Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 365 Octobre 2024 Mise en ligne le 21/10/2024

Ce dossier dresse un état des lieux de la filière lait biologique depuis sa naissance au début des années 1990 jusqu’à son envolée récente lors de laquelle le nombre de fermes engagées sur ce mode de production a considérablement augmenté (+70% entre 2015 et 2019 en vache par exemple).

Courant mars 2020, les volumes de lait de vache bio livrés sur 12 mois ont dépassé le milliard de litres, soit un doublement en 6 ans. Le paysage aval a lui aussi considérablement évolué avec l’arrivée de nouveaux opérateurs. La filière semble jusqu’ici avoir déjoué certains pièges liés à un développement par à-coups. Les filières lait de brebis et de chèvre bio, bien que de taille réduite connaissent elles aussi un certain élan et sont également abordées.

La filière lait de vache biologique a profondément muté ces dernières années : partant de 1% de la collecte laitière nationale en 2008, elle a dépassé la barre des 4% en 2019. Cette mutation s’est opérée au travers de deux vagues de conversions massives : une première à la fin de la décennie 2000/début 2010, et une seconde à partir de 2015 qui semble être arrivée à maturité en 2018/2019.

Lors de cette troisième vague, et malgré une année 2016 où elle avait marqué le pas (-1% / 2015) notamment en raison d’une année climatique peu favorable, la production de lait de vache biologique s’est littéralement envolée. La collecte a enregistré une hausse colossale de près de 280 millions de litres (+49%) entre 2015 et 2018 pour atteindre près de 850 millions de litres selon l’Enquête Annuelle Laitière. Le nombre de livreurs certifiés, qui n’avait augmenté que de 140 exploitations entre 2012 et 2015 (+7%), a, quant à lui, enregistré plus de 1 100 entrées supplémentaires sur la période 2015-2018 (+52%). Une vague de conversion d’importance supérieure encore à celle connue au début de la décennie puisque entre 2009 et 2012, la hausse n’avait été « que » de 800 fermes.

La crise traversée par la filière lait conventionnel en 2015/2016 n’est bien sûr pas étrangère à ces conversions massives, mais d’autres facteurs expliquent cette ruée vers la bio. Les politiques d’accompagnement, avec notamment la prime de conversion, ont ainsi aidé nombre d’éleveurs à franchir le pas. Les signaux positifs envoyés par le marché des produits alimentaires biologiques en sont un autre tout aussi essentiel. Il est passé d’un peu plus de 2,6 milliards d’euros en 2008 à près de 10 milliards en 2018, ce qui a conduit nombre d’entreprises de transformation laitière à se positionner sur ce créneau. Au travers de leurs plans de développement et leurs innovations en termes de fabrications, depuis le lait liquide conditionné jusqu’aux ultra-frais, beurre, crèmes ou fromages, ces entreprises ont été motrices de cette vague de conversion.

Les vagues précédentes semblaient plus être impulsées par le maillon de la production sans que l’engouement ne semble réellement partagé par ce maillon de la transformation qui laissait alors la part belle aux marques de distributeurs. Au contraire, cette vague de conversion n’est pas seulement celle de producteurs de lait, mais celle de toute une filière !

Malgré un marché dynamique et qui semble disposer d’importantes marges de manœuvre avec des segments de produits qui restent encore à explorer, cette arrivée massive de nouveaux producteurs et de litrages supplémentaires soulève son lot de questions pour la filière biologique. Le risque d’une crise de croissance existe et les opérateurs en sont conscients. Si le défi de la préservation de la valeur semble avoir été relevé avec brio au cours de la période, la vigilance reste de mise.

Les productions de lait biologique de brebis et de chèvre ne sont pas en reste. Bien qu’elles reposent sur des volumes bien moindres, elles bénéficient d’un réel engouement des consommateurs, notamment pour des produits ultra-frais. Marchés moins concurrentiels que le lait de vache biologique, les contraintes techniques mais aussi logistiques semblent cependant particulièrement fortes pour la filière caprine.

Le Dossier Economie de l’Elevage n°508