Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 304 Septembre 2019

Lait de chèvre et viande

Approvisionnements en baisse, prix en hausse

L’approvisionnement des industriels en lait de chèvre connait de sérieuses tensions face à la baisse de la collecte française et au repli des disponibilités européennes. Si les transformateurs ont jusqu’ici privilégié le marché domestique, au détriment des exportations et de la reconstitution des stocks, la fin de l’année devrait être plus difficile.

Face à ces tensions, le prix du lait de chèvre à la production s’est fortement apprécié en Espagne et aux Pays-Bas, convergeant ainsi vers le prix en France qui n’a évolué qu’en fonction des variations de la composition.

Sommaire du numéro 304
Lait de chèvre et viande

Lait de chèvre et viande » Lait de chèvre »

Vers une pénurie de produits caprins en fin d’année ?

Les disponibilités en lait de chèvre se sont encore tendues face au repli de la collecte en France, mais aussi chez nos fournisseurs européens. Si les transformateurs ont jusqu’ici préservé le marché domestique, plus porteur que les exportations de fromages, ils risquent de manquer de matière première au second semestre, faute de stocks de produits de report.

 

Pas de rattrapage de la collecte après le pic de mai

A 256,5 millions de litres au 1ersemestre, la collecte de lait de chèvre s’est repliée de 1,6% par rapport à 2018, soit près de 4 millions de litres. Certes, après un démarrage en très net recul (-3,2% /2018 en janvier) en raison de fourrages de médiocre qualité et d’un décalage des naissances, l’ampleur de la baisse s’est progressivement atténuée (-0,8% en juin). Mais le rattrapage attendu après le pic de collecte de mai n’a pas eu lieu et la récupération des volumes au 2èmesemestre semble compromise par des conditions climatiques estivales de nouveau particulièrement difficiles. Sécheresse et épisodes caniculaires ont fortement impacté les lactations et la production fourragère. Ainsi, alors que jusqu’en avril la pousse de l’herbe était globalement excédentaire, exception faite de certaines zones d’Occitanie et du Sud-Est, le déficit fourrager s’est petit à petit propagé sur la plupart du territoire durant l’été. Selon l’indicateur des rendements des prairies permanentes d’Agreste, la pousse cumulée en août a ainsi baissé de 18% par rapport à la période de référence.

Régionalement, les bassins historiques de production semblent souffrir toujours davantage, avec un repli de près de -4% en Nouvelle-Aquitaine, de -5% en Centre-Val-de-Loire et de -2% en Auvergne-Rhône-Alpes. La collecte est en revanche mieux orientée en Pays de la Loire (+2%) et Occitanie (+1%).

Des importations toujours en repli

A seulement 35 millions de litres au 1ersemestre, les importations de produits de report caprins se sont effondrées de 42% d’une année sur l’autre, soit une baisse de près de 32 millions de litres. Face au repli de 5% de la collecte espagnole en cumul à mai (-10,4 millions de litres), les disponibilités européennes sont devenues limitantes… et plus onéreuses  pour les transformateurs français. Le prix du lait espagnol, boosté par la demande des transformateurs nationaux, n’a en effet cessé de progresser depuis le début de l’année pour rejoindre le niveau français, avec une progression comprise entre +17% en janvier et près de +26% en juin. Au final, à 291 millions de litres au 1ersemestre, l’approvisionnement total des industriels français (collecte et importations) a ainsi chuté de 36 millions de litres (-11% /2018), retombant au niveau de 2014, année marquée par une pénurie de fromages de chèvre au dernier trimestre.

Des disponibilités insuffisantes pour maintenir les fabrications… et reconstituer les stocks

Le déficit d’approvisionnement des transformateurs a logiquement impacté les fabrications de produits laitiers caprins. A 48 600 t au 1ersemestre, la production industrielle de fromages de chèvre a baissé de 2% et seulement 6,7 millions de litres de lait de chèvre ont été embouteillés (-7% /2018). Seules les fabrications de yaourts sont restées croissantes, mais à un rythme ralenti (+2%) qui  contraste avec celui des années précédentes. En dépit de moindres disponibilités, les transformateurs ont réussi à fournir la demande domestique, toujours  dynamique. Selon Kantar Worldpanel, les achats de fromages de chèvre des ménages ont bondi de 2,7% en volume au 1ersemestre /2018, malgré un prix en hausse de 1,5%. Mais cette progression s’est faite au détriment des exportations qui, à 12 500 t au 1ersemestre, ont chuté de près de 17% d’une année sur l’autre (-2 500 t). La fourniture du marché intérieur devrait se tendre encore davantage au second semestre : les transformateurs n’ont pu reconstituer les stocks de caillé congelé nécessaires au maintien des fabrications du « creux » de collecte de fin d’année. A seulement 5 800 t fin juin, ils se sont effondrés de près de 50% d’une année sur l’autre, tombant à leur plus bas niveau enregistré par FranceAgriMer ces 20 dernières années.

