Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 302 Juin 2019

Lait de vache

Les ressources laitières limitées soutiennent les marchés

La collecte laitière croît de nouveau dans l’UE-28, mais ne compense pas le reflux de production dans les principaux pays exportateurs de l’hémisphère Sud, Nouvelle-Zélande en tête. En France, la collecte se rétablit doucement.

Les faibles disponibilités laitières dans les grands bassins exportateurs soutient les marchés des ingrédients laitiers et contribue au rééquilibrage entre celui de la protéine laitière (haussier) et celui de la matière grasse (sensiblement baissier). Le marché des fromages demeure bien équilibré. En revanche celui de la poudre de lactosérum subit le ralentissement de la demande chinoise en aliment du bétail provoqué par les effets de la fièvre porcine africaine.

Sommaire du numéro 302
Lait de vache

Lait de vache » Collecte laitière »

En hausse dans l’UE, en recul dans l’hémisphère sud

L’offre de lait dans les grands bassins exportateurs reste plus réduite que l’année dernière. La production désormais croissante dans l’Union européenne ne compense pas les forts reculs enregistrés dans l’hémisphère sud, tandis que la collecte demeure stable aux États-Unis.

Production européenne en hausse, avec de forts contrastes nationaux

En France la collecte a enregistré en avril (-1% /2018), son 9ème mois de recul, depuis août 2018. A l’exception du Grand Ouest, du Nord-Picardie et de la Normandie, favorisés par une bonne pousse de l’herbe en avril, la production a reculé dans tous les autres bassins de l’Hexagone. Le Grand Est (-3,9%) et l’Auvergne Limousin (-4,2%) ont été particulièrement touchés. Les mauvaises récoltes de fourrage en 2018 (herbe ou maïs selon les zones) pourraient expliquer ce recul dans le centre et l’est du pays. Cette baisse conjoncturelle s’ajoute au repli structurel qui se poursuit dans le sud de la France (bassins Sud-Est, Sud-Ouest et Charente-Poitou). Sur les 4 premiers mois de l’année, la collecte nationale affiche une baisse de -1,8% /2018. Elle devrait cependant rebondir en mai, malgré des conditions de pousse de l’herbe difficiles dans le centre du pays.

A 343 €/1 000 l en avril, le prix du lait standard toutes filières confondues (y compris les laits AB et AOP) s’est déprécié de 3 € (-1%) d’un mois sur l’autre, mais reste supérieur à son niveau de l’année dernière (+7%) à pareille époque. Le prix payé aux livreurs s’est, lui, apprécié entre mars et avril 2019 et demeure plus élevé que l’année dernière (+7,9% /2018 à 365€/1 000 l). Le prix standard devrait progresser dans les mois à venir avec la hausse de la valorisation en beurre-poudre.

Après un rebond en mars, la collecte allemande est repassée en avril (-0,7% /2018) et mai (-1,4%), sous son haut niveau de 2018. La baisse saisonnière de la production serait arrivée avec 3 à 4 semaines d’avance, compte tenu de conditions climatiques chaudes dans une partie du pays. Sur les 4 premiers mois de l’année, le recul de la collecte est estimé à -0,7% /2018. Compte tenu de la baisse des ventes de beurre, le prix du lait a perdu 6% depuis novembre 2018 pour afficher en avril 314 €/1 000 l, au standard 38 et 32 g/l, un niveau cependant encore 3% supérieur à celui de l’année dernière. Une hausse des cours est cependant attendue pour le 2nd semestre 2019.

Aux Pays-Bas la baisse de production ralentit, et n’était plus que de -1,7% en avril. Le recul atteint encore -2,8% /2018 sur les 4 premiers mois.

A l’inverse, 4 pays continuent de tirer la production européenne. L’Irlande, qui bénéficie d’excellentes conditions climatiques favorables à la pousse de l’herbe, a vu sa production augmenter de +15% /2018 en avril, soit +11% sur le 1erquadrimestre. Le Royaume-Uni n’est pas en reste avec une hausse de +4,4% en avril et de +3,5% sur les 4 premiers mois de sa collecte qui atteint un record historique. L’utilisation de concentrés dans les élevages britanniques semble s’être poursuivie après l’épisode de sécheresse de l’été 2018. Le rythme de croissance de la production ne faiblit pas en Pologne, avec 2,8% /2018 en avril, tout comme au Danemark.

Au total, la production européenne enregistre en avril une hausse pour le 2ème mois consécutif (+1% /2018) et reste globalement stable sur les 4 premiers mois de 2019.

