Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 317 Mai 2020 Hebdo 2

Lait de vache

Des signaux contrastés

Si une hirondelle ne fait le pas le printemps, quelques signaux repassent à l’orange sur les marchés. Les cours des ingrédients laitiers (beurre et poudre maigre) sont mieux orientés après avoir décroché de mars à la mi-avril. La consommation de produits laitiers est très dynamique notamment en produits laitiers « bio », dans la plupart des pays européens. En France, pendant le confinement, les achats supplémentaires de produits laitiers ont été globalement supérieurs, au moins en volume, aux moindres ventes en RHD. Les principales victimes demeurent les fromages AOP dont les ventes ne sont pas encore rétablies.

Faute de données suffisantes, nous ne sommes pas encore en mesure d’évaluer l’impact du Covid-19 sur les échanges extérieurs, même si les exportations françaises de produits laitiers sont demeurées dynamiques en mars.

D’autre part la production laitière a été stabilisée en France au pic de lactation grâce à un cheptel réduit, un épisode climatique chaud et sec en avril et les signaux plus ou moins dissuasifs de la part des transformateurs. Dans les prochains mois, elle évoluera diversement selon les bassins laitiers. En revanche, demeure dynamique dans l’Union européenne, même si la croissance est plus modérée ce printemps. Aux États-Unis, si les cours des produits remontent, le prix du lait et le cheptel sont orientés à la baisse.

Lait de vache » Collecte laitière »

Europe et Etats-Unis: la crise s’installe

La collecte européenne a entamé le second trimestre à un rythme ralenti tandis que les baisses de prix se poursuivent. Aux États-Unis, si les cours des produits remontent, le prix du lait et le cheptel sont orientés à la baisse.

Europe : croissance ralentie

Au 1er trimestre la collecte de l’UE-27+UK a progressé vigoureusement, de +1,4% /2019 d’après nos estimations après neutralisation de l’effet année bissextile. Cette croissance repose sur une évolution positive dans les ¾ pays membres.

Au 2ème trimestre, la production européenne continuera de progresser à un rythme plus modéré, aux alentours de +1% d’une année sur l’autre, auquel cas les volumes supplémentaires accentueront le déséquilibre entre l’offre et la demande amorcé depuis le confinement.

En Allemagne, le confinement a débuté le 22 mars (fin de semaine 12) pour être progressivement levé à partir du 20 avril. Les achats des ménages en produits laitiers ont fortement progressé dans les jours précédant l’annonce du confinement et au début de celui-ci, mais dans des proportions inférieures à celles connues dans d’autres pays, dont la France. Les hausses ont dépassé les 35% mi-mars avant de retomber en fin de mois d’après les données IRi. En moyenne, sur le mois de mars, selon les données publiées par AMI, les ventes au détail ont augmenté de +21% /2019 pour le lait liquide, avec des hausses plus importantes pour le lait bio et le lait de pâturage, de +18% pour le beurre et de +13% pour les fromages en libre-service. En avril, les achats de produits laitiers sont restés plus élevés qu’en 2019, selon IRi, entre +15 et +25%, mais se sont effondrées juste avant le déconfinement (-17% /2019 dans la semaine se terminant le 19 avril).

Selon les données d’AMI, les livraisons allemandes poursuivent leur tendance haussière en avril (+0,6 /2019). Le rythme ralentit cependant depuis mars (+0,6% /2019), comparé à la hausse en février et en janvier (+1% /2019). Il faut signaler que le mois d’avril a été le troisième plus sec et le septième le plus chaud dans le pays depuis le début des relevés météorologiques.

Si seules quelques laiteries ont demandé à leurs livreurs de limiter leur production, la pression monte en Allemagne pour freiner la production laitière afin d’alléger la pression sur le marché dans les mois à venir. Des associations environnementales comme certains syndicats agricoles (BDM) réclament une réduction obligatoire pour tous les éleveurs.

Au Royaume-Uni, dont le confinement a été prolongé au moins jusqu’au 1er juin, le secteur laitier demeure en crise. Malgré une amélioration significative des conditions météorologiques au cours des dernières semaines, la collecte du mois d’avril en Grande-Bretagne est en baisse de -2% /2019 selon les estimations de AHDB. Ce recul serait en grande partie dû à la baisse des livraisons imposées par plusieurs laiteries, mesurée à 23 000 tonnes en avril.

