Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 358 Février 2024 Mise en ligne le 23/02/2024

Lait de vache

Recul important de la collecte en France en 2023 mais stabilité en Europe

La collecte de lait dans l’UE a maintenu une stabilité globale en 2023 mais cet équilibre apparent cache une diversité marquée entre les pays et les 2 semestres de l’année. Une hausse de la production en début d’année a été suivie d’une inversion de tendance due aux aléas météorologiques et à la baisse du prix du lait.

En France, le recul de la collecte a été significatif en 2023, principalement en raison d’incidents climatiques majeurs et inédits. Cependant, des facteurs sembleraient propices à la production ces prochains mois. La consommation de produits laitiers a résisté en 2023 dans un contexte de forte inflation, ce qui constitue un signal encourageant pour la filière. En revanche, des filières segmentées comme la bio ont souffert. Endiguer la crise persistante de la consommation bio devient un enjeu fort pour 2024.

Lait de vache » Collecte laitière »

Peu de signaux positifs pour le marché du lait bio début 2024 après une année 2023 difficile

Pour la première fois, la collecte de lait biologique en France a diminué en 2023. La consommation de produits laitiers bio a de nouveau décroché. Tout l’enjeu pour la filière en 2024 sera d’enrayer cette crise persistante de la consommation.

Une collecte en net recul

La collecte française de lait biologique a décliné toute l’année. En décembre, elle a poursuivi son recul (-6% /2022) portant le repli annuel à -4,5% /2022. Grâce à une amélioration des taux, la baisse est toutefois moindre en MSU (-3,5% /2022). Avec 1,23 milliard de litres collectés en 2023, le lait bio représente 5,4% du lait collecté en France. En 1 an, la filière a perdu 200 livreurs (-4,7% /2022). En décembre 2023, on en dénombrait 4050 (source FranceAgriMer) soit 9,5% des livreurs français. Au-delà de la diminution du nombre de livreurs bio, la baisse de lait produit par site d’exploitation (en raison des conditions climatiques et d’une moindre motivation à produire) a également impacté le niveau de collecte.

La collecte a reculé dans toutes les régions françaises à l’exception de la Normandie (+1,1% /2022). Dans les 2 premières régions de collecte, Pays de la Loire et Bretagne, le recul a atteint -4,6% /2022.

Des inquiétudes persistent sur les arrêts de certification en 2024 sachant qu’un nombre conséquent d’éleveurs seront arrivés aux termes de leurs 5 ans d’aide à la conversion.

Un prix du lait bio qui se tient

En 2023, le prix moyen du lait bio 38/32 s’est établi à 491 €/1 000 l, en progression de +24 € /2022. Malgré un marché très dégradé par le décrochage de la consommation de produits bio, les laiteries ont choisi de soutenir les prix payés aux éleveurs. Cette segmentation de marché demeure importante pour les laiteries. L’enjeu est de reconquérir des consommateurs sensibles aux valeurs portées par l’AB mais qui se sont détournés de celle-ci.

Sur ce début d’année 2024, les prix du lait bio sont globalement reconduits.

Un fort décrochage de la consommation

Les ventes de produits laitiers bio en magasins généralistes ont poursuivi leur forte érosion en 2023 : une chute de -10% à -18% /2022 selon les produits alors que la vente des produits laitiers non bio résiste. L’écart de prix entre les produits bio et non bio s’est pourtant fortement réduit. Par exemple pour le beurre, l’écart de prix était de 17% en 2021 et il s’est réduit à 9% en 2023. Pour l’ultra-frais, l’écart de prix était de 29% en 2021 et il est descendu à 19% en 2023.

A noter que sur la dernière période de l’année, les ventes d’ultra-frais bio ont mieux résisté (-5% en P13-2023/ P13-2022).

Quelques signaux positifs ?

Quand on regarde plus largement les achats des ménages, selon Kantar, il semblerait que certains débouchés se portent mieux. En 2023, les volumes de produits laitiers commercialisés en vente directe ont progressé de +8% /2022 (+4% en valeur). Les ventes en magasins spécialisés ont moins reculé qu’en magasins généralistes (-7% /2022 en volume tous produits laitiers et -5% en valeur).

Redonner du sens à la consommation de produits bio en magasins généralistes parait un enjeu essentiel en 2024 pour que la consommation redémarre. L’espoir est aussi porté sur la restauration collective voire la restauration commerciale pour stimuler la consommation de produits bio.

Lait de vache » Collecte laitière »

Une production laitière européenne stable en 2023

Les livraisons de lait dans l’Union européenne en 2023 sont ressorties globalement stables par rapport à 2022. Il y a toutefois une forte hétérogénéité entre les pays et entre les deux semestres. En effet, si la production a augmenté en début d’année, les problèmes météo et la baisse des prix du lait ont entrainé un changement de tendance pour la seconde partie de 2023.

