Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 326 Mars 2021 Mise en ligne le 16/03/2021

Lait de vache

Une production ralentie

En janvier et février, la production laitière a fortement reflué en France, sous l’effet de cheptels réduits, de prix du lait peu incitatifs, d’un hiver plus rigoureux qu’en 2020 et aussi d’aliments du bétail plus onéreux. Elle a aussi marqué le pas dans de nombreux pays européens. En revanche elle demeure dynamique dans les autres grands bassins laitiers excédentaires, notamment aux États-Unis et en Océanie.

Le ralentissement de la production laitière européenne se répercute sur les marchés des ingrédients laitiers, d’autant que la demande internationale demeure ferme et que les stocks de produits de report sont au plus bas début 2021.

Lait de vache » Collecte laitière »

Un début d’année dynamique dans les autres grands bassins laitiers

La production laitière dans les grands bassins exportateurs, hors UE-27, a démarré l’année sur une note très positive, tirée par des prix des produits laitiers en hausse et/ou par des soutiens publics importants. L’évolution sur le reste de l’année devrait dépendre de la levée des mesures sanitaires aux États-Unis et des conditions météorologiques en Océanie.

États-Unis : ralentissement de la croissance prévu en 2021

Aux États-Unis la production laitière a progressé de 1,6% /2020 en janvier, 8ème mois de hausse consécutif. Mais il s’agit de la plus faible hausse relative depuis le mois de juin 2020. Cette moyenne recouvre des évolutions divergentes selon les États. La Californie, 1er État laitier, a enregistré un recul de sa production pour le 2ème mois consécutif (-0,7% /2020). Cette baisse a cependant été plus que compensée par les hausses enregistrées au Wisconsin (+3,1%), au Texas (+5%) et au Minnesota (+5,7%).

Cette progression de la collecte provient surtout d’une hausse du cheptel, qui a encore gagné 8 000 têtes d’un mois sur l’autre, pour atteindre l‘effectif le plus élevé depuis 25 ans à 9,45 millions de vaches (+85 000 têtes /2020, +0,9%). La production par tête n’a augmenté que de +0,6% /2020, la plus faible progression depuis le recul enregistré en mai 2020.

La production en février devrait également afficher une hausse limitée, compte tenu de la vague de froid polaire qui a touché la région centrale des États-Unis, dont le Texas, 4ème État laitier avec plus de 7% de la production nationale. Les basses températures ont non seulement affecté les animaux et leur production, mais également les industries de transformation, faute d’électricité et de main d’œuvre sur les sites. Cet évènement météorologique maintenant terminé, pourrait avoir des répercussions sur le secteur laitier texan pendant plusieurs semaines.

Mais les conséquences nationales de cette baisse locale de production devraient être limitées, compte tenu des restrictions sanitaires existantes à la consommation et du niveau élevé des stocks. Fin janvier 2021, les stocks de beurre se situaient 33% au-dessus de leur niveau de 2020, ceux de poudre maigre +9% et ceux de fromage +3%. En janvier, les productions de fromages, beurre et poudre maigre ont toutes établi un nouveau record pour un début d’année.

Pour le reste de l’année 2021, le secteur laitier étatsunien est cependant confronté à de grandes incertitudes, à commencer par la date et la trajectoire d’un retour à la normale de la demande ou de savoir à quoi ressemblera cette « nouvelle normalité ». L’avancée rapide de la campagne de vaccination, au 7 mars 18% de la population avaient reçu une première injection, suscite cependant de nombreux espoirs d’un retour à une vie moins contrainte dès la fin du 1er semestre 2021.

Dans l’attente, avec des approvisionnements en lait plus importants et des stocks élevés, un ajustement des prix des produits pourrait être nécessaire, malgré la mise en œuvre du 5ème volet d’aide alimentaire à travers les Food box, ce qui devrait se répercuter sur les prix du lait au producteur. En févier, le prix du cheddar et de la poudre maigre ont reculé d’un mois sur l’autre, entrainant une baisse des prix du lait des classes III et IV correspondant à ces produits. On peut donc s’attendre à un nouveau repli du prix du lait, qui avait déjà reculé en décembre 2020 et en janvier 2021 pour s’établir à 386 $/t (soit 317 €/t), un niveau inférieur de -11% à celui de début 2020.