AHDB a estimé que les ¾ des éleveurs laitiers en Grande-Bretagne sont impactés d’une manière ou d’une autre par la crise actuelle (l’Irlande du Nord, moins impactée, n’est pas inclue dans cette étude). Si environ 50% des éleveurs sont peu impactés, 12% le sont fortement. Parmi les causes, la réduction du prix payé affecte plus de la moitié des 9 000 éleveurs. Elle se chiffrerait à plus de 20 millions de livres sterling, près de 23 millions d’euros, sur les mois d’avril et de mai. Plus de 2 000 éleveurs doivent réduire leur production et plus de 500 sont partiellement ou totalement non collectés.

Face à cette situation, le ministère de l’agriculture anglais a annoncé un plan d’aide au secteur laitier. Chaque éleveur sera en droit de réclamer jusqu’à 10 000 £ (11 300 €) pour couvrir 70% de leur perte de revenu – à condition qu’elles soient supérieures à 25% de leur revenu – en avril et en mai. Le gouvernement a également annoncé assouplir à nouveau la loi sur la concurrence pour éviter que trop de lait ne soit gaspillé. Cela pourrait inclure le partage de la main-d’œuvre et des installations, la coopération pour réduire temporairement la production, ou l’identification des capacités cachées dans la chaîne d’approvisionnement pour transformer le lait en d’autres produits laitiers tels que le fromage et le beurre.

En Irlande, les transformateurs opèrent à pleine capacité au milieu du pic annuel de production. Mais l’inquiétude grandit alors que des abattoirs ont été fermés après le test positif au Covid-19 de plusieurs employés. Alors que les cotations des produits laitiers se sont stabilisées fin avril, plusieurs coopératives ont annoncé des baisses de prix de base de 1 centime/litre pour le mois d’avril. Le prix de Lakeland s’affiche ainsi à 0,29 €/l et celui de Glanbia à 0,8 €/l.

États-Unis : baisse attendue du prix du lait et du cheptel

Après avoir atteint un pic en novembre 2019 à 463 $/t (419 €/t), le prix du lait aux États-Unis avait graduellement reculé jusqu’en mars à 397 $t (359 €/t), un niveau encore légèrement plus élevé qu’en 2019 (+3%). Les premières indications des prix de classe de lait montrent de fortes baisses en avril, comprises entre -23% pour la classe IV (beurre-poudre) et -20% pour la classe III (Cheddar) d’un mois sur l’autre, laissant présager un fort recul du prix toutes classes.

Les éleveurs étatsuniens sont incités à réduire leur production par de nombreux transformateurs, à travers une modification de l’alimentation, des traites moins fréquentes ou encore par la réduction du cheptel. En mars, les abattages de vaches laitières étaient encore en recul d’une année sur l’autre (-5% /2019). Mais les premières informations font état d’une hausse des abattages en avril, encouragée par la mauvaise conjoncture du secteur laitier mais également par les primes consenties par des abatteurs à la recherche de viande bovine. Ces sorties du cheptel devraient fortement ralentir la hausse entamée fin 2019 voire même réduire le nombre total de vaches laitières dans le pays.

Le Covid-19 semble avoir réduit les espoirs d’une reprise laitière aux États-Unis, qui s’annonçait en 2020 à travers une hausse des prix et du cheptel.

La seule embellie provient de la hausse des cours du Cheddar et du beurre, boostés notamment par l’annonce d’achat publics de 317 millions de dollars de produits laitiers.

 

Lait de vache » Collecte laitière »

France : la collecte marque le pas

La collecte ne progresse plus depuis avril. Le pic saisonnier a été atténué grâce à un cheptel réduit, un épisode climatique chaud et sec en avril et les signaux plus ou moins dissuasifs de la part des transformateurs. Dans les prochains mois, elle évoluera diversement selon les bassins laitiers.

Légère embellie sur les cours

La cotation ATLA de la poudre maigre connaît une embellie début mai. Elle a regagné +60 €/t en une semaine à 1 930 €/t en semaine 19. Depuis la mi-avril elle parait stabilisée après avoir dévissé de 720 €/t en deux mois.

La cotation du beurre vrac vendu sur le marché spot enregistre un redressement plus marqué : +100 €/t en une semaine à 2 800 €/t après une chute de 900 € entre la mi-février et la mi-avril.