Une production laitière en recul dans les grands bassins de l’hémisphère sud

Alors que la campagne néozélandaise s’annonçait exceptionnelle, une vague de chaleur et un temps sec se sont abattus sur une grande partie du pays depuis janvier affectant la production fourragère et laitière. Après un arrêt de la croissance en février, la production a chuté en mars et avril (- 8,3 % /2018 et -8,4 %). De nombreux éleveurs ont anticipé les tarissements et les réformes  plutôt que d’acheter de l’alimentation pour tenter de maintenir un niveau de production élevé. Sur les 11 premiers mois de la campagne, la hausse de production n’est plus que de 2,3% par rapport à la campagne précédente. Avec près de 21 millions, il s’agit néanmoins du 2ème plus haut niveau historique, après celle de la campagne 2014/2015. Cette contre-performance ont tiré le cours des actions de Fonterra à la baisse en mai.

En Australie, la sécheresse et le renchérissement de l’alimentation animale ont entraîné en avril un 11ème mois consécutif de baisse de production (-14% /2018). Sur les 10 premiers mois de campagne, le recul atteint -7% par rapport à la même période de la précédente.

La situation n’est pas très différente en Argentine, où les conditions climatiques, notamment les températures élevées et le fort taux d’humidité, ont entraîné, depuis novembre 2018, une baisse de production continue. En avril, elle a encore reculé de 5% /2018, portant la baisse sur les 4 premiers mois de l’année à -7,5% /2018. Un temps plus frais est attendu en mai et en juin, permettant de relancer la production. Entre novembre 2018 et avril 2019, le prix du lait a en conséquence fortement augmenté, aussi bien en monnaie locale (+49%) qu’en dollars (+27%) et a permis aux éleveurs de faire face à la hausse des coûts de production.

Aux États-Unis, la production est restée stable en avril (+0,1% /2018), comme sur le premier quadrimestre (+0,1%). Si les grands États producteurs enregistrent des hausses (Californie, Wisconsin Idaho, New York, Texas), de nombreux petits États affichent des baisses. En outre, le recul du cheptel laitier (-1% 2018) est tout juste compensé par une hausse des rendements (+1,1%). Dans le même  temps le prix du lait s’apprécie de nouveau et améliore la marge alimentaire ce qui pourrait relancer la production laitière dans les prochains mois.

Au total, la production laitière dans les 5 grands bassins exportateurs a légèrement reculé en avril (-0,4% /2018), car la croissance de la collecte de l’UE-28 n’a pas entièrement compensé le recul dans les autres grands bassins excédentaires.

 

Lait de vache » Marché des produits laitiers »

Le rééquilibrage se poursuit

Le marché des protéines laitières poursuit son redressement dans un contexte mondial de ressources laitières limitées dans les bassins laitiers excédentaires. Les transformateurs européens peuvent ainsi relancer sans difficulté les fabrications de beurre/poudre maigre pour absorber la reprise de la collecte européenne, ce qui détend en même temps le marché du beurre.

Marché de la poudre maigre : redressement continu des cours

Le redressement des cours de la protéine laitière se poursuit sûrement semaine après semaine. La cotation ATLA de la poudre maigre a regagné +240 € en 2 mois, à 2 150 €/t en semaine 23 (début juin). Soit un bond de +37% en un an. Elle est tirée par la nette remontée des cours mondiaux qui ont d’abord fortement progressé en partance de Nouvelle-Zélande (+540 €/t en 5 mois à 2 290 €/t en mai), puis en partance d’Europe de l’Ouest (+320 €/t sur la même période à 2 160 €/t). La poudre maigre européenne demeure ainsi toujours plus compétitive que celle fabriquée en Nouvelle-Zélande.

L’embellie sur le marché des protéines incite les laiteries à privilégier le couple  beurre/poudre maigre. Les fabrications européennes de poudre maigre progressent de nouveau, de +2% /2018 en mars, après avoir faiblement reculé lors des deux premiers mois de 2019.

Malgré des fabrications légèrement baissières au 1er trimestre (-2% /2018), les exportations européennes de poudre maigre sur pays tiers sont demeurées dynamiques grâce à la remise sur le marché de 170 000 tonnes de produits d’intervention au 1er trimestre. Elles ont bondi de 34% (+88 000 t) au 1er quadrimestre 2019, à 348 000 t. Celles-ci sont probablement demeurées dynamiques en mai grâce à la reprise des fabrications et la commercialisation des tout derniers volumes d’intervention remis en circulation.

Au 1er trimestre, l’UE a fourni la totalité volumes supplémentaires échangés sur le marché mondial (+88 000 t sur les 97 000 t supplémentaires échangées). Dans le même temps, les États-Unis, deuxième exportateur majeur, ont réduit leurs expéditions de 15%, tandis que les autres exportateurs, Nouvelle-Zélande en tête, Australie, Argentine et Biélorussie, ont plus ou moins accru leurs expéditions et ainsi ensemble compensé le repli étatsunien.