Poursuite de la baisse du cheptel européen

En 2023, le cheptel laitier européen enregistrait une nouvelle baisse pour la 8ème année consécutive. Il est passé sous la barre des 20 millions de têtes pour atteindre 19,7 millions de têtes en décembre 2023 (soit -311 000 têtes, ou -1,5% /2022 selon les dernières estimations).
Le cheptel allemand, de 3,7 millions de têtes, a enregistré le plus fort repli (-97 000 têtes soit -2,5% /déc 2022). Les abattages y sont ressortis en très légère hausse sur l’année 2023 (+0,2% /2022). Le cheptel a surtout baissé par de moindres entrées de génisses. En France, le cheptel laitier a reculé de -2,1% à 3,17 millions de têtes (soit -66 000 têtes). La décapitalisation a ralenti en fin d’année 2023 car le prix du lait demeure attractif et les fourrages conservés sont lactogènes et en quantités suffisantes. Le cheptel néerlandais s’est replié en 2023 à 1,5 millions de têtes (-1,5% soit -24 000 têtes).
Sur 2023, parmi les pays les plus producteurs de lait, seul le cheptel polonais ressort en croissance (+31 000 têtes à 2 millions de têtes soit +1,5%). Après une très forte restructuration des élevages et une forte décroissance de ce cheptel depuis l’entrée dans l’UE, l’envolée du prix du lait en 2022 et début 2023 a probablement boosté les investissements et agrandissements d’ateliers. Le cheptel irlandais s’est quant à lui stabilisé à 1,5 millions de têtes en 2023 mais les abattages sont en nette hausse sur le début de 2024.

Collecte stable en 2023

La collecte laitière européenne s’est établie à 143,7 Mt en 2023 soit un niveau similaire à l’an passé mais avec deux semestres aux antipodes. Au 1er semestre, les éleveurs ont profité d’une conjoncture attractive malgré la baisse progressive des prix du lait. La collecte a donc augmenté (+0,8% /2022). Puis, après un 3ème trimestre stable, la collecte a fortement décroché en fin d’année (-0,8% au 2nd semestre) principalement à cause de problèmes météo (vagues de froid, tempêtes et humidité excessive).

En Matière Solide Utile (MSU), la collecte annuelle a toutefois augmenté de +0,7% à 10,8 Mt (soit +73 000 t) car les taux moyens de matières grasses et protéiques sont ressortis en hausse par rapport à 2022 (respectivement à 4,11% et 3,44% contre 4,09% et 3,42% en 2022).

Au 1er semestre, la dynamique européenne a été tirée vers le haut par les collectes allemande et néerlandaise. La vague de froid en fin d’année a atténué cette progression. Néanmoins, sur l’année, la collecte allemande a augmenté de +430 000 t, soit +1,4% par rapport à l’an passé. De même, les collectes néerlandaise, belge et polonaise sont restées dynamiques (respectivement +132 000 t, +150 000 t et +242 000 t /2022).

Outre la collecte française, la collecte irlandaise s’est nettement repliée en 2023 (-376 000 t /2022 dont les trois quart de cette baisse sur le dernier trimestre). En effet, les conditions humides durant l’automne ont poussé les éleveurs à anticiper la mise en bâtiment et le tarissement des vaches.

Dans le sud de l’Europe, les tendances sont inverses : hausse en Espagne (+15 000 t) et baisse en Italie (-84 000 t). En Italie, les prix de l’aliment sont restés élevés par rapport à la baisse des prix du lait, entrainant une baisse des marges pour les éleveurs. Par ailleurs, la météo chaude et sèche de cet été a accentué la baisse de production. A l’inverse, en Espagne, la météo a été plus propice que les années précédentes ce qui a poussé les éleveurs à moins abattre de vaches et permis un sursaut de production durant l’été.

Lait de vache » France »

Recul de la collecte française en 2023 mais des perspectives prometteuses pour début 2024

La collecte de lait a nettement reculé en 2023, principalement en raison d’incidents climatiques majeurs et inédits. La fin d’année a affiché toutefois une embellie qui devrait se poursuivre dans les premiers mois de l’année 2024, soutenue par des facteurs propices à la production.

