Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 350 Mai 2023 Mise en ligne le 23/05/2023

Lait de vache

La collecte française décroche

En France, la production décroche, malgré un prix du lait encore relativement élevé, ce qui se répercute sur la balance du commerce extérieur.
Dans l’UE-27, la reprise de la production laitière semble tourner court. Face à une demande européenne affectée par la flambée des prix au détail, les exportations de produits laitiers retrouvent de la vigueur.

Sur la scène internationale, les marchés des principaux ingrédients semblent momentanément bien ajustés entre des disponibilités plus abondantes chez les trois principaux exportateurs et une demande plutôt ferme et croissante dans les bassins déficitaires.

Lait de vache » France »

Un décrochage préoccupant de la collecte et des exportations françaises

Un décrochage de la collecte, qu’on pressentait, s’est amorcé en France en mars. Face à un repli du cheptel laitier si édifiant, il devenait inévitable que la collecte décline. Dans le sillage des autres pays européens, le prix du lait français a fléchi en mars.

Les exportations françaises de produits laitiers ne se portent pas mieux. En raison de moindres disponibilités laitières, les volumes exportés se sont de nouveau contractés au cours du premier trimestre 2023.

La collecte de lait en France dévisse

La collecte laitière s’est rétractée en mars de -3% /2022. Le début d’année avait déjà été marqué par un recul de -1,2% /2022, mais une chute plus prononcée est désormais observée en mars.  Ce décrochage devrait perdurer en avril d’après les enquêtes hebdomadaires de FranceAgriMer (-2,5 à -3% /2022). Et nos prévisions de collecte estiment des baisses similaires pour les prochains mois. Depuis 2015, on assiste à un recul du cheptel laitier avec un accroissement progressif de la perte des vaches année après année. Jusqu’à récemment, la collecte avait peu reculé. Dorénavant, la chute considérable des effectifs de vaches a un impact significatif sur le niveau de collecte.

Au 1er avril 2023, le cheptel de vaches laitières a de nouveau fléchi de -2,4% /2022. Depuis septembre 2022, la baisse des effectifs de vaches est comprise entre -2 et -2,5% par rapport à l’année précédente. En avril, les effectifs de vaches réformées ont pourtant fortement diminué (-7% /2022), mais le nombre d’entrées de génisses s’est aussi nettement réduit (-3% /2022).

La collecte de lait bio est également concernée par un repli notable : en mars, elle a baissé de -4,3% /2022. Le recul des achats des ménages de produits laitiers bio depuis 2021 oblige les collecteurs à sur-maitriser l’offre ce qui se répercute désormais sur la production nationale.

Le prix du lait amorce un repli en mars

En mars 2023, le prix du lait standard (toutes qualité) en France a atteint 470 €/1 000 l, en recul de -11€ comparé à février. Il reste toutefois plus élevé qu’un an auparavant (+63 €). Il suit avec moins d’ampleur la tendance baissière engagée depuis janvier dans l’UE. Les prix ont fortement décroché en Europe du Nord, après avoir atteint des sommets fin 2022.  Les prix allemands, irlandais ou polonais se retrouvent en mars au niveau du prix français. D’après les premières estimations, le prix du lait en France aurait baissé d’environ -15 à -20 €/1 000 l entre mars et avril 2023.

Les charges en élevage ont amorcé un timide repli en mars d’après l’Ipampa lait de vache. Cet indicateur, qui n’intègre pas l’ensemble des charges, a diminué en mars de -0,4% /février 2023. Le prix des engrais recule depuis novembre 2022. Une légère baisse a été observée en mars sur le poste aliment (-0,4% /2022). Les postes énergies et aliments achetés devraient refluer dans les mois à venir. L’Ipampa lait de vache devrait ainsi poursuivre sa baisse.

Résultat : la marge MILC en France, estimée à 160 €/1 000 l en mars, a légèrement baissé, de -8 € d’un mois sur l’autre, sous l’effet de la baisse du prix du lait. Le produit des ventes d’animaux a quant à lui légèrement progressé. Les charges, comme évoqué, ont très légèrement diminué. Sur un an, la MILC a augmenté de +57 €/1 000 l. La hausse du produit lait (+67 € /2022) et celle des autres produits (+7 €) ont largement compensé l’augmentation des charges (+18 €).

