Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 348 Mars 2023 Mise en ligne le 21/03/2023

Lait de vache

La France laitière toujours singulière au sein de l‘UE-27

Cet hiver, comme au 2nd semestre 2022, la collecte française a encore reculé, malgré un prix du lait bien orienté, même s’il est un des moins élevés au sein de l’UE-27.
La production laitière est en revanche toujours bien relancée en Europe du Nord, où le prix du lait subit désormais de sérieux correctifs, ce qui pourrait avoir des effets après le pic laitier de ce printemps.

Elle connait par ailleurs des évolutions contrastées dans les principaux bassins excédentaires.
Côté consommation, les ménages français, confrontés à une inflation alimentaire désormais élevée, réduisent sensiblement les volumes achetés de produits laitiers.

Lait de vache » Collecte laitière »

France : nouvelle année synonyme de nouvelle baisse

La collecte française a poursuivi son recul en ce début d’année, tendance préoccupante qui semble perdurer. Le prix du lait a prolongé sa hausse en janvier, mais la perspective d’une baisse prochaine se profile.

La collecte de lait continue de décliner en France

La collecte française poursuit son repli début 2023. En janvier, la baisse a atteint -1,4% /2022. Et en février, elle devrait être un peu moindre, d’environ -1% selon les enquêtes hebdomadaires de FranceAgriMer. Le nombre de vaches laitières se réduit inexorablement et la chute s’est intensifiée en février avec une perte de -2,4% /2022. La production baisse en raison d’un recul constant du cheptel et de stocks fourragers au plus bas. Toutefois, le recours aux aliments achetés a progressé depuis l’été dernier (+2,4% en juillet 22-janvier 23 /juillet 21-janvier 22 – Source SNIA) avec la bonne tenue des cours du lait. Les éleveurs espèrent mettre au pâturage leurs vaches tôt ce printemps et refaire leurs stocks, après une mauvaise année fourragère 2022.

Le prix du lait a maintenu sa hausse en janvier

En janvier 2023, le prix du lait standard (toutes qualité) en France a atteint 483 €/1 000 l, en hausse de 10 € comparé à décembre. Il a poursuivi sa progression entamée en 2022. Au regard de l’évolution des prix des ingrédients laitiers (beurre/poudre maigre) et du prix du lait en Allemagne, le prix du lait en France pourrait baisser dans les prochains mois. La question est de savoir à partir de quand et avec quelle ampleur. La baisse semble étroitement liée à l’évolution de la collecte dans l’UE-27.

La marge MILC lait de vache en France s’est stabilisée en janvier 2023 à 170 €/1 000 l. Le produit lait s’est légèrement amélioré et le produit des ventes d’animaux est resté stable. Les charges, quant à elles ont très légèrement progressé. Le poste engrais s’est réduit, mais le poste énergie s’est apprécié. Sur un an, la MILC a augmenté de +66 €/1 000 l. La hausse du produit lait (+98 € sur 1 an) et celle des autres produits (+15 €) compensent largement l’augmentation des charges (+47 €).

Lait de vache » Collecte laitière »

Les regards sont tournés vers la production de l’Union européenne

Les incertitudes sont nombreuses sur 2023. La demande mondiale semble montrer des signaux de reprise notamment en Asie du Sud-Est. La Chine pourrait également revenir aux achats, mais surtout en matière grasse. La dynamique de collecte aux États-Unis, en place depuis la mi-2022, semble toujours d’actualité pour le moment avec des exports importants tandis que la production océanienne reste à la peine. Dans ce contexte, l’évolution de la collecte européenne est très surveillée, car plus incertaine, et pourrait modifier l’équilibre entre offre et demande.

Collecte européenne : la hausse observée en janvier est-elle durable ?

Dans l’UE-27 en 2022, les prix du lait record ont finalement incité les producteurs à augmenter la collecte surtout dans les pays d’Europe du Nord. Elle termine en légère hausse (+0,6% /2021) au 2nd semestre et globalement stable sur l’année (-0,1% /2021 à 143,5 Mt).

