Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 360 Avril 2024

Le confinement généralisé en Europe pour lutter contre l’épidémie de Covid-19 a un impact très fort sur le marché de la viande bovine. RHD à l’arrêt, achats des ménages par à-coups, les opérateurs naviguent à vue.

Femelles en France : réorientation des achats depuis la RHD vers la GMS

Les allocutions successives du Président Macron les jeudi 12 et lundi 16 mars ont eu des effets sur les achats des ménages. Logiquement, la fermeture des lieux publics a entraîné à la fois une réorientation des flux depuis la RHD vers les autres circuits de distribution, notamment la GMS ou la boucherie artisanale pour les viandes. Les ménages français ont également anticipé le confinement. En semaine 11, les achats de produits de grande consommation frais en GMS et e-commerce ont augmenté de +41% /2019 d’après l’institut IRI. Sur les semaines 9 à 11, les achats de produits frais non laitiers (parmi lesquelles la viande) ont progressé de +12% /2019.

Le rythme des abattages de réformes reste proche des semaines précédentes. Entre les semaines 8 et 12, les abattages de vaches allaitantes (+1% /2019) comme laitières (+3% /2019) ont progressé d’après l’indicateur hebdomadaire de Normabev.

En semaine 12, les cours des réformes ont poursuivi leur progression saisonnière pour l’essentiel des conformations. Sur les dernières semaines (8 à 12), la cotation de la vache P s’est appréciée de 9 centimes, la vache O de 3 centimes et les vaches R et U de 5 centimes par kg de carcasse. La vache P cotait 2,71 €/kg éc (-4% /2019), la vache O 3,03 €/kg éc (-6% /2019), la vache R 3,78 €/kg éc (-1% /2019) et la vache U 4,38 €/kg éc (= /2019).

Cotations des vaches en france

Jeune bovin en France : abattages dynamiques en semaines 11 et 12

D’après l’indicateur hebdomadaire de Normabev, les abattages de JB de type viande ont enregistré une hausse de +6% en semaine 11 et de +15% en semaine 12 (du 16 au 22 mars) par rapport aux même semaines de 2019. Les abattages de JB laitiers étaient à l’inverse en baisse comme depuis de nombreux mois (-4% en semaine 11 et -7% en semaine 12). La très forte demande des GMS et bouchers en Italie a permis d’écouler les volumes, à l’exclusion des déhanchés (les aloyaux) d’une partie des animaux dont l’écoulement reste problématique, ce qui pèse sur la valorisation des carcasses.

La cotation du JB U poursuit sa baisse saisonnière, mais à un rythme plus rapide que l’an passé, perdant 2 centimes par semaine depuis 2 semaines, à 3,95 €/kg de carcasse (-2% /2019 ; -3% /2018). Celle du JR R, davantage connectée à un marché allemand actuellement dégradé et en outre compliqué d’accès en raison des contrôles aux frontières, a accusé une chute de 5 centimes en semaine 12 pour tomber à 3,77 €/kg (-2% /2019 ; -3% /2018). Celle du JB O a regagné 1 centime en semaine 12, à 3,37 €/kg (-2% /2019 ; -4% /2018).

Cotation du JB U en france

Broutards : commerce préservé

Du 9 au 22 mars (semaines 11 et 12), les prix des broutards étaient reconduits ou en légère baisse par rapport à ceux de la semaine 10. Seuls les cours des Charolais mâles et femelles ont perdus quelques centimes, tandis que les autres (rustiques, limousins, blonds) ont bien résisté. Comme depuis le début d’année, les prix se situaient dans l’ensemble sous les niveaux de 2018 et 2019 (de -1% à -5% /2019).

La demande s’est maintenue alors que l’offre reste limitée par rapport aux années précédentes en lien avec le repli du cheptel, mais aussi avec la saisonnalité (cf graphiques des disponibilités mensuelles, y compris les prévisions pour 2020).

Prévision d'export de broutards charolais mâles

*Bovins mâles et femelles âgés de 4 à 14 mois, exportés vifs et non destinés à l’abattage.

Prévision d'export de broutards limousin mâles

*Bovins mâles et femelles âgés de 4 à 14 mois, exportés vifs et non destinés à l’abattage.

Au début du confinement en Italie puis en France, les achats des ménages ont bondi (constitution de stocks), tirant l’activité d’abattage. En conséquence, la demande intérieure et à l’export pour les broutards a été ferme.

D’après les données TRACE transmises par la DGAL, les envois de bovins vifs toutes catégories confondues étaient en hausse de 7% vers l’Italie et de 1% vers L’Espagne sur la période du 1er au 21 mars 2020 par rapport à 2019. Jusqu’à la semaine 12, les envois vers les pays tiers se sont poursuivis. Toutefois, les envois vers la Tunisie sont actuellement bloqués car la procédure sanitaire est rendue impossible par les mesures liées à l’épidémie. Concernant l’Algérie, les départs prévus avant le confinement, étalés jusqu’en semaine 14, seront menés à leur terme. Toutefois, les risques pour les opérateurs se multiplient en ce moment (confinement, cours du pétrole et du gaz très bas affectant les ressources de l’Etat).