Cette stabilisation des cours est indicative d’un certain retour à l’équilibre grâce aux premiers effets de l’aide au stockage privé qui invite les transformateurs à reporter la mise en marché de fabrications de beurre et de poudre maigre surabondantes et d’une possible reprise des échanges internationaux.

Aux États-Unis, le cours de la poudre maigre connait aussi un répit à 1 800 $/t fin avril, mais elle est devenue nettement plus compétitive que la poudre maigre européenne sous l’effet de disponibilités très abondantes. De même le cours du beurre, tombé à 2 750 $/t (2 500 €/t) connait un sursaut fin avril. Le cours du cheddar a également stoppé sa chute. Tombé à 2 200 $/t (2 000 €/t), il a rebondi à 2 815 $/t (2 560 €/t) fin avril.

Collecte : croissance stoppée depuis avril

La collecte laitière a poursuivi sa hausse saisonnière jusque début mai (pic saisonnier). Cependant, elle ne progresse plus d’une année sur l’autre depuis avril. Elle a même légèrement marqué le pas (-0,2% /2019) d’après les sondages hebdomadaires de FranceAgriMer. Rappelons qu’au 1er trimestre, elle avait progressé de +1,2% /2019 (effet année bissextile neutralisé), retrouvant ainsi le niveau moyen des cinq années précédentes. La bonne qualité des fourrages et le bon prix du lait avaient stimulé la production malgré un cheptel laitier réduit d’un hiver à l’autre (-1,6% /2019).

L’arrêt de la croissance en avril tient surtout à des raisons météorologiques. Les précipitations réduites depuis le confinement et les nuits fraîches début avril ont visiblement ralenti la production herbagère dans de nombreuses régions. Elles ont en revanche permis aux éleveurs de réaliser les ensilages d’herbe dans de bonnes conditions, même si les rendements ont été décevants dans les régions de l’Est (Lorraine, Bourgogne) et du Sud-Est, confrontées depuis janvier à des déficits hydriques importants.

L’arrêt de la croissance semble aussi découler des signaux de modération envoyés par de nombreux collecteurs. Des éleveurs ont écourté des lactations et davantage réformé. D’après les données de SPIE-BDNI, les effectifs réformés ont bondi de +9% d’une année sur l’autre, tandis que les entrées en lactation ont reculé de 2%. En somme le bilan mensuel a été plus négatif que la normale. Ainsi l’effectif de vaches laitières a enregistré une baisse saisonnière plus prononcée d’un mois à l’autre, passant de -1,5% au 1er mars à -1,8% au 1er avril d’une année sur l’autre.

L’évolution du cheptel laitier est de plus en plus marquée selon les bassins laitiers : baisse limitée en Nord Picardie (-0,4%), dans le Grand Est (-0,6%) et en Normandie (-1,2%) ; dans la moyenne nationale dans le Grand Ouest ; supérieur à -3% dans les bassins au sud de la Loire (Charentes-Poitou, Sud-Ouest).

Difficile de dire à ce stade le nombre d’éleveurs qui bénéficieront de l’aide du CNIEL pour avoir réduit leurs livraisons mensuelles de -2 à -5% /2019 en avril.

Depuis la fin avril, la météo plus douce et pluvieuse, redevenue plus conforme aux normes printanières, a relancé la pousse de l’herbe et favorisé l’implantation des maïs. La  production laitière pourrait se maintenir voire progresser dans le Grand Ouest et en Normandie, deux bassins où les signaux de modération de la production envoyés par les transformateurs semblent peu suivis. Eurial, Savencia et Sodiaal ont certes annoncé des baisses de prix du lait standard de -20 à -30 €/1 000 l au 2ème trimestre. Mais ce signal prix sera de portée limitée à une période de l’année où le coût alimentaire est relativement faible.

Collecte au plus stationnaaire dans les montagnes

Dans les montagnes de l’Est, où l’essentiel de la collecte est transformée en fromages AOP, la production printanière pourrait peu ou pas baisser, malgré l’incitation des ODG (Organisme de défense et de gestion) de ces AOP. Celles-ci ont adopté des mesures contraignantes de contingentement (permises dans le cadre du Paquet Lait européen) pour ajuster les fabrications aux débouchés. Tout d’abord les conditions climatiques sont redevenues propices à la production herbagère. Ensuite, les effectifs en vaches laitières sont étoffés dans la plupart des exploitations laitières (effectif stable dans l’ex Franche-Comté). Enfin, le CIGC (Comité interprofessionnel de gestion du Comté) a assoupli le dispositif de réduction des fabrications de Comté en imposant une baisse de 2,3% des fabrications de Comté sur toute la campagne 2020/21 et non plus de -8% sur le seul printemps.