La collecte a surtout été dynamique dans les pays de l’Europe du Nord et cela reste vrai début 2023. Les éleveurs profitent des prix du lait incitatifs pour accentuer la complémentation. D’ailleurs, les volumes sont en hausse tout comme les taux de matière grasse et matière protéique.

Ainsi, en Allemagne, la collecte au mois de janvier ressortait en hausse de +3% /2022 et +3,4% en matière solide utile (MSU). En Belgique, la hausse est plus forte encore à +4,7% en volume et +5,9% en MSU. Aux Pays-Bas, la collecte a augmenté de +4,7% /2022 et de +5,8% en MSU.

Cependant, si les prix du lait étaient encore particulièrement élevés en début d’année, ils ont amorcé une forte baisse dans ces pays. FrieslandCampina, collecteur prédominant des Pays-Bas, a annoncé un prix du lait de base au mois de mars juste sous les 500 €/t. En Belgique, Milcobel l’aurait ramené à 431 €/t pour mars également.

A l’inverse, si les coûts de production n’augmentent plus mais ne baissent pas encore. Il pourrait donc y avoir un effet ciseaux entre la chute des prix du lait et le maintien sur des niveaux élevés des charges dans les mois à venir. Ces éléments pourraient pousser les éleveurs, après le pic laitier, à réduire la complémentation d’une part et baisser le cheptel de l’autre. En effet, les réformes ont été retardées en fin d’année 2022 et le prix de la viande reste très incitatif actuellement.

Une nouvelle baisse de la collecte dans les pays de l’Europe du Nord dès la fin du pic laitier est fort probable.

Quelle ampleur de la baisse dans le sud de l’Europe ?

A l’inverse, dans le Sud, la baisse de la production reste de mise. En janvier, la collecte affiche un repli de -1,4% /2022 en Espagne et de -3% en Italie. Ces deux pays sont pénalisés par des coûts d’alimentation importants.

De plus, les craintes qui pèsent d’ores et déjà sur les disponibilités en eau inquiètent quant à la météo printanière et estivale. Les précipitations depuis janvier sont pour le moment insuffisantes et peu de pluies sont prévues prochainement. Il est difficile d’être optimiste sur l’évolution de la collecte pour les mois à venir dans ces deux pays.

Lait de vache » Collecte laitière »

Poursuite des tendances observées fin 2022 chez les principaux pays exportateurs mondiaux

L’année 2022 s’est terminée avec un bilan contrasté entre les deux hémisphères et les deux semestres. Si la collecte a terminé l’année en hausse dans l’hémisphère Nord au 2ème semestre, celle de l’hémisphère Sud était toujours en territoire négatif. Les tendances du début d’année 2023 restent pour le moment inchangées.

États-Unis : des exports en forte hausse grâce à une collecte dynamique

La collecte étatsunienne ressortait en hausse de +1,3% au mois de janvier /2023, grâce à une hausse du cheptel (+0,4% à 9,4 M de têtes) et une amélioration des rendements (+0,9% /2022).

Toutefois, selon des analystes locaux, cette dynamique pourrait s’essouffler dans les mois à venir car il sera plus difficile d’aller chercher des marges de progression dans le contexte actuel. En effet, les prix du lait ont baissé au mois de janvier (-6% en un mois et -5% /2022) face à des coûts alimentaires stables et toujours élevés (+20% /janvier 2022). La marge sur coût alimentaire s’est donc dégradée en janvier de -20% en un mois et de -31% /2022. Dans le même temps, les abattages de vaches laitières semblent s’accélérer (+14% /2022) ainsi que ceux des génisses (+7%).

Par ailleurs, de très fortes pluies se sont abattues en février et mars sur la Californie, rendant moins propice la production laitière (collecte stable en janvier).

Les volumes supplémentaires collectés, notamment dans la région des Grands Lacs (+1,6% dans le Wisconsin en janvier), ont été principalement orientés vers les fabrications de fromages (+3,2% au mois de janvier /2022 à 548 000 t), mais également vers les ingrédients beurre et poudre maigre (respectivement +3,8% soit 91 000 t et +2,8% soit 99 000 t).