Les principales difficultés liées au Covid-19 sur ce marché ont jusqu’à aujourd’hui été surmontées : fermeture d’une partie des marchés de bestiaux (18 sur 38 en semaine 13), crainte du manque de personnel de transport et pour les procédures sanitaires, ralentissement de l’activité de quelques rares exportateurs… L’évolution de la demande reste bien évidemment incertaine dans les semaines à venir, mais l’offre qui arrive à l’étiage saisonnier, notamment en Charolais, devrait limiter les difficultés.

Italie : bonne demande pour les JB et génisses, mais des commandes par à-coups et des soucis de valorisation des déhanchés

La consommation italienne hors domicile a été mise à l’arrêt une semaine environ avant les fermetures des restaurants en France. Le report sur les achats des ménages a été très net, ce qui a favorisé les viandes de jeunes bovins mâles et femelles, notamment celles issue de broutards français. Toutefois, les commandes des GMS et bouchers sont extrêmement variables d’une semaine à l’autre en raison des réserves faites par les ménages au début du confinement. Par ailleurs, une partie des déhanchés est d’habitude orientée vers la restauration et les GMS peinent à écouler ce type de pièce, ce qui pèse sur la valorisation des carcasses. La bourse de Modène n’a plus publié de cotations depuis la semaine 7, mais les opérateurs italiens contactés rapportent avoir maintenu les cotations sur les JB et génisses.

Les imports de Pologne et d’Irlande sont à l’arrêt et ceux d’Allemagne sont très fortement impactés. La viande française de JB et de jeunes génisses est dans une situation intermédiaire car elle est traditionnellement proposée en complément de la viande franco-italienne (engraissée en Italie à partir de broutards français) dans les supermarchés et en boucherie. Si le débouché RHD a été stoppé net, les commandes des grossistes servant la GMS et la boucherie sont plutôt en hausse, malgré quelques à-coups et moyennant le problème d’écoulement des déhanchés.

Les abattages de vaches de réformes sont à l’arrêt. Seuls les abattages d’urgence sont réalisés. En effet, la viande de réforme est quasi-exclusivement destinée au segment de la RDH pour la production de burgers (en fast-foods ou en restauration à table). Les steaks hachés consommés par les ménages sont eux le plus souvent issus de JB et génisses. Les steaks hachés surgelés, souvent à base de viande de vaches, restent très minoritaires dans les achats des ménages en Italie.

Allemagne : opérateurs en difficulté

Le marché allemand, très ouvert sur les marchés extérieurs, pâtit fortement de la situation de confinement généralisée dans toute l’Europe et du coup de frein sur la restauration, et ceci d’autant plus que les contrôles aux frontières mis en place (prise de température systématique des chauffeurs notamment) par le Gouvernement allemand pour lutter contre la propagation de l’épidémie de Covid-19 ralentit fortement les flux résiduels. Le quasi arrêt des ventes de certaines carcasses vers l’Italie et l’Espagne a provoqué de très fortes chutes de prix. La cotation du JB R a perdu 15 centimes en semaine 12, à 3,52 €/kg de carcasse (-5% /2019 ; -12% /2018).Cotation du JB R en Allemagne en forte baisse

Côté femelles, les abattages de vaches ont été portés par une demande dynamique pour la transformation sur les semaines 8 à 11 (+2% /2019) d’après AMI. Ainsi en semaine 11, la cotation de la vache O atteignait 2,87 € (+3% /2019). Avec les mesures prises dans le cadre de la progression de la pandémie de coronavirus, les experts d’AMI font désormais état d’incertitudes dans le commerce des bovins d’abattage et d’une consommation plus restreinte. La faible demande des abattoirs allemands en bovins, y compris en vaches, entraîne des baisses de prix des vaches de réforme de type laitier en semaine 12. En cause notamment, les faibles envois de découpes de femelles vers la France notamment. La cotation de la vache O a donc perdu 13 centimes (-6%) en une semaine, à 2,67 € (-6% /2019). En semaine 13, les premières remontées font état d’une limitation des transactions qui aurait jugulé partiellement la baisse d’après AMI. Les éleveurs laitiers attendraient désormais des jours meilleurs pour vendre leurs vaches.

Cotation des vaches O en Allemagne

Irlande : la restriction des exports pèse sur les cours

Le cours de la vache O a poursuivi sa progression jusqu’en semaine 11 à 3,00 €/kg éc (+3% en quatre semaines). La progression de la demande au détail a jusque-là contribué à soutenir les prix de certaines catégories, principalement les génisses qui constituent l’essentiel de la demande irlandaise. D’après l’indicateur hebdomadaire du Ministère de l’Agriculture, les abattages de femelles sur les quatre dernières semaines étaient en hausse (+8% /2019) lié à une demande importante du secteur de la transformation.