Cet assouplissement, bien reçu pas les éleveurs, ne les incite pas à lever le pied tant que les conditions climatiques permettent de produire du lait de printemps, le moins cher de l’année. En revanche, ils devront fortement réduire leurs livraisons sur la deuxième moitié de la campagne 2020/21.

La décision du CIGC revient en fait à geler les références fromagères supplémentaires accordées chaque année (+1 320 t/an) pour accompagner la croissance des débouchés. En pratique sont accordées à des exploitations prioritaires (installation, nouveaux entrants…). Les dirigeants du CIGC espèrent que cette pause de la croissance sera suffisante pour absorber la chute des ventes en RHD, sur les marchés et dans les rayons à la coupe de la GMS lors du confinement. Les ventes de Comté à poids fixe en libre-service (50% des volumes vendus en 2019) ont dans le même temps été dynamiques, mais n’ont pas compensé la chute des ventes de meules dans les circuits traditionnels. D’un côté les Comtés vendus en GMS sont jeunes (affinés moins de 1 an), de l’autre les meules sont vendues en l’état après une durée d’affinage plus longue (1 à 4 ans). Toutefois, les mêmes dirigeants redoutent l’impact négatif de la prochaine dépression économique sur la demande et la consommation de Comté.

Baisse probable de production dans le Massif Central

Dans le Massif Central, où la part de lait transformée en fromages AOP est secondaire (20% de la ressource), la production laitière devrait poursuivre son orientation baissière, même si les conditions climatiques sont redevenues plus favorables fin avril. Tout d’abord, une certaine dépression laitière se confirme au regard du cheptel laitier qui a chuté de -3,3% d’une année sur l’autre. Ensuite, le confinement décidé pour contenir l’épidémie de Covid-19 a provoqué une chute des ventes de fromages AOP (Cantal, St Nectaire, Bleu, Fourme d’Ambert Salers) de -40 à -60% selon les semaines. Les différentes ODG ont recommandé aux fromageries de réduire de 30% leurs fabrications ce printemps, pour éviter le sur-stockage ou la destruction de fromage à durée d’affinage très limitée. Cette recommandation et les pertes de débouchés pour les fromages ont des conséquences variées pour les producteurs selon le mix produit de leur collecteur.

De petites coopératives et PME spécialisées dans des fabrications fromagères, et contraintes à vendre leur lait sur le marché spot, ont pu vendre du lait à Sodiaal. Le groupe Dischamp, premier opérateur en Saint Nectaire AOP, a fortement incité ses producteurs à réduire leurs livraisons (-30%) et excluant fermement l’idée de collecter le lait en cas de volume supérieur à une référence mensuelle. Et pour cause, le lait écarté de la fabrication fromagère seraiyt vendu à moins de 200 €/1 000 l sur le marché spot, ce qui impactera fortement la moyenne du prix du lait ce printemps. Enfin, les grands groupes (Lactalis et Sodiaal) ont réduit les fabrications fromagères AOP et réorienté la collecte vers des fabrications plus demandées (lait liquides, emmental..) et en produits industriels (beurre/poudre maigre). Les moindres fabrications de fromages AOP vont mécaniquement entrainer là encore une baisse du prix moyen du lait versé aux livreurs.

La situation est aussi très préoccupante pour  les producteurs fermiers de St Nectaire qui ont vu leurs débouchés se réduire, qu’il s’agisse de la vente en blanc ou de la vente directe notamment sur les marchés. Ils ont été contraints de réduire leur production, de multiplier les tournées de livraisons et les drive. Ils ont aussi congelé une partie des fromages (option prévue dans le cahier des charges) pour en reporter la vente à l’automne, où leur capacité à répondre au marché est généralement limitée. Une dérogation de l’INAO leur a d’ailleurs permis d’avancer de 3 semaines la période autorisant la congélation des St Nectaires en blanc.

