Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 356 Décembre 2023 Mise en ligne le 20/12/2023

Lait de vache

Chute préoccupante de la collecte française

La collecte laitière française a décroché cet automne, impactée notamment par des incidents climatiques majeurs. Elle pourrait cependant se rétablir cet hiver, grâce à des fourrages conservés de meilleure qualité, même si la baisse du prix du lait, amorcée cet automne, se prolonge début 2024.

En revanche, la production de lait bio devrait encore reculer dans les prochains mois, même si les laiteries dans l’ensemble soutiennent les prix du lait aux éleveurs dans l’attente d’une reprise de la consommation.
La Chine est désormais moins prédominante sur la scène internationale. Sa production laitière demeure dynamique, grâce au développement de méga-fermes, tandis que la demande intérieure plafonne depuis la crise du covid-19….

Lait de vache » Collecte laitière »

Un automne implacable pour la collecte laitière française

Depuis septembre, la collecte laitière française est en fort recul, impactée notamment par des incidents climatiques majeurs. La baisse du prix du lait, amorcée cet automne, pourrait se prolonger début 2024.

Décrochage inattendu de la collecte automnale

La collecte laitière française a poursuivi son décrochage en octobre (-4,6% /2022) après une chute en septembre (-4,8% /2022). Sur 10 mois, la baisse de collecte française a atteint -2,7% /2022. Mais l’amélioration des taux a permis d’atténuer sensiblement ce repli à -1,4% /2022 en MSU. Et la baisse de la collecte aurait été encore très forte en novembre d’après les sondages hebdomadaires de FranceAgriMer (-4,3 % /2022).

La production automnale de lait a été affectée par divers événements. Tout d’abord, les épisodes caniculaires de septembre ont impacté la productivité des vaches. Puis les tempêtes (Bretagne, Normandie, Nord de la France) et les fortes pluies à l’intérieur des terres en octobre et novembre ont contraint les éleveurs à rentrer leurs animaux plus tôt en bâtiment en raison de pâturages non portants. La surpopulation inhabituelle en bâtiments aurait engendré des problèmes de mammites et de cellules. Enfin, l’année 2023 se caractérise par des fourrages en quantité bien que l’herbe récoltée au printemps soit jugée de qualité moyenne. Le maïs ensilé, de très bonne qualité, a contribué à améliorer les taux du lait produit mais les teneurs élevées en amidon ont eu un impact négatif sur la quantité de lait. Il faut en effet laisser du temps à la fermentation pour rendre l’amidon plus digestible, nécessitant quelques semaines. Ces événements cumulés ont ainsi lourdement pesé sur la collecte automnale.

Cependant, ces dernières semaines, les prémices d’une amélioration de collecte commencent enfin à se faire sentir. La toute fin d’année s’annonce donc meilleure. Ainsi sur l’année 2023, on peut évaluer le recul de collecte aux alentours de -2,6% /2022.

Au 1er novembre 2023, le recul du cheptel laitier continue de s’atténuer (-1,9% /2022). Tout au long de l’année, les éleveurs ont réformé moins de vaches que l’an passé, en particulier en août et septembre. En octobre, toutefois, on observe une stabilité des sorties. Les fortes pluies automnales, qui ont contraint à rentrer les animaux plus tôt en bâtiment, ont probablement incité des éleveurs à anticiper les réformes.

Recul du prix du lait en France au 4ème trimestre

En octobre 2023, le prix du lait standard (toutes qualités) en France a atteint 455 €/1 000 l, en repli de -8 € en un mois. Il est passé en dessous du prix de l’année dernière (-13 € /2022). Nos prévisions pour le dernier trimestre affichent une baisse estimée entre -15 et -20 €/1 000 l. A noter que le prix payé aux livreurs (toutes compositions) affiche un progression de +6 €/1 000 l d’un mois sur l’autre (490 € en octobre) grâce à l’amélioration des taux.

Les premières annonces de prix du lait pour le début d’année 2024 révèlent des disparités importantes entre laiteries. Certaines le rapprochent du seuil, devenu psychologique, de 400 €/1 000 l, tandis que d’autres envoient des signaux forts à leurs éleveurs avec un prix maintenu au niveau de 2023.

Les charges en élevage, d’après l’IPAMPA lait de vache, ont un peu baissé en 2023, mais se stabilisent depuis quelques mois à un niveau élevé. Le recul des charges alimentaires se poursuit, mais les prix des engrais sont en légère progression en octobre. Le poste énergie amorce une légère baisse. À noter que sur un an, l’IPAMPA reste toutefois en recul (-4,3% /octobre 2022).