Confrontés à la flambée des prix des aliments, les éleveurs pourraient momentanément stopper la croissance de leur cheptel laitier. Les abattages devraient rester mesurés en 2021, mais le cheptel devrait cependant baisser avec de moindres entrées en production de génisses, tout en restant supérieur à celui de 2020. En début d’année, le stock de génisses était en léger recul de -1% /2020. Le rendement par vache devrait encore progresser, mais devrait être affecté par la hausse des coûts de l’alimentation. Au final, les experts étatsuniens s’attendent à une hausse de la production, légèrement inférieure à celle enregistrée en 2020 (+1,9% /2019, effet année bissextile neutralisé).

Nouvelle-Zélande : nouvelle hausse de la production

Après une hausse de 0,7% /2019 en décembre 2020, la production néozélandaise a poursuivi en janvier 2020 son rebond (+0,8% /2020). Il s’explique notamment par des précipitations bienvenues tout au long du mois qui ont permis de limiter le déficit d’humidité des sols, repassé bien en-dessous des niveaux de début 2020. L’abattage des vaches laitières et des génisses a également diminué en janvier 2021 (-14,5% /2020) pour la première fois depuis trois mois.

Sur les huit premiers mois de la campagne, la hausse de la production en volume se chiffre à +0,8% par rapport à la précédente. Sur la même période, la hausse en matière solide est un peu moindre, de +0,6%.

Les exportations de produits laitiers, toujours relativement dynamiques vers la Chine, créent un vent d’optimisme chez Fonterra. Depuis le début de l’année, la coopérative néo-zélandaise a revu deux fois sa fourchette de prix à la hausse pour la campagne en cours, de 6,70-7,30 NZ$ à 7,30 -7,90 NZ$/kg de matière sèche, soit un prix indicatif supérieur au prix final de la campagne précédente.

Australie : rebond de la production début 2021

Après avoir enregistré un recul de -0,7% /2019 au cours du dernier trimestre 2020, la production a rebondi en janvier 2021 (+4% /2020), portée par des conditions saisonnières exceptionnelles pour cette période de l’année et une abondance d’aliments stockés. L’absence de vagues de chaleur et les pluies abondantes dans certaines parties de l’Australie ont été les bienvenues contribuant à soutenir la production laitière et à réduire le besoin de compléter les rations. Sur les 7 premiers mois de la campagne, la production nationale a progressé de +1,1% par rapport à la précédente.

La vigueur des prix mondiaux des produits laitiers a incité plusieurs grands transformateurs à augmenter le prix du lait payé aux producteurs. Cette revalorisation, combinée aux prix élevés des vaches de réforme, aux taux d’intérêt bas et aux faibles coûts des intrants, permet l’amélioration de la rentabilité des exploitations laitières.

Enfin la production argentine a poursuivi sa forte progression en janvier (+7,7% /2020), tirée par des prix toujours élevés en monnaie nationale (+32% /2020) et une conjoncture internationale porteuse.

Plombée par le recul de la production européenne, la hausse dans les 5 principaux exportateurs en janvier 2021 n’est que de +0,6% /2020.

Lait de vache » Collecte laitière »

Coup de frein pour la collecte européenne

Les baisses prononcées des collectes française, allemande et néerlandaise ont eu raison de la dynamique connue par l’UE-27 depuis juillet 2019 et de ses 18 mois consécutifs de croissance ininterrompue. La collecte de l’UE-27 a ainsi reculé de presque -1% en janvier 2021, sa plus forte baisse depuis 2 ans.