La collecte retrouve du dynamisme

La fin d’année s’est terminée par une remontée de la collecte laitière. Le mois de décembre a presque retrouvé son niveau de 2022 (-0,3% /2022). Le bilan de la collecte 2023 montre néanmoins un recul marqué de -2,7% /2022. Avec l’amélioration des taux (+1% /2022 en taux protéique et +1,4% en taux butyreux), la collecte affiche une baisse moins prononcée de -1,5% en MSU (matière sèche utile). Après un premier semestre affecté par des fourrages récoltés en 2022 peu lactogènes, la quantité et la qualité des fourrages récoltés en 2023 laissaient présager une amélioration de la collecte en seconde partie d’année. D’autant que la bonne tenue du prix du lait a incité les éleveurs a gardé davantage leurs vaches. Mais une baisse anormale de la collecte a été observée de septembre à novembre. En cause les intempéries, canicule en septembre et fortes pluies en octobre et novembre, ont lourdement affecté la productivité des vaches.

Au mois de janvier 2024, la collecte se rétracterait d’environ -1% /2023 d’après les enquêtes hebdomadaires de FranceAgriMer. Les intempéries de neige et de gel ont perturbé la collecte dans certaines régions françaises. Mais ces dernières semaines, la collecte est repartie à la hausse.

Les prochains mois apparaissent plus opportuns pour la production de lait. Plusieurs signes encourageants devraient concourir à une amélioration de la collecte.

Des opportunités sur l’alimentation des vaches

L’indice des prix des aliments achetés a connu une baisse tout au long de l’année 2023, en lien avec la diminution des prix des matières premières végétales. Et la production d’aliments composés pour bovins lait a progressé en 2023 (+1,2% /2022) avec une hausse marquée en novembre (+7,4% /2022). Les éleveurs ont augmenté leurs achats de concentrés pour stimuler la production laitière. De plus, les fourrages stockés sont présents en quantité et qualité avec des maïs désormais bien calés dans les rations.

L’érosion du cheptel laitier ralentit

Un autre signe encourageant émerge : le ralentissement de la baisse du cheptel se poursuit. Le nombre de vaches laitières était en recul de -1,6% en janvier 2024 /2023, contre -2,5% au 1er mai 2023). D’une part, les éleveurs gardent davantage leurs vaches. En décembre 2023, les sorties de vaches ont baissé de -14% /2022. D’autre part, le déclin du cheptel de génisses s’est atténué toute l’année 2023 passant de -3,8% en janvier 2023 /2022 à -2,3% en janvier 2024.

Le prix du lait se tient

En décembre 2023, le prix du lait standard (toutes qualités) en France a atteint 450 €/1 000 l. En moyenne sur l’année 2023, le prix s’est établi à 460 €/1000l soit une progression de +24 € comparé à 2022. En prix réel, la moyenne annuelle s’est fixée à 487 €/1 000 l, en hausse de +26 €, avec l’amélioration des taux.

Sur le début d’année 2024, de nombreuses laiteries ont reconduit leurs prix, certaines l’ont un peu diminué quand d’autres l’ont augmenté. On estime un prix du lait en légère progression en janvier et février (+2 à +5 €/1 000 l).

Les charges en élevages, d’après l’IPAMPA lait de vache (qui représente 50% des coûts de production), ont un peu baissé sur la première partie de l’année 2023 et se sont ensuite stabilisées à un niveau élevé. En décembre, l’IPAMPA a perdu 1 point. Le recul des charges alimentaires, des engrais et du poste énergie se poursuit. En moyenne sur 1 an, l’IPAMPA est resté presque stable à +0,4% /2022.

Notons que les autres charges non prises en charge dans l’IPAMPA telles que les travaux par tiers, les frais financiers, le travail, le fermage ont en revanche progressé en 2023.

La marge MILC, estimée à 146 €/1 000 l en décembre, a reculé de -3 € d’un mois sur l’autre sous l’effet du recul cumulé du produit généré par la vente des animaux (baisse des cotations) et du produit lait. En revanche, les charges (prises en compte dans l’IPAMPA) ont légèrement diminué. En moyenne pondérée sur 12 mois, la MILC s’est établi à 151 €/1 000 l, en hausse de +24€ /2022. En parallèle à la faible hausse des charges (+2€/1 000 l sur 1 an), les produits se sont appréciés (+26 €/1 000l). Le prix du lait a progressé en moyenne de +24€ (+5% /2022). Les autres produits, générés par la vente des veaux et des vaches de réforme, ont peu évolué.

La consommation de produits laitiers résiste

Malgré une augmentation des prix des produits laitiers en magasins, leur consommation a bien résisté. Les prix des produits laitiers en magasins généralistes ont progressé en moyenne en 2023 de +15% /2022.  Sur un an, les ventes en magasins se sont plutôt bien tenues avec une belle progression pour les crèmes (+3% /2022), les yaourts et les fromages libre-service (+1% /2022). Pour les autres produits laitiers, un recul des ventes est observé (de -1 à -3% /2022 selon les produits).  Mais des hausses notables des ventes ont été enregistrées pour tous les produits sur la dernière période de l’année voire le dernier trimestre.