Prix du lait de printemps : des écarts croissants entre laiteries et entre régions

Après avoir été relativement stable et plutôt élevé au 1er trimestre (353 €/1 000 l), le prix du lait standard (moyenne nationale toutes qualités confondues) s’infléchira au printemps pour retomber à mi-chemin entre le médiocre niveau de 2018 et le bon niveau de 2019. L’évolution du prix du lait d’un printemps à l’autre différera selon les collecteurs. Plusieurs groupes laitiers (Eurial, Savencia, Sodiaal et Terra Lacta) appliquent un malus ou pénalité sur le prix du lait payé au printemps pour modérer la collecte printanière, compensé dans certains cas d’un bonus sur le prix payé en été pour encourager la production lors du creux saisonnier. En revanche Lactalis maintient un prix de base inchangé d’un trimestre à l’autre trimestre. L’évolution du prix du lait diffèrera aussi selon les bassins laitiers. En Franche-Comté, il devrait se maintenir. En revanche, il risque de baisser dans le Massif Central avec des écarts croissants entre les éleveurs selon le profil laitier de leur collecter/transformateur.

Demande moins dynamique des ménages en avril qu’en mars

En France comme dans tous les pays confinés, les achats des ménages de produits alimentaires, dont les produits laitiers, ont été moins dynamiques en avril qu’en mars, juste avant (semaine 11) et après le début du confinement (semaines 12 et 13), période durant lesquels les ménages ont constitué des stocks de précaution. Selon IRi, en avril, la grande distribution (hypermarchés, supermarchés, proximité et e-commerce) a accru de +33% ses ventes de beurre et de crème, de +27% celles de laits conditionnés, de +16  à +20% celles d’ultra-frais et +26% celles de fromages vendus au rayon libre-service.

Toutefois la croissance des achats des ménages a été moindre avec la prise en compte de l’activité des rayons à la coupe (non couverts par IRi) de même que les circuits traditionnels (crèmeries, halles, marchés). Ces circuits ont subi une chute d’activité en début de confinement. Toujours selon IRi, les ventes de produits laitiers au rayon à la coupe en GMS ont reculé de -14% en valeur sur la même période.

Lait de vache » Consommation »

Lait bio : consommation boostée dans un marché malgré tout chahuté

Évoluant sur un périmètre essentiellement national et reposant pour une part très importante sur les achats des ménages, la filière laitière biologique a vu sa consommation boostée avec le confinement lié à la crise sanitaire. La crise sanitaire coïncide cependant avec une période printanière où la filière se trouve souvent à gérer des excédents, ce qui la perturbe quelque peu. Moins soumise aux aléas de l’export et à la fermeture de la restauration commerciale que la filière conventionnelle ou les filières laitières AOP, la filière bio apparait cependant  relativement épargnée.

Une collecte toujours dynamique

La collecte de lait de vache biologique reste très dynamique depuis le début d’année. Elle a ainsi entamé la période printanière, celle du pic de collecte saisonnier, sur des bases élevées. Sur le 1er trimestre, elle a ainsi atteint 265 Ml, en progression de près de 35 Ml par rapport à l’an passé (+15% /2019), dépassant ainsi  le milliard de litres sur 12 mois glissants.

Cette croissance provient de l’arrivée d’élevages bio supplémentaires, portés à 3 650 livreurs en mars (+150 d’une année sur l’autre), mais aussi d’une dynamique forte chez les exploitations qui livraient déjà l’an passé.

Dans ce contexte d’afflux massif de lait, Biolait, le premier collecteur de lait biologique a activé un dispositif de régulation des volumes auprès de ses fermes adhérentes pour la 2ème année consécutive, une décision qui était déjà entérinée avant même l’arrivée de la crise du Covid-19. Ce dispositif est opérationnel pour l’ensemble du 2ème trimestre, période durant laquelle le taux de déclassement est habituellement le plus élevé. D’autres laiteries ont également relayé des messages visant à modérer au mieux ce pic printanier, soit en relayant le message global du CNIEL adressé à l’ensemble de la filière laitière, soit en adoptant une communication plus spécifique à l’attention de leurs producteurs bio.