Lait de chèvre et viande » Prix du lait de chèvre »

La composition du lait de chèvre tire le prix vers le haut

Le prix de base du lait de chèvre a très peu progressé en France, mais la nette amélioration de sa composition a boosté le prix payé aux livreurs. Ces derniers doivent cependant faire face à des charges en hausse, alors même que les lactations sont pénalisées par des conditions climatiques difficiles.

Un prix de base quasi-stable…

A 595 € les 1 000 litres, le prix de base du lait de chèvre (à la composition standard 35MG / 30MP en vigueur au 1erjanvier 2015) n’a progressé que marginalement au  2ème trimestre, de +2 € (+0,3% /2018). Si la plupart des entreprises ont reconduit le prix pratiqué en 2018, certaines ont tout de même appliqué des hausses, allant de +5 à +15 €/ 1 000 l. Les régions du Centre et du Sud-Ouest ont ainsi enregistré une progression de près de +5 € (+0,9%) et le Sud-Est de +2 € (+0,5%). Le prix de base est en revanche resté remarquablement stable dans le Centre-Ouest.

…mais l’amélioration de la composition tire le prix moyen

Après un 1er trimestre déjà bien orienté, la composition du lait de chèvre a fortement progressé au 2ème trimestre. Le Taux Butyreux (TB) a bondi de 0,9 g/l (+2,3%), à 38,0 g/l, et le Taux Protéique (TP) de 0,6 g/l (+1,8%), à 33,2 g/l. Cette amélioration s’explique d’un côté par un effet de concentration des taux, en lien avec la diminution des rendements laitiers, après le difficile démarrage des lactations début 2019. De l’autre, elle est le résultat du décalage calendaire des naissances constaté après une campagne de reproduction marquée par la canicule et les sécheresses en 2018. Cette amélioration de la composition s’est traduite par une nette progression du prix moyen payé aux producteurs. A 643 € les 1 000 litres au 2ème trimestre, il a bondi d’un peu plus de 13 euros d’une année sur l’autre (+2,1% / 2018). La hausse est la plus marquée dans le Sud-Est (+3,9%), intermédiaire dans le Centre et le Centre-Ouest (+2,3%) et modeste dans le Sud-Ouest (+1,8%). Le prix du  lait de chèvre  demeure le plus élevé dans le Centre, à 676 €/1 000 litres ; région qui valorise une proportion plus importante du lait sous AOP. Il est resté relativement homogène ailleurs, entre 636 et 638 €/1 000 litres selon les régions.

Les charges en élevages se stabilisent à un niveau élevé

La hausse des charges en élevage caprin, amorcée fin 2018, a finalement stoppé au 2ème trimestre. L’IPAMPA, qui permet de suivre l’évolution du prix des moyens de production agricole, a même connu une détente, en lien avec la légère baisse du prix de l’alimentation achetée ainsi que de l’énergie. Néanmoins, à près de 104,2 en moyenne sur le 2ème trimestre, il est resté à un niveau élevé, toujours 3,1% au-dessus de 2018.

Un prix très haussier chez nos voisins européens

Face à la baisse des disponibilités en France et en Espagne, le prix du lait de chèvre a très nettement progressé chez nos voisins européens. Il a bondi en Espagne, avec une hausse comprise entre +17% en janvier et +26% en juin. Exprimé en €/kg de MSU afin de s’affranchir des différences de standard entre pays, il a même dépassé le prix néerlandais à partir de mai. Ce dernier n’est pourtant pas en reste avec une progression moyenne au 1er semestre avoisinant les +7%. Au final, le prix du lait en France au 1er semestre, à 9,1 €/kg de MSU, a été supérieur de 10% au lait espagnol (8,2 €/kg de MSU) et de 7% au lait néerlandais (8,4 €/kg de MSU), contre respectivement 25% et 13% en 2018.

Sommaire du numéro 304
Lait de chèvre et viande