La hausse des prix des PGC dans les enseignes alimentaires et la bonne résistance de la consommation des produits laitiers a contribué à une bonne tenue du prix du lait payé aux éleveurs en 2023 quand les cotations beurre/poudre étaient en recul. Ce prix favorable associé à de bonnes opportunités sur l’alimentation des vaches encouragent les éleveurs à produire du lait d’autant que les laiteries montrent de la flexibilité quant aux volumes produits. Ces facteurs favorables devraient permettre une amélioration de la collecte ces prochains mois mais attention à l’évolution de la MHE qui pourrait repartir et s’étendre à d’autres départements au printemps.

Lait de vache » Marché des produits laitiers »

Évolutions divergentes des cours du beurre

Depuis le début d’année 2024, les prix du beurre évoluent de façon hétérogène entre l’UE-27, les États-Unis et la Nouvelle-Zélande tout en convergeant vers 5 200-5 400 €/t au mois de janvier 2024, soit un niveau supérieur à la moyenne annuelle de la cotation européenne de 4 860 €/t en 2023.

Lors des deux dernières enchères du Global Dairy Trade, les cotations de la matière grasse ont enregistré de fortes hausses (+10,5% pour le beurre et +12,2% sur la matière grasse anhydre en février/janvier 2024).

Forte demande mondiale

Selon nos estimations à partir des derniers chiffres d’importations sur TDM, la demande mondiale en beurre en 2023 était en hausse de près de +20 000 t.

La Chine, premier importateur mondial, a réduit ses achats de -9%/2022 (-9 000 t à 93 000 t, soit -9%). Néanmoins, la demande annuelle de l’Égypte aurait augmenté de +30 000 t à 36 700 t selon TDM par rapport à 2022. L’Arabie Saoudite a également été fortement présente avec des importations en hausse de +4 000 t soit +12% sur dix mois/2022.

En Australie, les importations ont augmenté en 2023 de +21% à 38 000 t, principalement en provenance de Nouvelle-Zélande.

Demande surprenante aux États-Unis

Les fabrications de beurre aux États-Unis en 2023 ont été supérieures à 2022, +2,7%, avec une forte hausse au moment du pic laitier (+8% /avril-mai 2022). Elles ont décru au mois de novembre alors que la demande intérieure était particulièrement forte (-3,3% /nov2022). La consommation au mois de décembre a surpris le marché, elle est ressortie record depuis que l’USDA publie les données (2011). En hausse de +25% /2022, sa progression a été de près de +5% par rapport au mois précédent. Une augmentation entre ces deux mois n’est jamais arrivée jusqu’à présent. Les stocks de beurre s’affichaient fin décembre en baisse de -8% /2022. Dans ce contexte, les importations annuelles étaient en hausse aux États-Unis (+19% /2022 à 48 000 t) principalement en provenance d’Irlande et de Nouvelle-Zélande.

Hausse des exports en Nouvelle-Zélande

Au début de l’année 2023, au vu de la moindre demande en poudres grasses de la part de la Chine, il semblait probable que les fabrications néo-zélandaises seraient redistribuées vers davantage de beurre et de poudre maigre. A la fin de l’année alors que les exportations totales de poudres grasses de la Nouvelle-Zélande sont ressorties en hausse de +3,2%, cette hypothèse est remise en question. Les fabrications de beurre en 2023 ont donc dû être sensiblement proches de l’an passé. Il n’y a donc pas eu de volumes supplémentaires disponible pour le marché mondial.

Pourtant, les exportations NZ de matières grasses, qui représentent près de 60% des exportations mondiales, ressortaient en hausse en 2023 de +5%, soit +22 000 t à 468 000 t. Des stocks ont donc dû être consommés.

Baisse des disponibilités en fin d’année dans l’UE-27

Dans l’UE-27, les fabrications de beurre ont légèrement progressé durant l’année 2023 (+2,2% /2022). Toutefois, cette hausse s’est principalement produite au cours du 1er semestre, les fabrications de beurre ayant chuté au 2nd semestre. Ce recul s’est surtout vu en Irlande (13% des fabrications européennes et 3ème fabriquant derrière l’Allemagne et la France) où elles ont décroché de -12% et -10% en novembre et décembre /2022 à cause de la baisse de la collecte.

Cette baisse des disponibilités en fin d’année est en partie responsable de la hausse des prix que l’on observe actuellement dans l’UE-27. Surtout que les exportations de matières grasses en 2023 étaient en hausse de +14% soit + 35 000 tonnes à 284 000 t alors que les importations ont reculé de -16 000 t à 53 000 t (-23% /2022).