Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 360 Avril 2024

En France, la collecte décroche fortement depuis septembre (entre -2 et -3% /2020). En plus de la réduction tendancielle du cheptel, la productivité laitière diminue, en raison notamment de la hausse du prix des aliments qui conduit à un rationnement de la complémentation. La tendance est encore plus prononcée aux Pays-Bas et en Allemagne. Les faibles disponibilités se traduisent par une hausse conséquente des prix dans ces deux pays et par une stabilisation en France, qui tranche avec la baisse habituelle en cette saison.

Cheptel français : réduction des réformes de vaches laitières

En France, le cheptel national s’établit à 3,529 millions de têtes début novembre, en recul de -1,5% /2020 (soit -52 000 têtes). Cet écart d’une année sur l’autre tend à se résorber depuis le mois de juin, où il atteignait -2,1% /2020.

Ce léger redressement du cheptel d’une année sur l’autre (même s’il reste en recul) est lié à des sorties moindres depuis le mois de juin, ce qui pourrait être lié aux grandes disponibilités fourragères, qui inciteraient les éleveurs à retarder les réformes. Un phénomène de rattrapage pourrait s’opérer dans les prochains mois, et se matérialiser par des réformes plus nombreuses. Le repli du cheptel pourrait donc s’accentuer de nouveau.

En pourcentage, sur un an, le repli est le plus prononcé dans le bassin Sud-Ouest et Poitou-Charentes (-5%). Le Grand Ouest et la Normandie observent une baisse de -2% /2020. Les cheptels résistent mieux en Auvergne-Limousin et dans le Grand-Est (-1% /2020). Comme il représente 1/3 des cheptel français, c’est toutefois dans le bassin Grand-Ouest que l’on observe, en absolu, les plus fortes baisses de cheptel d’une année sur l’autre.

Collecte en net recul depuis septembre en France

Après un repli de -2.4% en septembre, le décrochage de la collecte se serait poursuivi en octobre, puis en novembre (environ -2% / 2020), selon les enquêtes hebdomadaires laitières de FranceAgriMer. Ce recul est d’autant plus significatif qu’il est relatif à une collecte 2020 déjà peu dynamique.  Cette baisse des livraisons étant plus prononcée que celle du cheptel, elle découle d’une diminution de la productivité par vache probablement sous l’effet d’une moindre distribution d’aliments concentrés. Celle-ci s’explique notamment par la hausse du prix de l’alimentation, en particulier des aliments azotés, qui pèse davantage sur les rations hivernales. Les acteurs évoquent également des fourrages conservés de qualité moyenne, notamment en ce qui concerne l’ensilage maïs. La collecte s’établirait à son niveau le plus bas depuis 2016.

En septembre, comme pour le cheptel, aucun bassin ne faisait exception à la baisse de la collecte. Sur les 43 ML collectés en moins par rapport à septembre 2020, c’est le bassin Grand Ouest qui contribue le plus à la baisse en absolu (-12 ML, -1,8%), mais c’est dans le bassin Grand Est que la baisse relative est la plus prononcée (-5 %).

Prix du lait : baisse saisonnière neutralisée

Entre septembre et novembre, selon l’observatoire de la revue l’Éleveur Laitier, le prix du lait n’a pas connu la baisse saisonnière habituellement associée au redressement de la collecte. Le prix du lait n’augmente pas d’un mois sur l’autre, mais progresse nettement d’une année sur l’autre. L’écart de prix par rapport à l’an dernier devrait donc approcher les +30 €/1 000 l en novembre. La hausse combinée des coûts de production et des cours des ingrédients laitiers laissait toutefois imaginer une revalorisation du prix payé aux producteurs. La stagnation de l’indice PVI (prix de vente à l’industrie) des produits laitiers, reflet de la valorisation des PGC France, pourrait expliquer l’absence de progression significative du prix payé aux producteurs.

Recul de la collecte de l’UE-27 en octobre

Selon AMI, le repli de la collecte en UE-27 pourrait s’être accentué en octobre (-1% /2020), après une légère baisse en septembre de -0,7% /2020. Les collectes des trois principaux producteurs ont continué de reculer fortement, notamment aux Pays-Bas, de -4.1% /2020 en octobre.

