Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 318 Juin 2020

Lait de chèvre et viande

Bond des ventes de fromages au rayon libre-service pendant le confinement

La tendance haussière des ventes de fromages de chèvre semblait s’essouffler avant le confinement, mais la filière laitière de chèvre a vu sa demande en rayon libre service boostée pendant la crise sanitaire.

Lait de chèvre et viande » Prix du lait de chèvre »

Une très attendue revalorisation du prix de base du lait de chèvre

Le prix moyen du lait de chèvre a connu une nouvelle progression au 1er trimestre, sous l’effet de la hausse du prix de base. En revanche, l’amélioration de la composition s’estompe, après une année de forte progression.

Hausse du prix de base du lait de chèvre

Le prix de base du lait de chèvre s’est établi à 664 € les 1 000 litres au 1er trimestre 2020 en moyenne nationale, soit une progression de près de 17€ d’une année sur l’autre (+2,6% /2019). Après une année marquée par une relative tension du marché (pendant laquelle l’industrie a eu des difficultés d’approvisionnement) et grâce aux partenariats mis en place dans le cadre de la loi EGAlim, certains transformateurs ont fait évoluer leurs grilles en faveur des éleveurs. Par exemple, Agrial (leader du marché de fromage de chèvre, avec 30% des volumes commercialisés) a signé des accords avec Intermarché, Netto et Lidl sur la base d’un  prix de base du lait payé aux producteurs à 749 €/1 000 litres.

Au 1er trimestre, c’est dans le bassin du Sud-Est que le prix de base est le plus élevé, à 731 €/1 000 litres,  soit +5,1% /2019, suivi du Centre, 678 €/1 000 litres, soit +2,3%/2019. Les bassins du Sud-Ouest et du Centre-Ouest suivent de près, à respectivement 667 € et 650 €/1 000 litres (soit +2,3% et +1,7%).

Ralentissement de la hausse des taux

Après une année de nette progression, l’amélioration de la composition du lait de chèvre s’est estompée en ce début d’année 2020, par un effet de « dilution » des rendements laitiers. En effet, grâce à des conditions automnales optimales pour le démarrage des lactations, la collecte laitière est repartie de plus belle au premier trimestre, ce qui a impacté négativement la composition du lait.

Le taux butyreux national s’est érodé tout au long du premier trimestre; à 42,1 g/litre de moyenne nationale, soit une chute de -0,4 g (-1% /2019). Cette dégradation a été le plus marquée dans le Sud-Ouest (-0,6 g/l), et n’a que partiellement concerné le Sud-Est, où l’importante progression de janvier a considérablement boostée la moyenne trimestrielle. Le taux protéique est resté globalement stable, à 35,8 g/litre de moyenne sur le 1er trimestre, une stabilité observée partout en France.

Progression des prix moyens

Dans ce contexte, et malgré le ralentissement de l’amélioration de la composition, le prix moyen à la production du lait de chèvre a connu une progression importante au premier trimestre. A 757 €/1 000 litres au 1er trimestre (+2% / 2019), la moyenne nationale s’est positionnée 15 € au-dessus du niveau de 2019 et près de 19 € au-dessus de celui de 2017.

D’après l’enquête prix du lait menée par l’Institut de l’Élevage, sans surprise, le prix moyen plus élevé se trouve dans la région Sud-Est (814 €/1 000 litres, soit +1,7% /2019), suivi du Centre (796 €/1 000 litres, soit +1,7% /2019), où la proportion des fromages sous AOP est plus importante. Mais c’est dans le Centre-Ouest où le prix moyen a davantage progressé (742 €/1 000 litres, soit +2,1% /2019)

Les charges en élevages en hausse au 1er trimestre

L’évolution des charges en élevage caprin s’est poursuivie au 1er trimestre 2020. Après plusieurs mois en forte progression, l’IPAMPA, qui permet de suivre l’évolution du prix des moyens de production agricole, a connu une détente en mars, en lien avec l’effondrement du cours du pétrole. Néanmoins, à près de 104,5 en moyenne sur le 1er trimestre, il a grimpé de +0,5% d’une année sur l’autre.

L’évolution du prix chez nos voisins européens ralentit

La collecte, fortement relancée en France en ce début d’année, et le ralentissement de la demande nationale en fromages de chèvre se sont reflétés dans les prix pratiqués chez nos voisins européens. Alors qu’en 2019, la tension du marché avait fortement boosté les prix, le début d’année 2020 est marqué par une évolution moins forte, notamment en Espagne. Chez nos voisins d’outre-Pyrénées, qui comme la France entament la baisse saisonnière des prix, la moyenne au 1er trimestre a progressé de +7% /2019 (contre +13% au 4ème trimestre 2019). Aux Pays-Bas, mieux positionnés dans l’exportation vers les pays-tiers, l’évolution au premier trimestre est estimée à +9% /2019 (contre +12% au 4ème trimestre 2019).