Un prix du lait d’hiver plus élevé

Dans la suite des prix élevés connus par la filière fin 2019, les prix de ce début d’année restent élevés. Sur le 1er trimestre, le prix réel moyen payé aux livreurs s’est établi à un peu plus de 490 €/1 000 l,  soit +4 € d’une année sur l’autre. Une hausse essentiellement imputable à la hausse du prix de base de plus de 6 €, à 477 €/1 000 litres.

A l’amorce de la baisse saisonnière, les prix devraient chuter aux environs de 420 € à 430 €/1 000 litres, soit des niveaux similaires à ceux de l’an passé voire légèrement plus bas, essentiellement du fait d’un taux de déclassement assez élevé sur la période. Ce taux de déclassement serait toutefois légèrement plus élevé que les années précédentes selon les opérateurs interrogés, du fait des difficultés logistiques liées à la crise sanitaire et avec un afflux de lait supplémentaire toujours conséquent.

Une consommation boostée par la crise sanitaire

Reposant essentiellement sur les achats des ménages, les produits laitiers biologiques ont bénéficié de la période de confinement et de fermeture de la restauration commerciale. Pour autant, cet engouement est peu visible sur les données Kantar s’arrêtant au mois de mars en comparaison de celui observé sur le segment des laits liquides dans leur ensemble.

Alors que sur les derniers mois, le lait biologique connaissait une croissance de ses ventes qui contrastait avec un segment globalement en recul, la croissance de +22% connue sur mars 2020 en comparaison de mars 2019 apparait somme toute assez modérée. Sur la période avril 2019 à mars 2020, avec une croissance des tonnages vendus de plus de 10 % contre +1,3 % pour les laits conventionnels, le lait biologique poursuit sa dynamique et reste le moteur de ce segment, un constat qui est valable sur l’ensemble des produits laitiers suivis.

Ailleurs en Europe : le Covid-19, entre booster et trouble-fête

Même si les comportements des consommateurs sont relativement proches d’un pays à l’autre avec des achats des ménages massifs en lien avec des mesures de confinement plus ou moins strictes, les opérateurs des filières laitières biologiques des principaux pays européens connaissent des fortunes diverses. Pour certains d’entre eux, qui reposent de façon importante sur les débouchés exports ou la RHD, la situation se tend et occasionne parfois des baisses des prix aux producteurs conséquentes.

En Allemagne, la collecte est demeurée modérément dynamique au 1er trimestre (+5% /2019). Comme en France, le confinement  a boosté les ventes de laits liquides conditionnés, dont celles de lait biologique. Ses ventes se sont en effet accrues de +25% sur le mois de mars par rapport à l’an passé, le plus haut niveau de croissance connu ces 3 dernières années. En Bavière, Land qui pèse à lui seul pour près d’un litre de lait bio sur deux outre-Rhin, certains opérateurs annoncent d’ores et déjà des besoins de lait biologique supérieurs dans les années à venir, et donc des besoins de conversions. Les situations d’un opérateur à l’autre restent cependant disparates selon la dépendance aux débouchés exports et à la restauration hors domicile.

La situation est plus ou moins la même en Autriche et au Danemark, les deux autres grands pays producteurs de lait biologique. Le lait biologique y est relativement bien développé et pèse respectivement pour 18% et 12% de leur collecte laitière. Ces pays se trouvent de fait avec une offre bio relativement abondante et une partie trouve des débouchés à l’export (notamment vers l’Allemagne) et vers la RHD.

Ayant déjà connu des baisses de prix en 2018 puis 2019 alors que la collecte allemande se développait, se substituant au fur à mesure aux imports, la situation se serait légèrement tendue avec la crise sanitaire. La coopérative Arla, 1er opérateur mondial en lait biologique, aurait ainsi annoncé un léger recul du prix payé aux producteurs, et d’autres petites laiteries seraient également concernées.

Aux Pays-Bas, où la collecte biologique est peu développée (2% de la collecte totale), le marché des produits bio bénéficie d’une forte croissante des achats des ménages ; l’essentiel du lait bio étant destiné au marché intérieur. Pour autant, la coopérative Friesland Campina a baissé le prix directeur sur les mois d’avril et de mai, à moins de 450 €/t (standard 44,1 MG / 34,7 MP et 45,1 de lactose), soit une baisse de 35 €/t d’un printemps à l’autre (-7%).

Le groupement de collecte Eko Holland aurait lui appelé ses adhérents à modération leurs livraisons, soit à ne pas dépasser leur production de l’année passée sur la période printanière.