Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 355 Novembre 2023 Mise en ligne le 21/11/2023

France

Consommation apparente et échanges à nouveau en retrait

Sur les trois premiers trimestres de l’année 2023, les échanges français de viande bovine ont reculé. C’est également le cas de la consommation apparente. Les modes de consommation ont changé face aux hausses de prix constatées depuis deux ans : la consommation en restauration reste dynamique alors que la consommation au détail est toujours limitée par une inflation alimentaire qui n’a pas vraiment reculé.

Le commerce extérieur encore en retrait

Après un nouveau mois de recul en septembre dernier, les échanges français de viande bovine en cumul sur les 3 premiers trimestres 2023 était en retrait à l’importation comme à l’exportation :

  • Les importations étaient en repli par rapport à une année 2022 dynamique sur le plan des achats. Elles ont atteint 267 000 téc (-3% /2022, mais +17% /2021) d’après les Douanes françaises. Plusieurs origines UE étaient cependant en hausse : Irlande (+2% à 50 000 téc), Allemagne (+2% /2022 à 31 000 téc), Belgique (+14% à 22 500 téc) ou encore Espagne (+3% à 15 000 téc).
  • Les exportations françaises de viande bovine enregistraient un net recul, en lien avec des disponibilités toujours limitées, à 158 500 téc (-15% /2022, -12% /2021). Toutes les destinations majeures étaient concernées par la baisse, à l’exception de la Grèce (=/ 2022 à 24 500 téc).

Attention toutefois, la progression des échanges est affectée par des flux avec le Royaume-Uni et les Pays-Bas depuis la mise en œuvre du Brexit. Des opérateurs néerlandais font dédouaner des viandes britanniques en France avant réexportation vers les Pays-Bas (cf. infra).

La consommation apparente poursuit son repli

Après un premier trimestre où elle avait fait mieux que résister, la consommation calculée par bilan s’est repliée depuis. En cumul de janvier à septembre 2023, elle atteindrait 1,08 million de téc d’après nos estimations, en recul par rapport aux années précédentes (-3% /2022 et -4% /2021).

Sur la même période, la part des importations (sans correction des effets du Brexit) dans le disponible consommable en France était légèrement inférieure à celle constatée un an auparavant : elle était estimée à 24,9% en 2023 contre 25,6% en 2022.

Attention toutefois, les effets des éventuelles variations de stocks, importantes à certaines périodes, ne sont pas intégrés dans cette estimation et la lecture mensuelle ne doit pas être sur-interprétée.

Depuis l’entrée en vigueur du Brexit et des nouvelles procédures douanières en 2021, le commerce extérieur français est affecté et les niveaux d’importation/exportation de viande bovine en France restent surestimés. En effet, plusieurs exportateurs britanniques font dédouaner leurs viandes en France afin de faciliter les procédures, avant de les réexpédier vers les Pays-Bas. Ces flux transitoires augmentent ainsi artificiellement le commerce extérieur français. Après correction de ces flux « parasites », la part d’import dans le disponible consommable sur les neuf premiers mois de 2023 était estimée à 22,9% en 2023 et 23,6% en 2022.

La consommation en restauration à domicile a progressé

En août 2023, d’après l’INSEE, le chiffre d’affaires global de la restauration en France (principale porte d’entrée de la viande bovine d’import) restait orienté à la hausse (+7% /2022) et cette progression était à nouveau supérieure à l’inflation dans le secteur sur la même période (+5% /2022).

En cumul sur les huit premiers mois de 2023, le constat reste le même. Le chiffre d’affaires global de la restauration en France était en hausse sur un an et par rapport à l’avant pandémie (+13% /2022 et +29% /2019). C’était notamment le cas pour le secteur de la restauration rapide (+14% /2022 et +43% /2019) ou de la restauration traditionnelle (+10% /2022 et +25% /2019).

Sur la même période, l’INSEE tablait sur une progression plus faible des prix en restauration (+6% /2022 et +11% /2019).

Moins d’inflation alimentaire mais des prix toujours soutenus

D’après l’INSEE, la progression de l’inflation en France a nettement ralenti depuis le début de l’année. L’indice général français des prix à la consommation harmonisé (IPCH) est resté relativement stable en octobre 2023 par rapport au mois précédent, à +4,5% sur un an. Même constat pour l’alimentaire (+8,0% sur un an) et les viandes de bœuf et de veau (+4,2% sur un an).