Les fabrications de produits de grande consommation comme certains produits frais (yaourts et fromages blancs notamment) et les glaces ont augmenté par rapport à l’an dernier. Après les effets du covid-19 et de l’inflation alimentaire, l’index de performance des restaurants (RPI) semble se reprendre indiquant une meilleure fréquentation des restaurants. Les opérateurs espèrent donc un sursaut de la consommation nationale de produits laitiers dans les prochains mois.

Par ailleurs, les exportations ont conservé leur dynamisme en janvier (+11% /2022 en MSU pour les 6 principaux produits). Les envois de fromages étaient toujours en hausse (16% /2023 à 34 000 t) notamment vers le Mexique (+21%) et le Japon (+35%). Les exportations de poudre maigre ont le même mois augmenté de +15% à 68 000 t, avec un quasi doublement des volumes vers le Mexique, principal importateur.

Néanmoins, le dynamisme des exports n’a pas suffi à absorber l’intégralité des hausses de fabrications. Les stocks sont donc en nette hausse en beurre (+20% à 120 000 t), en poudre maigre (+5% à 126 000 t) et demeurent en fromages sur les mêmes niveaux record que l’an dernier (654 000 t).

Nouvelle-Zélande : rebond de la collecte en janvier, principalement dans l’île du Nord

La collecte en Nouvelle-Zélande s’est reprise au mois de janvier de +1,2% /2022. Selon des analystes locaux, elle aurait été en hausse de +4,4 % dans l’île du Nord et en léger repli de -0,7 % dans l’île du Sud. La production de lait dans l’île du sud est rendue plus stable par la très forte utilisation de l’irrigation. Dans l’île du Nord, les éleveurs ont davantage recours à de la complémentation en maïs et en tourteau. En 2022, les importations de tourteaux de soja et de palmiste (kernel) ont augmenté de +13% à 2,4 Mt.

Australie : une production en chute libre

La collecte australienne a encore chuté en janvier de -3,6% /2022 et de -6,6% depuis le début de la campagne (juillet 2022 à juin 2023). Seule la Tasmanie semble résister avec une hausse de +6,2% en janvier et +0,7% sur 7 mois (14% de la production nationale). Autrement, le Victoria (61% de la production de lait nationale) enregistre un fort repli (-5% en janvier et -7% sur la saison), tandis que le New South Wales (12% de la production nationale) subit un recul de -11% en janvier à cause de fortes inondations. 

Dans ce contexte, les exportations australiennes sont en fort recul au mois de janvier : -42% d’une année sur l’autre en fromages à 7 600 t, -69% en beurre à 800 t, -50% en poudres grasses à 2 600 t et -23% en poudre maigre à 11 000 t.

Argentine : les fortes chaleurs limiteront certainement la dynamique actuelle

La hausse des prix du lait en Argentine a incité les éleveurs à augmenter la complémentation des vaches et conduit à une progression de la collecte en janvier (+3% /2022)

Cependant, les températures à la fin de l’été austral sont exceptionnellement élevées, proches ou supérieures à 30°C depuis plusieurs semaines dans le bassin laitier alors que l’automne austral a démarré. Les pluies attendues sont très faibles. Cette météo est problématique tant pour les vaches que pour les récoltes de maïs et de soja.

Lait de vache » Consommation »

France : des produits laitiers moins achetés par les ménages et moins exportés

Les tendances de vente observées en 2022 semblent persister en ce début d’année 2023. Les achats des ménages sont en berne et les exportations se dégradent en volume.

Le beurre premier touché par la baisse des ventes de produits laitiers

Les volumes vendus de produits laitiers en magasins ont légèrement baissé en février (-0,7% /2022), après une forte chute en janvier (-5,1% /2022). Le beurre reste le produit le plus impacté par le recul des ventes (-7,1% en février). Les ventes des autres produits laitiers sont demeurées stables en volume en février voire ont légèrement augmenté, à l’exception des desserts frais (-4,2%) et des fromages frais (-1,2%). Les fromages et la crème restent les moins marqués par la baisse des achats. Les prix à la vente des produits laitiers ont dans le même temps explosé en février (+18% /2022). Le beurre a continué de voir son prix s’envoler (+24%).