La marge MILC, estimée à 153 €/1 000 l en octobre, a augmenté de +3 € d’un mois sur l’autre sous l’effet de la hausse du prix du lait payé aux taux réels. Et les charges se sont stabilisées. En octobre, la MILC a reculé de -1 €/1 000 l sur un an. Le produit lait a baissé, de -13 €, ainsi que les autres produits (-5 €), mais les charges se sont aussi réduites (-17 €).

Évolution contrastée des fabrications de produits laitiers

Les fabrications françaises de produits laitiers cumulées sur dix mois ont globalement baissé d’une année sur l‘autre. A l’exception des poudres de lait conditionnées toujours dynamiques (+2% /2022), les fabrications de poudres (surtout maigre) sont ralenties. Les productions de fromages et de beurre ont légèrement diminué (-1% /2022). En revanche, les fabrications de laits conditionnés et de yaourts demeurent stables. Les fabrications de crèmes bénéficient d’une forte impulsion grâce à une demande intérieure soutenue et des exportations dynamiques.

Lait de vache » France »

Le marché du lait bio en attente de sa reprise

La collecte de lait bio a enregistré une baisse significative et devrait encore reculer dans les prochains mois. En grande majorité, les laiteries ont soutenu les prix du lait aux éleveurs en 2023 et devraient les reconduire en 2024 dans l’attente d’une reprise de la consommation. Les ventes en magasins sont toujours en repli.

Fort recul de la collecte de lait bio

La collecte laitière française de lait biologique a poursuivi un recul très significatif en octobre (-8,8% /2022) portant le repli annuel à -3,8% /2022. Grâce à une amélioration des taux, le recul est moindre en MSU (-2,4% /2022). La baisse de collecte s’explique en partie par des arrêts de certification plus nombreux en 2023. Outre ces arrêts, une diminution de la production livrée par point de collecte est également observée. Avec les difficultés de marché en bio, les éleveurs ont dû lever le pied en production. Les fortes pluies automnales ont aussi dégradé les pâturages. De plus, le passage en monotraite de certains éleveurs a également contribué à la baisse du niveau de collecte.

La collecte devrait continuer de se replier en raison du très faible nombre de conversions et des arrêts de certification. De nombreux producteurs arrivent aux termes de leurs années d’aides à la conversion et certains pourraient rebasculer en conventionnel au regard de la conjoncture.

Un prix du lait bio supérieur à 2022

En 2023, le prix du lait bio 38/32 a progressé en moyenne de +20 à +30 € /1 000 l et s’est établi à 515 €/1 000 l en octobre, avec des écarts importants entre les laiteries. Cette augmentation du prix a été un signal positif pour les éleveurs. Et pour début 2024, les prix aux producteurs seraient reconduits dans de nombreuses laiteries.

Des ventes de produits laitiers bio toujours en repli

Au cours des 11 premières périodes de l’année, les ventes de produits laitiers bio en magasins généralistes ont enregistré un fort recul. Aucune amélioration n’est à souligner sur les toutes dernières périodes. Les baisses sont toujours très marquées pour les fromages (-19% /2022) et la crème (-14%).  La moindre mise en avant des produits laitiers bio par les enseignes alimentaires semble exercer un impact très négatif sur leur consommation. Bien qu’une amélioration des ventes soit constatée en restauration collective, il parait impératif que les grandes surfaces stimulent la consommation avec des prix plus attractifs et un repositionnement des produits bio de manière stratégique dans leurs rayons.

A contrario, les ventes de produits laitiers non bio se portent mieux. Sur 11 périodes de 2023, les ventes de beurre et de lait liquide ont légèrement reculé quand celles de crème et de fromages ont retrouvé un peu de dynamisme.

Lait de vache » Marché des produits laitiers »

Chine : Le ralentissement de la consommation pénalise les éleveurs chinois et ralentit les importations

Depuis cinq ans, la production laitière a continué sa croissance basée sur des investissements conséquents dans des méga fermes (>5 000 vaches). Toutefois, dans le même temps, la consommation se stabilise voire recule sur certains produits laitiers depuis la crise du covid-19.

Il y a donc un déséquilibre entre l’offre et la demande intérieures qui se traduit par une hausse des stocks de poudres de lait et donc une baisse des besoins à l’importation.