Les exportations laitières françaises poursuivent leur repli

Face à des disponibilités laitières plus réduites, les volumes exportés de produits laitiers ont continué à baisser au cours du premier trimestre 2023. Excepté pour les crèmes (+14% /2022), les yaourts (+4%) et le lait infantile (+22%), les exportations de tous les autres produits ont diminué.  Les exports de fromages, en tête des produits laitiers exportés, ont connu une baisse de -6% /2022 et le lait vrac de -7%. Les exports d’emmental, de fromages fondus, de Saint Paulin et de brie sont en recul. Cependant en gouda, fromages râpés et camembert, les volumes exportés ont progressé.  La France ne s’inscrit pas dans la tendance européenne où une forte reprise des exportations en volume est observée, avec un mois de mars en nette hausse. Les exportations françaises ont toutefois progressé en valeur (+12% /2022 à 2,3 Mrds d’€).

Rappelons qu’en 2022, les exportations (mesurées en équivalent lait) ont fléchi en volume de -5% /2021 et ont écoulé l’équivalent de 41% de la collecte nationale de lait de vache.

Les importations ont progressé en volume sur les principaux produits importés : stable en fromages, +10% /2022 en beurre, +4% en crème et +22% en lait vrac. En valeur, les importations se sont appréciées de +17% /2022. La balance commerciale s’est établie à +826 millions d’€ sur le premier trimestre de l’année, en légère progression (+3% /2022). Corollaire de 2022, la valeur des produits exportés, composés surtout de produits finis, baisse moins vite que celle des produits importés, composés principalement d’ingrédients laitiers

Le solde est excédentaire pour tous les produits laitiers à l’exception du beurre dont le déficit commercial a bondi au premier trimestre de +39% à -183 millions d’€. Le solde commercial en laits infantiles (+248 millions d’€) s’est nettement apprécié (+66% /2022) avec la hausse des exportations.

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Pourquoi le prix de la poudre maigre baisse aux USA, se stabilise dans l’UE et se redresse en Nouvelle-Zélande ?

Face à une demande intérieure morose, les principaux exportateurs de produits laitiers se tournent vers le marché mondial. Néanmoins, la gestion de l’offre n’est pas la même au vu de dynamiques de collecte très différentes.
La collecte aux États-Unis a progressé au 1er trimestre tandis que la dynamique européenne s’essoufflait au mois de mars. En Nouvelle-Zélande, la collecte a progressé, mais les volumes sont restés faibles.

Le prix de la poudre maigre connaissait début mai un léger rebond sur la plateforme d’enchère du Global Dairy Trade car la demande internationale semble soutenue pour cette origine. De même, les exportations de l’UE pourraient s’accélérer dans les mois à venir. A l’inverse, les exportations du mois de mars des États-Unis ont baissé pour le deuxième mois consécutif.

États-Unis : une offre laitière trop abondante par rapport à la demande

La hausse de la production de lait aux États-Unis s’est poursuivie au 1er trimestre, mais la dynamique semble avoir été moins forte en mars (+0,5% /2022). Le cheptel a peu varié au 1er trimestre et les rendements étaient stables. Par ailleurs, le prix du lait payé aux éleveurs s’est nettement replié dans un contexte de prix de l’aliment toujours élevé. La marge sur coût alimentaire a chuté.

La Californie fait exception dans ce paysage. L’État a fait face à de très fortes inondations en mars qui ont fortement perturbé les élevages comme la logistique de collecte. La production laitière en mars s’est repliée de -2% /2022.

La croissance de la production laitière a incité les transformateurs à accentuer les fabrications de produits stockables au 1er trimestre : beurre (+2% /2022), poudre maigre (+1,4%) et fromages (+1%). Face à la concurrence de la mozzarella européenne, les transformateurs se sont reportés sur les fabrications de cheddar plus facilement stockable.

La demande intérieure de produits laitiers a marqué le pas. En effet, aux États-Unis, les produits laitiers sont consommés principalement en restauration où les clients tardent à revenir (inflation notamment).

De plus, les exportations par les États-Unis de produits laitiers sont nettement ralenties, (-7% /2022 en Matière Solide Utile pour les mois de février et mars). Les envois de fromages vers le Mexique sont demeurés dynamiques au 1er trimestre (+15,6% /2022, à 33 000 t), mais ils sont à la peine vers l’Asie (-31% vers la Corée et -7,5 % vers le Japon, moins présents aux achats en ce début 2023). De même, les exports de poudre maigre ont bondi vers le Mexique (+53% /2022), mais sont nettement ralenties vers l’Asie du Sud-Est (forte concurrence de l’UE et de la Nouvelle-Zélande).