Exprimé en €/kg de MSU afin de s’affranchir des différences de lait standard entre pays, le prix néerlandais a dépassé à nouveau le prix espagnol dès le mois de janvier. Au final, le prix du lait de chèvre en France au 1er trimestre, à 9,3 €/kg de MSU, a été supérieur de 9% au prix du lait espagnol (8,4 €/kg de MSU) et de 5% à celui de lait néerlandais (8,9 €/kg de MSU).

Alors que les stocks des transformateurs se reconstituent et dans un contexte de renationalisation de l’approvisionnement des laiteries, le prix du lait de chèvre chez nos voisins européens, dont les productions sont différemment positionnées, pourrait stagner courant 2020.

Lait de chèvre et viande » Fromages »

Bond des ventes de fromages au rayon libre-service pendant le confinement

La tendance haussière des ventes de fromages de chèvre semblait s’essouffler avant le confinement, mais la filière laitière de chèvre a vu sa demande en rayon libre service boostée pendant la crise sanitaire.

Hausse des ventes en GMS

Alors que sur les derniers mois, le fromage de chèvre connaissait une croissance très ralentie, la consommation française de fromages de chèvre a retrouvé une bonne dynamique pendant le confinement. Les ventes en rayon libre-service des GMS, qui absorbent près de la moitié des fabrications totales de fromages de chèvre, ont bondi de +15% en P4 (période se terminant mi-avril) par rapport à la même période 2019. Les premiers retours des données issues du panel IRI-CNIEL, encore non consolidées, permettent d’estimer l’évolution des ventes en P5 (finissant mi-mai) à +13% /2019. Ce sursaut des ventes a mécaniquement boosté le Cumul Annuel Mobile (CAM), qui s’élève désormais à +1,5% /2019 ; un mois plus tôt, la tendance était plutôt stationnaire.

Les ventes de fromages affinés ont bondi en P4 (+18%), ainsi que celles de fromages AOP (+10%). Ainsi, les CAM de ces deux catégories sont redevenus positifs à +1,2% et +1,0% respectivement, après une longue période de repli.

A contrario, les ventes des fromages frais ont stagné pendant le confinement, leur évolution sur les douze derniers mois restant toutefois positive (+2%), grâce à une fin d’année 2019 très favorable.

Ce rebond s’explique par la fermeture de la RHD qui a provoqué un report de consommation à domicile et un report des achats des ménages des marchés de plein air vers la GMS, mais aussi l’écoulement de certains produits vendus en temps normaux dans des circuits hors-GMS, notamment fromages fermiers et AOP. Au sujet de ces derniers, il est important de noter que ces reports de consommation n’ont pu totalement compenser la perte des débouchés. Certes, d’autres solutions ayant été progressivement mises en place (drives fermiers, livraisons groupées, ou ventes dans des commerces spécialisés), l’effondrement des ventes de ces types de fromages a pu être contenu et a même connu une progression en GMS, mais les situations varient selon les régions et structures.

Le changement de la structure des ventes plombe le prix moyen

Inversement, en P4, le prix moyen des fromages de chèvre a fléchi de -1,7% par rapport à la même période 2019, à 11,71 €/kg, tandis que cette baisse est estimée à -4,3% /2019 pour P5 (soit 11,55 €/kg). L’évolution de la structure des ventes en LS explique la baisse du prix moyen des fromages achetés par les ménages. On observait depuis 2015 une montée en gamme des ventes, face à la perte de vitesse des fromages commercialisés sous Marques Distributeurs (MDD), moins valorisés, et le développement des ventes de fromages commercialisés sous Marques Nationales (Soignon, Président, Saint-Loup…) et autres marques à haute valeur ajoutée (AOP, fermiers ou marques régionales). Cependant, le confinement a  inversé cette tendance : après un long cycle de ralentissement, les ventes de fromages commercialisés sous MDD ont bondi de +14% en P4 /2019  (le CAM reste négatif, à -1,5% /2019). Les ventes de fromages sous marques à haute valeur ajoutée (dont le prix moyen s’élève à 20,3 €/kg), positionnées sur un segment haut de gamme, ont quant à elles reculé de -3,3% en P4 /2019. En effet, suite à la fermeture de nombreux rayons de coupe, certains ménages se sont davantage tournés vers des produits préemballés, notamment bûches et bûchettes (reines absolues du LS, avec 61% de part de marché en 2019) dont les ventes ont bondi de +22% /P4 2019).