Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 359 Mars 2024 Mise en ligne le 25/03/2024

En France et en Europe, les prix du lait record, qui surcompensent la flambée des charges, ne permettent pas de relancer la production laitière. En mai, la collecte a fortement reculé en volume, mais aussi dans sa composition en matière utile, en France et dans la plupart des pays de l’UE-27.

En mai, la collecte française s’est établie à 2,19 Mt, en baisse de -2% /2021, soit son plus bas niveau depuis 2013. II s’agit du 9ème mois consécutif de repli. Elle a de nouveau reculé davantage que le cheptel (-1,3% /2021), en lien avec la flambée du prix du l’aliment acheté, et une pousse de l’herbe ralentie par la sécheresse. Au pic de collecte, l’ampleur du repli (-37 000 t) d’une année sur l’autre est toutefois à nuancer car la collecte était particulièrement dynamique en mai 2021. Les livraisons sont en fait repassées au-dessus de leur niveau de 2020 (N-2) pour la première fois de l’année. Pour juin, les sondages hebdomadaires de FranceAgriMer évoquent une stabilisation de la baisse à -2% /2021.

Le repli des livraisons concerne l’ensemble des régions, à l’exception des Pays de la Loire (+0,5%), et est particulièrement marqué en Auvergne-Rhône-Alpes (-3,5%), en Occitanie (-4%) et en Nouvelle-Aquitaine (-5,8%).

Le repli est plus spectaculaire en Matière Sèche Utile (MSU) (-3,9% /2021) en raison de la baisse des taux de MG (de -0,8 g/l à 40,5 g/l) et de MP (de -0,7 g/l à 33,5 g/l).

Poursuite de la hausse du prix

En mai, à 427 €/1 000 l, le prix du lait standard 38-32 (toutes qualités) a battu un nouveau record, gagnant +13 € d’un mois sur l’autre, dans le sillage de la hausse du cours des commodités laitières. Il se situe +76 €/1 000 l au-dessus de son niveau 2021, soit une hausse de +22%. La hausse du prix réel moyen payé aux éleveurs (438 €/1 000 l) est légèrement moindre (+18% /2021), en raison de la baisse des taux d’une année sur l’autre.

En mai, d’après l’observatoire des prix du lait de la revue l’Éleveur laitier, le prix standard du lait aurait encore progressé d’un mois sur l’autre, d’environ +10 €/1 000 l.

Malgré la détente des cours mondiaux, l’IPAMPA continue de progresser

En mai, l’indice IPAMPA a poursuivi sa progression, alors que les cours mondiaux des matières premières s’étaient légèrement détendus après avoir atteint des sommets début mars, suite à l’invasion russe en Ukraine. Cette latence s’explique par le fait que les fournisseurs mettent un certain temps pour répercuter les hausses auxquelles ils sont confrontés.

L’indice progresse de +1,2 point d’un mois sur l’autre, s’établissant à 134,4 pts (+21% /2021). Par rapport à septembre 2020, mois de début de cette flambée, la progression est de + 30% après 20 mois consécutifs de hausse ininterrompue.  En mai, le prix de l’aliment acheté a encore progressé de +1% sur un mois (+26% /2021). Le prix de l’énergie s’est stabilisé à un niveau très élevé, et demeure +39% au-dessus de son niveau de 2021. Le prix des engrais s’est stabilisé à des niveaux records en mai (indice à 208 pts), et a plus que doublé en un an (+108% / 2021).

Poursuite de la hausse de la MILC

Sur le mois de mai 2021, la MILC lait de vache s’est établie à 119 €/1 000 l, son plus haut niveau depuis 2017, et ce malgré un niveau de charges qui continue de battre des records.

Sur un mois, elle a gagné + 8 €, grâce à une hausse du prix du lait (+7 € /1 000 l) et du produit viande (+4 €/1 000 l) qui ont surcompensé la hausse des charges (+2 €/1 000 l).

Sur un an, elle a progressé de +37 €/1 000 l. La hausse du prix du lait (+79 €) est presque intégralement gommée par celle des charges (+67 €), mais le bond des prix du coproduit viande (+22 € /1000 l) permet à l’indice d’excéder nettement son niveau de mai 2021.

En juin, la MILC devrait avoir continué sa progression, grâce à la poursuite de l’appréciation du prix du lait.

La collecte reste en retrait dans l’UE-27

Dans l’UE-27, la collecte a de nouveau reculé en mai d’environ -1,6% /2021, malgré un prix record moyen de 476 €/t d’après le MMO. Les livraisons sont revenues à leur niveau de 2020.

La hausse du prix du lait ne suffit plus à relancer la production alors que celle-ci compense généralement l’inflation des charges. Les livraisons continuent de reculer dans les principaux pays producteurs (-2,0% en France, -2,3% en Allemagne et -1% aux Pays-Bas en mai). Dans de nombreux pays, la plupart des leviers de croissance des exploitations ont été épuisés. De plus, la mise en place de normes environnementales pèse sur la production dans certains pays. Les productions des pays habituellement moteurs de la hausse stagnent (comme en Pologne ou en Italie), voire baissent comme en Espagne (-1% /2021) ou en Irlande (-2% /2021).

Le décrochage est encore plus net en MSU (-2,4% /2021 en mai), à cause du recul des taux de MG (-2,4%) et de MP (-2,3% /2021) dans les principaux pays producteurs. La collecte laitière en MSU est ainsi ramenée à ses niveaux 2019 et 2020.

Le prix du lait français, traditionnellement moins réactif aux évolutions des cours mondiaux des ingrédients, est celui qui progresse le moins parmi les grands pays européens (+20%) ; une hausse incomparable avec celle observée dans les pays de l’Europe du Nord, exportateurs d’ingrédients. Le prix du lait a en effet atteint 525 €/t aux Pays-Bas, 530 €/t en Irlande, soit des hausses d’environ +40% sur un an.

Le prix français est passé, depuis le début de l’année, sous la moyenne européenne pour la première fois depuis fin 2017. Même des pays comme l’Espagne (+29% /2021 à 418 €/t) et l’Italie (+28% à 480 €/t), qui fabriquent moins d’ingrédients, voient leur prix progresser plus rapidement.

Cette moindre hausse des prix en France est liée à la difficulté pour les transformateurs à faire passer des hausses de tarifs auprès des distributeurs.

En Allemagne, le prix du lait conventionnel a atteint 486 €/1 000 l en mai, et culmine 129 € au-dessus de son niveau de l’an dernier (+42%). Si la hausse est logiquement plus prononcée dans les Länder du Nord, davantage orientés dans la fabrication d’ingrédients laitiers, (+58% dans le Schleswig-Holstein à 533 €/1 000 l, +47% en Basse-Saxe), le prix a aussi fortement progressé en Bavière (+37% /2021 à 490 €/1 000 l), où la fabrication de produits PGC est pourtant prédominante. Par conséquent, l’écart de prix entre les prix allemands et français continue de se creuser. Il s’élève à 67 €/1 000 l en mai.