En Allemagne, selon AMI, la collecte se situerait environ -3% en dessous de son niveau de l’an dernier à pareille époque. Elle aurait atteint son plus bas niveau depuis 2017. Ces dernières années, l’augmentation de la productivité compensait la réduction du cheptel. Ce n’est plus le cas cette année en raison notamment de la hausse du coût de l’alimentation. Plusieurs acteurs de la filière considèrent que ce recul pourrait marquer une inflexion de la tendance, et que le pic de production laitière pourrait avoir été atteint en 2020.

Ce reflux des livraisons dans les grands pays producteurs n’a pas été compensé par les pays dont la collecte était dynamique ces derniers mois. Certains d’entre eux ont également connu un ralentissement de leurs livraisons. C’est par exemple le cas de la Pologne, dont la collecte n’a progressé que de +0,4% en octobre, après avoir déjà stagné en septembre.

De son côté, la collecte irlandaise n’a progressé que de +2,4% /2020 en octobre, sa plus faible progression depuis un an. Selon Teagasc, sur les 6% de croissance de la production laitière en 2021, 2 à 3 points émanent de la croissance du cheptel, les 3 à 4 points restants sont liés à la hausse de la productivité par vache. Toujours selon Teagasc, la croissance de la production laitière pourrait ralentir à +2% en 2022, ce qui correspond en fait aux prévisions d’évolution du cheptel. La hausse des coûts de production devrait en effet peser sur la productivité. Ces prévisions sont toutefois particulièrement difficiles à réaliser dans un pays où la production laitière est fortement dépendante des conditions météorologiques.

Hausse du prix du lait plus forte dans les pays exportateurs

En octobre, d’après le MMO, le prix du lait versé aux producteurs dans l’UE-27 serait en hausse d’environ +10% /2020.

En Allemagne, le prix du lait standard (32/38) a progressé de +11 €/1 000 l entre septembre et octobre, ce qui porte la hausse sur un an à +47 €/1 000 l (+15% /2020). Il s’agit du plus haut niveau pour un mois d’octobre depuis 2017. Les prix sont portés par l’appréciation des cours des fromages et des ingrédients laitiers. Le prix du lait progresse cependant un peu moins en Bavière (+10 € sur un mois, +12% /2020), région de production d’une grande partie des PGC allemands, que dans les Länder du Nord, producteurs d’ingrédients laitiers (+16% en Basse Saxe, +23% dans le Schleswig Holstein).

Pour des raisons similaires, le prix du lait s’est apprécié de façon significative en octobre aux Pays-Bas (+53 € /2020 soit +15%). Le prix Friesland Campina (35,7 TB/44,2TP) a été fixé à 41,25 €/t en novembre, et 43,72 €/t en décembre.

En Irlande, pays dont 90% de la production laitière est exportée, le prix du lait est en hausse de +16% / 2020 à 375 €/1 000 l en septembre. Le prix est fortement connecté au cours des commodités laitières, et est donc plus réactif à la hausse de la valorisation beurre/poudre observée ces dernières semaines. Le pays profite en plus de la moindre concurrence à l’export de la France, de l’Allemagne et des Pays-Bas, en raison de leurs faibles disponibilités laitières.

En Italie, le prix du lait en Lombardie (qui sert de référence au prix italien) est également en hausse de +7% /2020 (390 €/1 000 l). Le gouvernement italien veut imposer un prix minimum versé aux éleveurs de 410 €/1 000 l entre novembre et mars 2022, pour faire face à la hausse exceptionnelle des charges. Il s’agit d’une prime « d’urgence » pouvant aller jusqu’à 3 centimes par litre, payée par la grande distribution aux entreprises de transformation, qui devront la reverser aux éleveurs. Si cette prime de 3 centimes/litre ne suffit pas à atteindre le seuil des 41 centimes / litre, les transformateurs devront verser de leur poche 1 centime supplémentaire aux éleveurs.