Depuis, l’annonce de la fermeture de certains services de restauration (comme l’ensemble des McDonald’s depuis lundi 23 mars comme également au Royaume-Uni) provoque une certaine nervosité dans le commerce. D’après Bord Bia, avec la fermeture des restaurants et notamment des McDonald’s, la demande en vaches aurait chuté entraînant des baisses de prix comprises entre 10 et 20 centimes par kg de carcasse. Plus d’info ici.

La fermeture des restaurants et des écoles dans de nombreux États membres de l’UE concerneraient potentiellement 30% des exportations de viande bovine irlandaise d’après Meat Industry Ireland (MII). En anticipant les possibles effets, le président de l’Irish Farmer’s Association (IFA) Tim Cullinan a demandé le 24 mars à la Commission de revoir l’intervention et l’aide au stockage privé. L’IFA porte également des demandes supplémentaires comme l’ajustement des règles en matière d’aides d’État et l’allocation de fonds supplémentaires en paiements directs aux éleveurs pour compenser les pertes du marché de la viande bovine.

Royaume-Uni : les restrictions boostent les achats de viande dans le commerce de détail

La cotation de la vache O diminue en euros à 2,93 €/kg de carcasse en semaine 11 (-3% en quatre semaines), elle poursuit sa progression en devise locale (+1%). Malgré un certain retard à l’allumage dans les mesures prises par rapport aux autres pays européens, les annonces du gouvernement concernant le Covid-19 ont comme dans l’UE des répercussions sur les achats des ménages qui se reportent sur le commerce de détail. D’après une rapport de l’institut IRI, sur les quatre semaines finissant le 14 mars 2020, les achats des ménages britanniques de viandes fraîches ont progressé de +8% /2019 !

Pologne : les cours chutent

En Pologne, les cotations étaient déjà à la peine depuis plusieurs mois (voir l’article du 13 mars) et la fermeture des restaurants et écoles en Europe apportent un coup de massue supplémentaire. La cotation de la vache O a perdu 16 centimes en une semaine pour tomber à 2,42 €/kg de carcasse en semaine 12 (-9% /2019 et -18% /2018). Celle du JB O a perdu 23 centimes 2,70 €/kg de carcasse (-11% /2019 et -19% /2018). Les délais d’attente à la frontière allemande et les ventes à l’arrêt vers le marché Italien pèsent sur le commerce. Il est probable que les abattages soient fortement retardés.

Chute des prix des JB en Pologne en raison du confinement généralisé en Europe

Veau de boucherie : l’activité se maintient en France mais le veau néerlandais est très impacté

En semaine 12, la cotation du veau rosé clair O élevé en atelier s’est établie à 5,74 €/kg carcasse, un niveau intermédiaire entre les deux années précédentes (5,5 € l’an passé, 5,98 € en 2018). Elle poursuit son repli saisonnier sans décrochage. Même constat sur les conformations supérieures : la cotation du veau rosé clair R s’établit à 6,24 €/ kg carcasse, +18 ctss /2019 mais -33 cts/ 2018.

Le ramassage des veaux, les mises en place dans les élevages et les abattages se sont globalement maintenus, les difficultés liées aux arrêts maladie, des chauffeurs en particuliers, sont restées surmontables. Les fermetures du débouché de la RHD et des marchés de plein air liées au coronavirus génèrent des difficultés pour l’écoulement de certaines pièces (poitrines, abats…), et poussent à la congélation. A l’inverse : la baisse des cours des poudres de lait et de lactosérum sont bienvenues pour le secteur du veau.

Cotation du veau de boucherie rosé clair O

Aux Pays-Bas, à 4,60 €/kg en semaine 12, la cotation DeKalverhouder du veau pie-noir a cédé 28 centimes en 2 semaines. Elle retrouve son très mauvais niveau de 2019 en lien avec l’effondrement des segments de consommation hors domicile en France, en Italie et en Allemagne. Cette production étant très intégrée, les abattages accusent un retard limité et les abattoirs sont contraints de congeler d’importants volumes.

Pour le veau rosé, la chute est rude également. Vitelco annonce des prix en baisse de 25 centimes entre les semaines 11 et 12 (-7%). Dans cette catégorie les abattages devraient être repoussés, une partie des animaux dépassera l’âge de 8 mois et entrera sur le marché du JB.

Veau nourrisson : naissances au plus bas

La cotation du veau mâle laitier de 45-50 kg reste à un niveau plancher. Le ramassage en ferme continue, sans nier des difficultés logistiques pouvant être localement importantes. Certains marchés de vifs sont fermés mais la majorité des veaux rejoint directement les centres d’allotement privés. Les naissances des veaux de mères laitières sont minimales des mois de mars à juin, l’offre contenue devrait limiter les difficultés sur le terrain.

Cotation du veau nourrison

Les envois d’animaux vers l’Espagne ne sont pas fortement impactés par la crise du coronavirus. L’Espagne n’a pas imposé de procédures complémentaires à l’import en dehors des gestes barrières. Les opérateurs annoncent seulement des difficultés logistiques ponctuelles (arrêts maladies, fermeture de labo réalisant les PCR) surmontées jusqu’à présent. L’Espagne reçoit actuellement des veaux français mais également irlandais.