Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 318 Juin 2020

Viande ovine

Le cours de l’agneau français culmine à un niveau élevé

Après avoir chuté jusqu’à Pâques sous l’effet du confinement de la population, la cotation française s’est redressée à des niveaux particulièrement élevés. Le manque d’offre en France, conjugué à des importations de viande ovine amoindries, allège le marché et provoque une hausse des cours.

Viande ovine » France »

La demande, qui surpasse aujourd’hui l’offre, fait croître la cotation française

La production française reste en retrait, face à des achats récemment redynamisés par la très récente réouverture des restaurants en France. La baisse des importations de viande ovine, en lien avec la mise en avant de la production française, s’est accentuée en mars-avril et a participé à soutenir la cotation.

La cotation de l’agneau français profite d’une demande active

Récemment, la fin du Ramadan (le 24 mai) et la météo ensoleillée ont dynamisé la demande et soutenu le marché. On aurait pu s’attendre à une baisse des cours après le Ramadan, mais une semaine plus tard, la réouverture des restaurants et la fin de la limite des 100 km ont visiblement réanimé la consommation.

En semaine 23, la demande est active, surtout en viande d’agneau standard, selon les chargés de cotation FranceAgriMer en bassins. Le PMP de l’agneau français est alors particulièrement soutenu pour cette période de l’année. A 6,56 €/kg : il domine son niveau de l’an passé de 53 centimes (soit +19% /2019). La mise en avant de l’origine France se poursuit chez la majorité des détaillants. Parallèlement, les importations de viande ovine sont toujours sommaires, ce qui participe à alléger le marché français.

Baisse de la production de viande ovine moins prononcée pour Pâques

Selon Agreste, en avril, la production française de viande ovine a de nouveau reculé, mais seulement de -1%. Les festivités de Pâques, malgré le confinement imposé en France, ont semble-t-il tout de même stimulé la production française. Les abattages d’agneaux et de réformes ont baissé respectivement de -3% (soit -15 000 têtes) et -1% (-600 têtes) d’une année sur l’autre. Les poids de carcasse sont en hausse, de +4% pour les adultes (à 27,3 kg, soit +1,1 kg)) et +1% pour les agneaux (à 18,0 kg), ce qui a limité la baisse de production.

La hausse du poids de carcasse s’explique probablement par les reports de sortie d’ovins d’une semaine sur l’autre peu avant Pâques (peur d’encombrer le marché donc frein sur la production, alors que la demande était finalement présente).

Selon Ovinfos (base de données d’Interbev qui recense la majorité des volumes abattus), les abattages de mai seraient restés en retrait d’une année sur l’autre.

Des importations de viande ovine de plus en plus restreintes

Pour éviter un engorgement du marché et soutenir la cotation française, les distributeurs ont momentanément mis de côté la viande ovine importée (congélation de la viande chilled néozélandaise et grosse baisse voire arrêt complet des achats aux importateurs) afin de promouvoir l’origine France.

Les importations de viande ovine, qui étaient déjà en net recul avant la pandémie de Covid-19, ont davantage baissé en mars et avril 2020, de respectivement -18% et -29% /2019. Cette diminution serait amenée à perdurer jusqu’à juillet, les distributeurs profitant actuellement des sorties tardives d’agneaux issus du bassin laitier pour remplir leurs rayons.

Concernant les fournisseurs, la baisse de production au Royaume-Uni continue de pénaliser les achats français de viande britannique cette année (-40% en avril), tandis que l’Espagne se concentrerait davantage sur l’expédition d’ovins vifs vers les pays du pourtour méditerranéen (-19%). La Nouvelle-Zélande privilégie la Chine et continue de délaisser l’UE (-44% /2019). Seules les importations en provenance d’Irlande (+5%) semblent tirer leur épingle du jeu : elles progressent depuis le début de l’année, profitant de la faiblesse du Royaume-Uni sur le marché de l’export. Les prix particulièrement soutenus des viandes ovines irlandaises et britanniques, n’encouragent pas l’achat de viande importée par les détaillants français.

Viande ovine » UE et monde »

La pandémie de Covid-19 restreint les flux commerciaux

Avec la crise du Covid-19, les marchés mondiaux continuent de refléter la forte demande et, parallèlement, l’approvisionnement restreint. La fermeture de la RHD a été un coup dur pour les pays exportateurs, qui ont alors dû freiner les abattages pour éviter d’engorger le marché. L’impact sur les cours a été propre à chaque pays : tandis que le Royaume-Uni et l’Irlande ont été relativement épargnés, l’Espagne a subi la situation et cela s’est ressenti sur le prix de l’agneau. En Océanie, le cours australien augmente de façon quasi-immuable tandis qu’en Nouvelle-Zélande la relance de la cotation est plus récente.

Royaume-Uni : Baisse saisonnière des cours qui restent toutefois soutenus

Au Royaume-Uni, le pic de confinement a coïncidé avec le creux de la production de viande ovine et à l’inverse le déconfinement progressif est concomitant à la hausse saisonnière des abattages. Cela a probablement diminué l’impact de la pandémie sur la filière. Après le Ramadan, la demande s’amenuise et la production commence doucement à augmenter, ce qui pèse sur le cours de l’agneau. Malgré cette baisse, la cotation reste plutôt élevée : à 5,85 €/kg en semaine 23 (se terminant le 7 juin), elle s’est appréciée de 20 centimes d’une année sur l’autre (+4% /2019).