À nouveau, la progression des prix alimentaires sur un an a décéléré (+8,0% /2022 contre +9,9% un mois auparavant) comme pour les viandes bovine et de veau (+4,2% /2022 contre +5,2% un mois auparavant). La tendance est la même partout dans l’UE.

L’inflation affecte encore les achats au détail en volume

Comme les mois précédents, la progression sur un mois comme sur un an des prix au détail dans les rayons alimentaires (et petit bazar) a ralenti en octobre 2023. Les prix avaient en effet reculé par rapport à septembre 2023 (-0,5%). Et l’inflation sur un an atteignait +9,2% /2022 (contre +11,0% un mois auparavant).

Cependant, si l’inflation au détail ralentit, les prix ne baissent pas pour autant. Ainsi, l’inflation cumulée à 2 ans restait en octobre 2023 supérieure à +20% (par rapport à octobre 2021).

Cette inflation toujours soutenue participe, d’après Circana, à la hausse en valeur des ventes au détail des produits de grande consommation et de frais libre-service (PGC-FLS) depuis plusieurs mois. Ainsi, en cumul sur les semaines 1 à 44 de 2023, les ventes de PGC étaient en hausse en valeur (+9% /2022 et +20% /2019). Affectées par un repli du pouvoir d’achat, elles étaient cependant en baisse en volume par rapport à l’année dernière et à l’avant pandémie (-3% /2022 et -1% /2019).

La même dynamique affecte les achats au détail de viande bovine hachée. Mais à cela s’ajoute un phénomène de descente en gamme. Depuis le début de l’année, la hausse des prix a participé aussi au soutien des ventes en valeur au détail de viande hachée, avec des dynamiques un peu différentes entres le frais et le surgelé. D’après Circana, sur les semaines 40 à 43, les ventes en valeur de bœuf haché frais étaient en légère progression par rapport à l’année dernière (+3% /2022, mais +18% /2021) et en hausse plus marquée pour le surgelé (+8% /2022, mais +43% /2021). En cumul sur l’année (sur 43 semaines), le constat était le même pour le bœuf haché frais (+9% /2022 et +12% /2021) comme pour la viande hachée surgelée (+22% /2022 et +34% /2021).

La décapitalisation reste forte

La décapitalisation a ralenti, tant en cheptel laitier qu’en cheptel allaitant, mais elle reste prononcée. Les abattages de vaches ont fortement diminué depuis le printemps. La production de viande bovine baisse, malgré des sorties de jeunes bovins plus dynamiques. Les cours des bovins les mieux conformés se tiennent, ceux des bovins laitiers reculent.

Décapitalisation allaitante à -2,2%

Au 1er octobre, le recul du nombre de vaches allaitantes présentes en France était de -2,2% /2022 contre -3,1% au 1er mai. Tombé à 3,447 millions de vaches, le cheptel allaitant enregistre tout de même une baisse de 78 000 têtes en un an et de 420 000 têtes en 5 ans (depuis le 1er septembre 2018).

Depuis avril, la très forte baisse des réformes de vaches a permis de ralentir la décapitalisation. Par ailleurs en septembre, les entrées de génisses dans le troupeau ont affiché une hausse de 3% alors qu’elles étaient en forte baisse en début d’année, témoignant d’un décalage des saisons de naissances. En cumul sur 12 mois glissants, les sorties de vaches allaitantes ont diminué de 7%. Les entrées ont quant à elles reculé plus faiblement (-3%). Le solde reste négatif, mais ce solde négatif est plus faible que lors des mois précédents, ce qui conduit à un ralentissement de la décapitalisation.

Ralentissement de la décapitalisation laitière

La baisse annuelle du nombre de vaches laitières est passée de -2,5% au 1er mai à -1,9% au 1er octobre. Ce ralentissement de la décapitalisation découle là aussi d’un coup de frein sur les réformes ces derniers mois. Sur 12 mois glissants, la chute des entrées de génisses (-5%) reste le principal moteur du recul du cheptel. La baisse des sorties s’est intensifiée en août et septembre, ce qui a ralenti la baisse de cheptel. Sur un an, la décapitalisation laitière se chiffre à -64 000 têtes. Sur 5 ans, elle atteint -330 000 têtes.