Marché du beurre : détente continue

Le marché du beurre évolue à front renversé comparé à celui de la poudre de lait. Le cours moyen du beurre dans l’UE se déprécie lentement semaine après semaine. Après avoir cédé 100 € en 4 semaines et 400 € en 4 mois, il a été ramené à 4 040 €/t début juin, soit 30% sous le très bon niveau de l’an dernier. Le beurre européen est ainsi redevenu plus compétitif sur le marché mondial où le beurre néo-zélandais s’est à l’inverse fortement apprécié depuis janvier.

Cette évolution contrastée résulte de disponibilités réduites en Nouvelle-Zélande pour cause de baisse saisonnière très prononcée de la production laitière et à l’inverse de disponibilités plus abondantes dans l’UE. La reprise de la production laitière européenne et le redressement des cours de la protéine laitière ont relancé les fabrications de beurre/poudre maigre. Ainsi les fabrications de beurre ont repris en mars (+2% /2018), après avoir reculé légèrement reculé en début d’année.

Au 1er trimestre les fabrications européennes de beurre ont été somme toute stables. Les transformateurs ont alors reconstitué leurs stocks, face à une demande européenne morose et à un déficit de compétitivité sur le marché mondial. Les stocks entreprise ont retrouvé le niveau (normal) de 2016 : ils sont remontés à 188 000 t fin mars soit +30 000 t en 3 mois et +69 000 t en un an selon ATLA, les exportations européennes de beurre ont fléchi de 22% /2018 au 1er trimestre, tombant à  40 500 t.

Dans le même temps, les échanges internationaux de beurre ont bondi de 14% essentiellement en raison de la hausse spectaculaire des expéditions néozélandaises (+33 000 t soit +29%). Malgré le tassement des achats chinois (-22%), les échanges internationaux ont bondi de 11% grâce notamment à la forte demande russe (+65%) et états-unienne (+50%). Depuis avril, les exportations européennes, redevenues compétitives, ont rebondi et dépassé le bas niveau de 2018, tandis que celles en partance de Nouvelle-Zélande ont fléchi et sont retombées au niveau de 2017 (-15% /2018 en avril).

Marché de fromages : ferme et plutôt stable dans l’UE

Le marché des fromages commodités est contrasté selon les bassins. Les cours ont flambé au départ d’Océanie sous l’effet de disponibilités limitées depuis mars en Nouvelle-Zélande. Aux États-Unis, ils se sont appréciés plus modérément. En revanche dans l’UE, les cours de l’emmental comme du gouda ont suivi une légère orientation baissière.

Au 1er trimestre, malgré des fabrications européennes au mieux stationnaires, les transformateurs ont légèrement accru leurs exportations sur pays tiers (+2% /2018), grâce à une demande européenne plutôt morose et à une hausse limitée des stocks. Dans le même temps, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis les ont nettement accrues, respectivement de +11% et +12%, si bien que les échanges internationaux ont bondi de +7% /2018. Seule l’Australie a moins exporté faute de disponibilités. Les principaux importateurs, Russie en tête suivie du Japon, ont été les destinations les plus dynamiques. Les volumes supplémentaires sont achetés par les deux principaux importateurs : le Japon (+5%), mais surtout la Russie (+83%).

Marché du lactosérum : cours dégradé, malgré des fabrications contenues

En France, la cotation ATLA de la poudre de lactosérum destinée à l’alimentation animale a encore cédé 50 €/t en 4 semaines, après -50 € en 2 mois. Ramenée à 710 €/t en semaine 22, elle se situe à 10 € au même niveau qu’en 2018 à pareille époque. Or, les fabrications européennes sont au plus égales à celles de l’an dernier, en rapport avec le faible dynamisme des fabrications fromagères. Elles sont d plus ralenties aux États-Unis (-1,6% /2018 au 1er quadrimestre 2019), où les fabricants s’adaptent à la hausse des droits de douane imposée par Chine aux produits étatsuniens. Au 1er quadrimestre, les ventes de poudre de lactosérum à la Chine ont été divisées par deux si bien que les exportations étatsuniennes toutes directions ont chuté de 30% à 131 000 t. L’UE n’a pas profité du conflit commercial sino-étatsunien. Ses exportations ont reculé de 6% à 187 000 t sur la même période, probablement pour cause de ralentissement de la demande chinoise en aliment du bétail, suite aux abattages massifs de porcs atteints de fièvre porcine africaine. En somme les échanges internationaux ont fléchi de 14% /2018 au 1er quadrimestre 2019.

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