L’offre britannique est en recul depuis le début de l’année, mais la demande est elle aussi suffisamment faible pour peser sur le cours de l’agneau : le secteur de la RHD, qui représentait avant le confinement près de 15% de la consommation britannique, ne reprendra son activité que courant juillet. La fermeture de la RHD chez les pays clients du Royaume-Uni et de l’Irlande, principal débouché de la viande ovine importée, est donc pénalisante pour ces deux pays. Ces difficultés de commercialisation (en interne comme à l’export) freinent la production, dont la baisse s’est accentuée avec le confinement : – 1% en janvier, – 9% en février, – 14% en mars et – 20% en avril, d’une année sur l’autre.

Irlande : Prix de l’agneau de printemps sous pression

La situation est similaire à celle du Royaume-Uni : le confinement a eu lieu durant une période de l’année où la production est basse, ce qui épargne la filière. Le cours irlandais, sous pression depuis la fin du Ramadan, a entamé sa baisse saisonnière, mais reste lui aussi soutenu : +20 centimes /2019 en semaine 22. L’offre est pourtant réduite en mai (- 5% /2019 et – 3% /2018, en volume) alors que la production irlandaise est correcte cette année. C’est donc la demande, visiblement morose, qui tire la cotation irlandaise vers le bas. La baisse va s’accentuer de façon saisonnière, comme au Royaume-Uni, avec une hausse progressive des abattages qui vont venir alourdir le marché jusqu’aux fêtes de fin d’année.

Espagne : la fermeture momentanée de la RHD a causé la chute du cours de l’agneau

Le secteur HORECA (restaurants, chaînes de restaurations et hôtels) est le principal canal de consommation de viande ovine en Espagne. Sa fermeture temporaire, pour éviter la propagation du Covid-19, a eu des conséquences néfastes sur la filière espagnole.

Les agneaux légers/de lait, traditionnellement destinés au débouché HORECA, ont été les plus impactés par les mesures sanitaires prises par le gouvernement espagnol. La chute de la demande, imputable notamment à cette fermeture momentanée de la RHD, a provoqué la chute des cours de l’agneau lourd espagnol. La baisse des envois de viande ovine, dans un contexte où les pays clients ont aussi fermé momentanément leurs frontières, a aussi lourdement pénalisé le secteur : l’Espagne exportait près de 40% de sa production en 2019.

Face à un marché particulièrement encombré, l’Espagne a fait appel au dispositif d’aide au stockage privé mis en place par la Commission européenne. C’est le seul pays européen à avoir utilisé cette aide pour stocker de la viande ovine et caprine. Même si les volumes sont faibles, 140 t., cela met en avant les difficultés rencontrées par les opérateurs de ce pays face aux mesures de restrictions pour endiguer la propagation du virus.

L‘Interprofessional Agroalimentaria del Ovino y Caprino (Interovic) a même récemment conclu un accord avec Amazon, afin d’atténuer les graves effets de la crise du coronavirus sur le secteur de la viande ovine. Les clients d’Amazon Prime à Madrid et à Barcelone peuvent désormais profiter d’une sélection de nouvelles coupes et d’autres coupes traditionnelles d’agneau grâce au service de livraison rapide Amazon Prime Now.

Nouvelle-Zélande : la cotation remonte en mai, après avoir subi les effets de la Covid-19

En mai, le cours de l’agneau néozélandais a pu remonter, très probablement en lien avec le redémarrage des transactions commerciales. Il avait chuté en avril en raison de grosses difficultés logistiques à l’export (-14% en avril, en volume).

La baisse des envois en avril a touché l’Europe (-50% vers la France, -40% vers le Royaume-Uni), mais épargné la Chine (hausse de +5%) : décalage des impacts de la Covid-19 (la Chine a déclaré des cas et eu des difficultés logistiques plus tôt que les pays de l’UE : l’activité a repris en Chine lorsque le continent européen était en plein confinement).

Australie : hausse imperturbable du cours de l’agneau

La cotation de l’agneau australien ne cesse d’augmenter : la baisse de l’offre s’est accentuée en mars et avril, face à des difficultés à l’export (-7% /2019 en mars et -23% d’envois en avril), afin d’éviter un engorgement du marché.

La reconstitution du cheptel ovin australien, stimulée par l’amélioration des conditions saisonnières, va accentuer le resserrement de l’offre cette année (agneaux davantage gardés pour le renouvellement et donc baisse des abattages), faisant davantage augmenter le prix de l’agneau (Meat and Livestock Australia).

La forte demande extérieure, notamment chinoise (besoins en protéines avec la FPA), et la faiblesse de la devise locale, participent aussi à cette hausse des prix.

Les exportations devraient conjointement baisser cette année, non seulement en lien avec une offre baissière mais aussi à cause des difficultés logistiques engendrées par la pandémie de Covid-19 et la fermeture momentanée de la RHD chez les pays clients. On enregistre en effet une baisse de -23% des envois en avril, avec -5% vers la Chine et -19% vers les USA, les deux principaux débouchés de la viande ovine australienne.