Dans ce contexte, les stocks sont restés étoffés fin mars (+3% en beurre, +10% en poudre maigre, et stable en fromages). Les prix s’en ressentent et la tendance demeure baissière de l’autre côté de l’Atlantique.

Nouvelle-Zélande : une reprise des exports ?

La collecte en Nouvelle-Zélande est ressortie en légère hausse par rapport à 2022 (+0,3% en mars en volume et +1% en Matière Solide Utile), mais est restée inférieure à celle de mars 2021.

Les exportations de la Nouvelle-Zélande sont très ralenties depuis février. Tous produits laitiers confondus, elles ont chuté au 1er trimestre de -1% / 2022 en Matière Solide Utile (MSU). Ce sont surtout les exportations de poudres grasses qui étaient dégradées (-12% /2022). En effet, le pays est toujours confronté au recul de la demande chinoise (38% des exports en valeur en 2022). Les exports de poudres grasses vers la Chine ont chuté de près de moitié en mars ; provoquant un recul de -30% sur les trois premiers mois de l’année /2022.

Cependant, la Nouvelle Zélande se tourne vers d’autres pays comme l’Algérie (+170% /janv-mars 2022) pour les poudres grasses dont les achats semblent toujours se poursuivre sur avril-mai permettant aux prix de remonter depuis le 4 avril sur la plaeforme Global Dairy Trade. Ces éléments seront à confirmer dans les semaines à venir.

De plus, les exports de la Nouvelle-Zélande se diversifient signe que les transformateurs ont dû réorientées leurs fabrications vers davantage de poudre maigre et de beurre. Ainsi, les exports de beurre ont légèrement progressé au 1er trimestre, de +3% /2022, dont +128% vers l’Australie, +166% vers le Mexique et x3 vers les États-Unis, ce qui a compensé la moindre demande chinoise (-23% /2022).

Les exports de poudre maigre ont aussi augmenté ,de +37% /2022, au 1er trimestre notamment vers la Chine (x2 /2022). Par ailleurs, la demande dans le Sud-Est asiatique est restée forte (+22% vers l’Indonésie, +16% vers la Thaïlande notamment).

Une production incertaine en UE mais des exports qui s’intensifient

Amorcée en septembre 2022, la croissance de la production laitière européenne n’a visiblement durée que six mois. La collecte au mois de mars est ressortie globalement stable à +0,1% /2022. Les hausses en Allemagne (+2% /2022), aux Pays-Bas (+3,3%) et en Pologne (+0,9%) ont à peine compensé les baisses de production en France (-3% / 2022), en Italie (-3%), en Irlande (-1,8%) notamment.

La météo est la principale cause de réduction de la production en Italie comme en Irlande. En Irlande, le mois de mars est resté froid et très pluvieux, ce qui a défavorisé la pousse de l’herbe.

A l’inverse, en Italie, le sec était responsable de la réduction de production depuis le début de l’année. Toutefois, les inondations actuelles devraient continuer de perturber la production italienne car elles se situent dans le Nord qui concentre l’essentiel de la collecte laitière. Les inondations touchent principalement l’Emilie-Romagne, 2ème région de production (16% de la production en 2022) et principale zone de production du Parmigiano Reggiano.

Par ailleurs, alors que les prix du lait baissent dans l’UE-27, la dynamique de collecte actuelle dans les pays de l’Europe du Nord pourrait ne pas durer au-delà du mois de mai. Les réformes de vaches, retardées par l’an passé par des éleveurs qui voulaient bénéficier de l’envolée du prix du lait, pourraient à l’inverse affluer et limiter la production laitière.

Les volumes de lait supplémentaires collectés depuis septembre ont conduit à une accélération des fabrications de poudre maigre et de beurre au 1er trimestre (+3% /2022). Ces disponibilités ont trouvé preneur sur le marché mondial car les exportations ont été en même temps très dynamiques. Ainsi, les exportations de poudre maigre ont bondi au 1er trimestre de +32% /2022, à 210 000 t. L’Algérie est aux achats (x3 à 40 000 t en cumul sur les trois premiers mois de l’année) tout comme plus largement l’Afrique du Nord et le Moyen Orient. Même les envois vers la Chine se sont redressés (+69% à 30 000 t).

Les exports de beurre ont davantage augmenté (+7% /2023) avec notamment un doublement des volumes envoyés aux États-Unis à 15 000 t.