La collecte française plonge en janvier

Sur le mois de janvier 2021, la collecte laitière française a tout juste dépassé 2,05 milliards de litres, connaissant ainsi un recul prononcé de près de 80 millions de litres d’une année sur l’autre (-3,4%). Toutes les régions françaises sont dans le rouge, y compris la Normandie (-1,7%) qui maintenait encore une dynamique légèrement positive jusqu’en décembre. La Bretagne enregistre une baisse de -2,4% d’une année sur l’autre, un peu moins que les Hauts-de-France et le Grand Est, à respectivement -3,6 et -3,9%. L’Auvergne-Rhône-Alpes, les Pays de la Loire, et la Bourgogne-Franche-Comté ont quant à elles subi un recul plus marqué de -4,5% à -5,4%. En périphérie de ces régions du croissant laitier, la baisse s’est encore amplifiée en Occitanie et plus encore en Nouvelle-Aquitaine, à -6,1% et -7,4%. D’après les sondages hebdomadaires de FranceAgriMer, cette dynamique baissière se serait maintenue sur février.

Conditions hivernales et économiques plutôt défavorables

Avec 70 000 têtes de moins d’une année sur l’autre au 1er février (-1,9% /2020 ; un peu moins prononcé que les -2,2% du mois précédent), le recul prononcé du cheptel ne suffit pas à expliquer à lui seul ce repli marqué de la collecte. Alors que les gains de productivité avaient jusqu’alors largement gommé l’effritement du nombre de vaches laitières, cela n’a pas été le cas en janvier étant donné l’ampleur du recul. Parmi les éléments ayant pu conduire à ce recul de la collecte figurent les conditions météorologiques plutôt froides de l’hiver comparées à  celui de 2020, mais également le contexte économique moins incitatif pour les producteurs. Le coût de l’alimentation achetée s’accroît à grande vitesse, avec une hausse d’ores et déjà prononcée sur l’indice Ipampa lait de vache  global, à 108 contre 106,2 en décembre, le précédent record (base 100 = 2015).

En parallèle, le prix s’est de nouveau contracté et se révèle moins incitatif que l’an passé. A 348 €/1 000 l en janvier, le prix du lait standard (38/32, SIQO compris) a reculé de 5,5 € d’une année sur l’autre (-1,5%), mais reste légèrement au-dessus de son niveau de janvier 2019 (+2,5 €, soit +0,7%). Le lait conventionnel hors SIQO a pour sa part subi une baisse de prix plus marquée encore, de près de -9 € d’une année sur l’autre à 327 €/1 000 l. Il s’établit tout juste au-dessus de son niveau de janvier 2018, mais sous ses niveaux des années 2019 et 2020.

Les prix payés aux éleveurs se sont un peu mieux maintenus, grâce à la progression des teneurs en matières grasse et protéique. Tous laits compris, le prix moyen s’est ainsi approché de 380 €/1 000 l, soit une baisse de 3 € /janvier 2020. Pour le lait conventionnel hors SIQO, il était de 359 €/1 000 l, soit -7 € d’une année sur l’autre.

Orientation baissière chez les principaux producteurs de l’UE-27

Les collectes allemande et néerlandaise ont également accusé le coup en ce début d’année, avec des baisses respectives de -1,7% et -1,4% /2020. Contrairement aux mois précédents, ni la Pologne, elle aussi soumise aux assauts hivernaux (avec une croissance ramenée de +2% sur l’ensemble de l’année 2020 à +0,5% sur janvier 2021), ni l’Irlande, à son creux de production annuelle (avec +0,8% seulement) n’ont contribué à inverser cette tendance baissière des trois principaux pays laitiers européens. De nombreux pays d’Europe centrale ont également vu leur production décroître plus ou moins fortement (-4% pour la République Tchèque ; -1% pour l’Autriche…). Plus au Sud, l’Espagne a elle aussi vu sa collecte se replier de près de 1,5% après avoir connu une 1ère baisse en décembre (-0,5%, alors le 1er repli depuis avril 2019).

Au total, la collecte laitière de l’UE-27 n’a pas tout à fait atteint 11,7 Mt en janvier, accusant ainsi un repli de 103 000 t d’une année sur l’autre (-0,9% / 2020). Cette baisse met fin à 18 mois consécutifs de croissance ininterrompue de la collecte.