baisse

Cette chute des importations s’explique en grande partie par l’effondrement de la collecte espagnole, et donc des disponibilités pour l’export vers la France. A 69 millions de litres en cumul en février, elle a chuté de près de 7% par rapport à 2018. Après trois années de prix bas, avec un différentiel de plus de 100 € les 1 000 litres avec le prix français, la sécheresse de 2018 et la flambée du prix de l’alimentation animale ont très fortement impacté les éleveurs ibériques. Les cessations d’activité se sont accélérées, d’autant plus que l’activation d’un plan de lutte volontaire contre la tuberculose en Andalousie a incité certains éleveurs à réformer davantage ou à arrêter la production. Même évolution aux Pays-Bas où les décisions administratives de bloquer les installations et les agrandissements d’exploitations caprines dans la plupart des régions ont entrainé un plafonnement des disponibilités.

Des tensions sur la fourniture du marché

Face à cette baisse drastique de la ressource laitière, les stocks en produits de report des transformateurs ont été insuffisants pour maintenir les fabrications. A 23 500 tonnes cumulés au 1er trimestre, la production de fromages de chèvre s’est repliée de près de 3%. Après avoir nettement progressé en janvier (+6%) grâce à une utilisation intense des stocks, elles ont reculé de près de 4% en février et même de 10% en mars ! Les autres produits laitiers caprins, qui connaissaient jusqu’ici une croissance à deux chiffres, ont également souffert du manque de lait de chèvre : les volumes de laits conditionnés ont baissé de 1% et les fabrications de yaourts ont été tout juste stables.

Des fabrications de produits caprins en baisse au 1er trimestre en France

Lait de chèvre et viande » Prix du lait de chèvre »

Le prix du lait de chèvre reste atone en France

Le prix du lait de chèvre a de nouveau plafonné en début d’année, malgré la hausse des prix de vente industriels. Pourtant, les charges en élevage ont poursuivi leur progression et ont ainsi abouti à l’érosion du résultat des éleveurs caprins.

Prix du lait de chèvre stable en France

Un prix de base stationnaire

Le prix de base du lait de chèvre (à la composition standard 35MG / 30MP en vigueur au 1er janvier 2015) est resté remarquablement stable au 1er trimestre, à 647 € les 1 000 litres. Si quelques entreprises ont fait évoluer marginalement leur grille, la très  grande majorité a reconduit à l’identique le prix pratiqué en 2018. Pourtant, les négociations de début d’année avec la grande distribution ont donné des résultats positifs et ont abouti à une hausse de près de 1% des prix de vente industriels en février et mars.

Un prix payé plus élevé grâce à l’amélioration de la composition du lait …

La composition du lait de chèvre s’est en revanche très nettement améliorée au 1ertrimestre, avec une hausse de 0,2 g/l pour le Taux butyreux (TB) comme pour le Taux protéique (TP). Cette progression a été particulièrement marquée en janvier, avec un gain de 1,4 g/l de TB et de 0,4 g/l de TP. Elle a été relativement homogène sur le territoire, permettant d’atteindre un niveau de Matière sèche Utile (MSU) de 78 g par litre de lait, soit un gain de près de 4 g de MSU par litre en 10 ans. Le lait de chèvre est plus riche dans le Centre-Ouest et le Centre, avec près de 79 g de MSU par litre, contre 77 g dans le Sud-Ouest et 76 g dans le Sud-Est. Cette amélioration de la composition du lait s’est traduite par une légère progression du prix du lait payé aux producteurs de +4 € /2018  (+0,6%), à 742 € les 1 000 litres.

Une hausse du prix des charges en élevage

…mais une hausse plus rapide des charges

La hausse du prix des charges en élevage amorcée fin 2018 s’est poursuivie début 2019. A l’indice 104,1 en moyenne au 1ertrimestre (base 100 = 2015), l’IPAMPA a bondi de près de 4,4% par rapport à 2018. L’alimentation achetée, principal poste (50% des charges indicées), a augmenté de 6% d’une année sur l’autre. Le poste Énergie et lubrifiants (6% des charges indicées), le plus volatil, s’est réorienté à la hausse début 2019 et s’est établi 3,5% au-dessus du niveau de début 2018. Les effets de cette hausse des prix sur les charges des éleveurs ont été accentués par des achats supplémentaires de fourrages pour compléter les récoltes insuffisantes suite à l’intense sécheresse de 2018. La production herbagère semble cependant mieux partie cette année, avec une pousse cumulée excédentaire à fin avril selon l’indicateur ISOP de rendements des prairies permanentes d’Agreste ; amélioration qui porte sur la quasi-totalité du territoire malgré une situation plus contrastée en Occitanie.

Convergence des espagnols et néerlandais

La baisse des disponibilités espagnoles s’est traduite par une très nette revalorisation du prix du lait qui a atteint 742 €/1 000 litres en février (+17% /2018) selon le FEGA, soit à peine 9 € sous le prix français… contre près de 114 € en 2018. Si la production espagnole est généralement très réactive aux signaux du marché, il semble que la filière ait atteint un point de rupture fin 2018, avec une baisse de cheptel de femelles de près de 12%, qui devrait impacter leur potentiel de production à moyen-terme. Le prix du lait néerlandais a aussi grimpé de près de 5% sur les deux premiers mois de l’année. On assiste ainsi à la convergence du prix du lait de chèvre chez les principaux pays producteurs : à 9,2 €/g de MSU en février, le prix du lait français s’est positionné respectivement 13% et 4% au-dessus des prix espagnols et néerlandais, contre +25% et +9% un an plus tôt.

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