Abattages de bovins : -4% sur les 10 premiers mois de l’année

En octobre, les sorties dynamiques de jeunes bovins et de génisses viande ont compensé les baisses dans les autres catégories. Les abattages de gros bovins ont totalisé 256 000 têtes d’après Normabev (+0,3% /2022 et -2,5% /2021), pour un tonnage de 99 000 téc (+0,7% /2022 et -1,7% /2021).

En cumul annuel, la baisse reste conséquente. Sur les 10 premiers mois de l’année, 958 000 téc de gros bovins ont été abattues (-3,5% /2022 et -7,3% /2021). Si l’on ajoute les veaux, la baisse est encore plus forte (-4,0% /2022 et -8,0% /2021).

Les cotations des vaches de type viande se tiennent

La forte baisse de l’offre à abattre permet de soutenir les cours des vaches les mieux conformées, toujours bien au-dessus des cours de 2022. Elles ont toutefois perdu quelques centimes en semaine 45.

La vache U standard cotait 5,87 €/kg de carcasse en semaine 45 (+2% /2022 et +20% /2021) et la vache R 5,45 €/kg (+1% /2022 et +27% /2021).

Les cotations des laitières orientées à la baisse

La hausse saisonnière des réformes laitières à l’automne provoque habituellement un fléchissement des cours des vaches O et P. Celui-ci n’avait pas eu lieu les années précédentes en raison du fort déséquilibre entre la demande et l’offre. Cette année, la plus grande perméabilité avec le marché européen a conduit les opérateurs à exercer plus de pression sur les prix.

La cotation de la vache O a perdu 25 centimes en un mois, pour tomber à 4,56 €/kg de carcasse en semaine 45 (-9% /2022, mais toujours +26% /2021) et celle de la vache P 29 centimes, à 4,28 €/kg (-11% /2022, mais toujours +25% /2021).

La cotation du JB U toujours stable

La reprise de la hausse saisonnière se fait attendre en France, alors que les prix italiens et allemands sont désormais orientés à la hausse à l’approche des fêtes de fin d’année (pour en savoir plus, lire l’article sur les JB en Europe).

La cotation du JB U est restée stable sur un mois à 5,36 €/kg et restait supérieure à son niveau des années précédentes en semaine 45 (+1% /2022 et +21% /2021). Celle du JB R a perdu 1 centime à 5,21 €/kg (-1% /2022, mais toujours +22% /2021). Dans le sillage des vaches laitières, le JB O a perdu 11 centimes en un mois pour tomber à 4,79 €/kg (-4% /2022, mais toujours +32% /2021).

Charges : l’IPAMPA est reparti à la hausse en août et septembre

En septembre 2023, l’IPAMPA viande bovine (indice des prix d’achat des moyens de production agricoles, base 100 en 2015) s’établissait à 134,4 points (-2,3% /2022, mais toujours +17% /2021). L’indice des prix des aliments achetés était à -6% /2022 et +20% /2021. L’indice des énergies et lubrifiants avait encore augmenté de+5% d’un mois sur l’autre à 185 (+13% /2022 et +51% /2021). Celui des engrais et amendements est resté relativement stable par rapport à juillet, à 136 (-38% /2022, mais toujours +12% /2021).

Une pousse de l’herbe globalement plus favorable qu’en 2022 jusqu’au 20 octobre

D’après la note de suivi de la pousse de l’herbe des prairies permanentes publiée par Agreste, la production cumulée des prairies permanentes au 20 octobre était inférieure de 9% à celle de la période de référence 1989-2018 au niveau national. La situation s’est donc encore légèrement dégradée depuis le 20 septembre, l’écart à la période de référence n’étant alors que de -8%. Les fortes chaleurs de début d’automne et l’absence de pluie dans certaines régions jusqu’à mi-octobre ont mis à mal la production herbagère, notamment dans le Centre-Est où certains départements affichent un déficit de plus de 40%. À l’inverse, la pousse de l’herbe est restée dynamique dans le Nord-Ouest grâce à quelques épisodes de pluie. L’excédent a atteint +17% en Normandie, +9% dans les Hauts-de-France et +6% en Bretagne.