Sur ce début d’année, les ventes de produits laitiers en magasins ont ainsi continué de baisser, s’inscrivant dans la tendance constatée en 2022. Sur l’année 2022, les ventes ont reculé de -2,5% /2021 en volume, mais se sont appréciées de +5,2% en valeur, avec la hausse des prix. En comparaison avec l’année 2019 (avant covid-19), les ventes de produits laitiers ont enregistré une baisse de -1,6%. Le beurre et les laits liquides ont affiché un repli marqué, de -4% /2019, quand les fromages et la crème ont progressé de +3%.  Il est à noter que depuis mi-2022, les ventes de produits laitiers ont tendance à se stabiliser, à l’exception du beurre en chute libre.

Les consommateurs se détournent des produits laitiers bio

Selon les catégories de produits, le recul des ventes n’a pas été de même ampleur. Les produits laitiers biologiques sont de plus en plus délaissés par les ménages. En cumul sur les deux premières périodes de l’année, les ventes de produits laitiers bio se sont fortement rétractées de -9% /2021 pour les yaourts et jusqu’à -18% pour les fromages.

Les produits laitiers biologiques entament leur 3ème année de recul des ventes en magasins. En 2021, les ventes se sont déjà repliées de -5% à -12% /2020 selon les produits. Et en 2022, la situation s’est aggravée avec un recul de -8% à -16% /2021. Les laits conditionnés et les yaourts résistent mieux quand la crème et les fromages s’écroulent. Et dans le contexte actuel d’inflation, les achats de produits laitiers bio ne devraient pas repartir de si tôt. Ce qui n’est pas sans préoccuper la filière dont la collecte de lait bio devrait au mieux rester stable voire légèrement baisser en 2023. Le lait déclassé, encore en proportion importante cette année, devra nécessairement être bien valorisé pour ne pas impacter à la baisse le prix du lait bio.

L’excédent commercial laitier français s’est de nouveau dégradé en janvier 2023

Le bilan du commerce extérieur n’est guère meilleur. En janvier 2023, les exportations de produits laitiers ont continué de diminuer en volume. Le recul est particulièrement important pour les laits conditionnés (-27% /2022), la poudre de lactosérum (-19%), le lait vrac (-17%) ou encore les poudres grasses (-11%). A contrario, les importations ont progressé en volume pour presque tous les produits, particulièrement le lait vrac (+36% /2022), le beurre (+15%) et la crème (+14%). Le solde commercial s’est réduit de -2% /2022 à 275 millions €. Ce mois de janvier prolonge les tendances à l’œuvre en 2022.

Sur l’année 2022, les exportations ont certes progressé en valeur (+16% /2021), mais les importations, en forte hausse, les ont largement surpassées (+38% /2021). L’excédent commercial s’est ainsi dégradé et est retombé à son niveau de 2018 (-12% /2021), à près de 3 milliards €. Les exportations se sont réduites en volume sur presque tous les produits, à l’exception du lait vrac (+9% /2021). Avec la baisse de collecte annuelle (-0,7% /2021), les importations ont augmenté, particulièrement sur le lait vrac (+37% /2021 en volume) et le beurre (+10% /2021).

Pour la cinquième année consécutive, le solde commercial des fromages s’est encore détérioré, de -15% /2021 à +1,02 Mrd € en 2022. A noter un recul des importations de fromages fondus (-14 % en volume) et une chute des fromages râpés (-57%). En revanche, les importations de cheddar ont bondi de +25%, principalement en provenance du Royaume-Uni.

Pour le beurre, les exportations sont restées stables en volume et ont progressé de +32% en valeur en 2022. Toutefois, les importations ont augmenté de +10% en volume et de +76% en valeur, hausse qui incombe à la Belgique, l’Allemagne et la Pologne notamment. Le déficit commercial s’est encore creusé, à -827 M€ en 2022. Le solde commercial de la crème a été de nouveau déficitaire, s’élevant à -69 M€. En 2022, l’excédent commercial en ingrédients secs a atteint +1,5 Mrd €, en hausse de +14% /2021 en raison de l’amélioration des cours des ingrédients laitiers.