Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 359 Mars 2024 Mise en ligne le 25/03/2024

En janvier, la collecte a poursuivi son décrochage, malgré une hausse significative du prix du lait, portée par la flambée des cours mondiaux des ingrédients laitiers. Les éleveurs semblent réagir à cette revalorisation du prix en réduisant les réformes, ce qui pourrait se traduire par une moindre érosion du cheptel dans les prochains mois.

En janvier, les sorties de vaches du cheptel national ont nettement reflué (-7% /2021), en raison d’une réduction du nombre de réformes, d’après les statistiques extraites de la base Normabev (-11% /2021 des abattages sur les semaines 3 à 6, et -3% sur les semaines 7 à 10).

Depuis juin 2021, la baisse des réformes est presque continue (elle n’a été interrompue que brièvement en novembre). Si elle semblait surtout liée aux larges disponibilités fourragères jusqu’à l’automne, elle pourrait maintenant surtout résulter d’une réaction des éleveurs à la forte hausse des prix du lait payés en janvier, qui les incite à produire davantage.

Cette rétention n’a pour l’instant qu’un faible impact sur le cheptel, car le recul des vêlages de primipares limite son redressement. Cette baisse des entrées devrait se poursuivre dans les prochains mois, au regard des faibles effectifs de génisses de la catégorie d’âge 24-36 mois, inférieurs de -4,5% à leur niveau de l’an dernier. Au 1er mars 2022, le cheptel demeurait en baisse de -1,7% par rapport à son niveau de l’an dernier (contre -1,8% en janvier).

La collecte poursuit son recul

En janvier, la collecte nationale s’est de nouveau fortement repliée d’une année sur l’autre (-1,9% /2021), à 2,07 Mt. Rappelons que la collecte avait déjà fortement reflué à la même période début d’année 2021. En conséquence, comparée à janvier 2020, elle chute de -5,3%, son plus fort recul sur deux ans. La faible qualité des fourrages, le prix élevé de l’aliment acheté et le recul du cheptel (-1,8% /décembre 2020) expliquent ce recul, qui est le plus marqué dans l’Est, notamment en Bourgogne-Franche-Comté (-5% /2021).

Si ce recul des livraisons est légèrement moindre que celui observé ces derniers mois, il masque un bilan encore moins reluisant en termes de Matière solide utile (MSU) : les taux de MG (42,8 g/l) et de MP (33,75 g/l) ont tous deux reculé sensiblement d’une année sur l’autre (-1,2% chacun). La collecte en MSU signe donc son plus fort décrochage au mois de janvier (-3,1%), et s’établit -5,6% en dessous de son niveau de janvier 2020.

Ce repli des livraisons sur un an se serait légèrement atténué début février selon les sondages hebdomadaires de FAM (proche de -1% /2020), mais relativement à une collecte qui reculait déjà en 2021. Les livraisons auraient ensuite de nouveau fortement décroché fin février-début mars (-2,1% en S8 et -1,4% en S9).

Accentuation de la baisse du nombre de livreurs en 2021

Entre 2020 et 2021, le recul du nombre de livreurs de lait de vache s’est accentué. Le pays a perdu -4,2% en France entre janvier 2021 et janvier 2022, contre -3,6% entre janvier 2020 et janvier 2021.

Trois régions affichent des pertes particulièrement importantes : la Bretagne, qui a perdu 460 livreurs en une seule année (-5%), l’Occitanie (-110 livreurs, soit -5,5%) et la Nouvelle-Aquitaine (-150 livreurs, -7%). La Normandie, le Centre-Val de Loire et la Bourgogne-Franche Comté s’en sortent relativement mieux, avec une perte d’environ -3% de livreurs en un an.

La collecte s’étant maintenue en Normandie et Bretagne en 2021, ce sont logiquement ces deux régions qui enregistrent les plus fortes hausses de volumes par livreur (supérieures à +4%). Cette croissance des volumes peut s’expliquer par une croissance plus forte de la productivité laitière, mais aussi par le plus net agrandissement des cheptels dans ces région.

En 2022, les cessations laitières pourraient s’accélérer dans les régions en proie à une forte concurrence des filières végétales, en raison de la flambée du prix des céréales qui rend la culture céréalière plus attractive. La Nouvelle-Aquitaine, l’Occitanie, les Hauts de France et la Bretagne pourraient particulièrement être concernés, étant donné la faible proportion de STH (surface toujours en herbe) sur ces territoires.

Le prix du lait progresse fortement en janvier

En janvier, le prix du lait standard tout lait s’est établi à 393 €/1 000 l, en hausse de +14 € sur un mois, et de +45 € /2020. La hausse du prix réel moyen payé aux livreurs est légèrement moindre (+11%) en raison de la baisse des taux d’une année sur l’autre. Plus connecté aux cours mondiaux des ingrédients laitiers, le prix conventionnel standard a connu une hausse plus significative au mois de janvier (+15% soit +51€, à 376 € /1 000 l). Cette appréciation du prix est plus nette chez les collecteurs/ transformateurs fabricants d’ingrédients laitiers qui intègrent la valorisation beurre poudre dans leurs formules de prix.

Accélération de la hausse des charges

En janvier, la hausse des charges s’accélérait déjà avant le déclenchement du conflit en Ukraine. L’indice IPAMPA lait de vache avait encore gagné +2,3% en un mois, sous l’impulsion de l’inflation de l’énergie (+6% d’un mois à l’autre) et du prix de l’aliment acheté (+4%). Sur un an, les prix des engrais ont bondi de +90% /décembre 2020, de +28% pour l’énergie et de +13% pour l’aliment acheté.

L’impact de la guerre en Ukraine sera visible sur l’indice IPAMPA de mars. Le conflit affecte l’offre pour l’ensemble des catégories d’aliment, mais c’est surtout le renchérissement des matières azotées, dont les exploitations laitières sont les plus dépendantes, qui impactera les comptes des exploitations. La flambée concerne particulièrement le prix des tourteaux non OGM, devenus rares qui proviennent massivement d’Ukraine et de Russie. En conséquence, les filières AOP et les opérateurs de l’Est, qui exportent des produits finis vers l’Allemagne, seront particulièrement touchés. En Semaine 10, la cotation à Sète du tourteau de soja non OGM s’élevait à 930 €/t (+75% sur un an) contre 630 €/t pour le tourteau de soja conventionnel (+46%).

Hausse de la MILC ; une embellie temporaire ?

Après une année 2021 qui a vu l’indicateur MILC retomber à son pire niveau depuis 2016 (91,3 €/1 000 l en moyenne sur un an, en baisse de -6 € /2020), la marge laitière s’est redressée en ce début d’année (105 € /1 000 l en janvier), grâce à la hausse du prix du lait conventionnel (+15%), combinée à celle des cotations des vaches O et P. La MILC s’établit +15 € au-dessus de janvier 2021 et frôle son niveau de janvier 2018. Il faut remonter à 2014 pour retrouver un niveau sensiblement supérieur à cette période de l’année.

Le redressement pourrait se poursuivre en février, mais la flambée du prix des intrants, liée au conflit, pourrait ensuite porter un coup d’arrêt à cette dynamique, si celle-ci ne s’accompagne pas d’un maintien du prix du lait au printemps.