Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 360 Avril 2024

En France, la baisse de la consommation des produits laitiers biologiques s’est confirmée cet été, alors que la collecte se situe à des niveaux largement supérieurs à l’an dernier. Dans les autres principaux producteurs de lait bio en Europe, le marché est plus équilibré, et les prix progressent.

La collecte française est toujours en forte hausse

En juillet, la collecte de lait biologique s’est établie à 99,4 ML, soit +19% /2020 avec « seulement » +6% de livreurs. Deux raisons principales expliquent ce décalage. Premièrement, les nouveaux livreurs convertis au bio ont une production moyenne plus importante (autour des 450 000 l annuels par ferme selon le CNIEL, contre environ 290 000 l par ferme en moyenne sur 2020). Deuxièmement, les fortes disponibilités fourragères portent la production laitière biologique. Cette progression des volumes s’accompagne en plus d’un enrichissement du lait.

Le ralentissement de la consommation s’est confirmé cet été

Cet été, d’après Kantar, la consommation de produits bio aurait accentué sa chute. La crème (-13% /2020), le beurre (-8%) et les fromages (-9%) ont particulièrement souffert. Sur le mois d’août, toutes les catégories de produits bio étaient encore en recul /2020.

Cette baisse relative est à mettre en perspective au regard du contexte particulier de l’année 2020, et pourrait être considérée comme anodine, si elle ne s’accompagnait pas d’un recul de la part de marché bio.

Sur 12 mois glissants, la part de marché des produits bio serait moindre qu’en 2019 pour tous les produits laitiers d’après Kantar, même si la baisse est surtout prononcée pour le beurre et les yaourts.

Les fabrications de produits bio riches en matière grasse résistent

Paradoxalement, malgré une consommation de produits laitiers biologiques en berne, les fabrications de beurre (+8% sur 12 mois glissants) et de crème (+15%) continuent de progresser. L’hypothèse principale tient dans la constitution de stocks de beurre et de crème biologique UHT, signe que les opérateurs miseraient sur une reprise de la consommation. Elle peut également révéler l’existence d’un plus fort déclassement de produits transformés, plutôt qu’un déclassement de lait liquide ou en entrée d’industrie.

Cette progression des fabrications de produits très consommateurs de matière grasse tranche avec celle des produits valorisant davantage la matière protéique. En effet, les fabrications de fromage bio ont augmenté moins fortement (+3,5% sur un an), et celles des poudres conditionnées ont reculé (-5% sur un an). Ces évolutions contrastées des fabrications de produits bio creusent donc davantage l’écart entre valorisation de la matière grasse et de la matière protéique. Rappelons que ce déséquilibre matière caractérise l’ensemble du marché du lait français, mais est plus prononcé pour le lait bio, en raison notamment de la proportion plus faible de fromage dans le mix produit, et des faibles débouchés pour les poudres de lait biologique.

Selon nos estimations, en moyenne sur les 7 premiers mois de l’année, la proportion de matière grasse réellement valorisée en bio aurait baissé de 4 points /2020 (passant de 75% à 71% environ). Dans le même temps, le taux d’utilisation de la matière protéique diminuait de 6 points, passant de 55 à 49%. (La part non valorisée de la MSU ne doit toutefois pas être assimilée au déclassement. Elle englobe plusieurs autres utilisations non répertoriées dans les fabrications (ingrédients secs, produits vrac…).

En Europe, des marchés plus équilibrés

Les turbulences sur le marché du lait biologique semblent se cantonner à la France. Dans les principaux pays producteurs européens, le marché est plus équilibré. Aucun autre pays ne doit absorber une si forte croissance de la collecte de lait bio (+11%). Sur douze mois glissants, la hausse est de +1% en Autriche, +3% en Allemagne et +4% au Danemark.

Des prix du lait biologiques en hausse partout, sauf en France

En juillet, les prix du lait bio étaient supérieurs à leur niveau de l’an dernier en Autriche (+8% /2020), en Allemagne (+4%), en Suède (+10%) et aux Pays-Bas (+7%). En France, la hausse est moindre (+1% /2020). En 2020 il n’avait en revanche pas baissé, contrairement à ceux versés dans les autres pays. Dans ces pays, la hausse traduit le choix des collecteurs de prendre en compte la hausse des coûts de production.

Des ventes de lait bio en hausse en Allemagne

En Allemagne, la consommation de lait liquide biologique se porte plutôt bien en 2021 (255 ML consommés, +6,6% /2020), même si elle a ralenti cet été. Elle a très fortement progressé sur les deux premiers mois de l’année (+21,2%/ 2020 en janvier, +13.9% en février). Depuis le mois de mai, elle est proche de son niveau de 2020. Elle progresse en revanche moins vite que la consommation du lait de pâturage, concurrent du bio, qui a progressé de +30%, mais sur des volumes de départ inférieurs.

En France, des conversions très territorialisées

En France, selon les données de l’Agence bio, les Pays de la Loire, et l’Auvergne-Rhône-Alpes comptaient le plus de vaches en conversion en 2020. En région AURA, les conversions sont particulièrement nombreuses dans les départements auvergnats (Haute-Loire, Cantal et Puy-de-Dôme). Cette progression résulte davantage de démarches de producteurs désireux de se convertir, en raison des difficultés de la filière conventionnelle et de certaines AOP dans les zones de montagne. Pour les mêmes raisons, les conversions sont nombreuses dans l’Aveyron. Dans les Pays de la Loire, la dynamique de conversions serait davantage liée à la stratégie offensive de certains opérateurs (Eurial, Lactalis).