Les fêtes de fin d’année et du Nouvel An pourraient apporter un sursaut de la demande, mais qui reste à confirmer.

Une production toujours croissante malgré des prix du lait au plus bas depuis trois ans

En 2023, la production laitière est attendue en hausse de +4,6% à 41 Mt /2022. Depuis 2018, la production a augmenté de +10 Mt, soit +33%.

Cette hausse est permise par de très forts investissements dans de nouvelles fermes de plusieurs milliers de vaches avec une fort soutien gouvernemental.

La Mongolie intérieure demeure la 1ère province à produire du lait avec un cheptel laitier estimé à 1,7 million de vaches selon BOABC (+4,1% /2022). La dynamique y est particulièrement forte en 2023 (+6,8% /2022, à 4,6 Mt sur les trois trimestres ). Toutefois la production se concentre de plus en plus dans le Nord du pays tandis que les consommateurs sont davantage dans le Sud. La hausse des coûts de transport, notamment frigorifiques sur de grandes distances, a fortement renchéri les prix du lait de consommation pasteurisé.

De nouveaux investissements se font donc dans des zones moins denses. Ainsi, une nouvelle ferme a reçu ses 10 000 vaches laitières en novembre 2023 dans la province du Xinjiang, à l’ouest du pays. Dans la même province, une autre ferme, en construction, devrait accueillir 6 000 vaches et produire 80 t de lait cru/jour.

Toutefois, la dynamique de hausse de la production s’est quelque peu tassée au cours de l’année 2023, car les prix du lait ont baissé et ne sont plus incitatifs. Ils s’affichent ainsi à 3,70 RMB/kg soit environ 470 €/t, en baisse de -10% /2022 et au plus bas depuis 2018. Le repli des prix du lait s’est accéléré en 2023 par rapport à 2022 car la consommation n’est plus suffisante pour absorber la forte hausse de la collecte.

Dans ce contexte, les éleveurs se montrent plus regardants sur l’alimentation. Les importations de luzerne ont ainsi chuté de -70% sur les dix mois de 2023 /2022. Dans le même temps, les prix du tourteau de soja demeurent chers (4,5 yuan/kg en novembre contre 3,5 yuan/kg en 2020), même s’ils ont baissé par rapport à 2022 (5,5 yuan/kg). Les prix du maïs sont historiquement hauts mais similaires aux années 2021/2022.

De plus, début 2023, les prix de la viande bovine étaient élevés, ce qui a renforcé les abattages de vaches laitières. Cet afflux d’animaux a eu raison de trois ans de hausse de la viande bovine en Chine. Les prix ont décroché pour revenir sur des niveaux pratiqués en 2020. Les importations de viande ont également baissé.

Pour 2024, l’USDA prévoit une stabilité de la production laitière, car les importations de femelles laitières baissent tandis que les taux de réforme augmentent. L’office américain table donc plutôt sur une augmentation des rendements qui stabiliserait la production à 41 Mt de lait.

La consommation de produits laitiers n’a pas retrouvé pas ses niveaux d’avant covid-19

La consommation chinoise de produits laitiers a été pénalisée par le covid-19 et par les mesures de confinement strictes. La levée des sanctions s’est faite tardivement au regard des autres pays. L’augmentation de la consommation associée a été décevante par rapport aux attentes. En effet, le pouvoir d’achat est en baisse car l’économie a fortement ralenti. Le FMI a toutefois augmenté sa prévision de croissance en novembre à +5,4% pour 2023 et +4,6% pour 2024.

L’inflation a été très forte après le début de la guerre en Ukraine car le pays est fortement importateur de matières premières agricoles. Néanmoins, l’indice des prix à la consommation d’octobre a reculé de -0,2% /2022 selon les chiffres du Bureau d’État des statistiques laissant planer le doute sur une possible déflation. Par ailleurs, les ventes au détail se sont reprises au 3ème trimestre selon le Bureau National des Statistiques.

Ainsi, alors que la reprise des importations était prévue pour 2023, les analystes sont dorénavant plus prudents. Dans ses bilans, l’USDA estime que la consommation en produits laitiers frais et lait de consommation restera stable par rapport à 2022.

Les produits laitiers bénéficient toujours d’une très bonne image auprès des consommateurs qui les associent à des aliments bons pour la santé.

Sur le lait de consommation, une concurrence forte s’établit entre le lait pasteurisé conditionné en Chine et le lait UHT importé. Les prix au détail du lait pasteurisé ont baissé sous la pression de l’accroissement de la production de lait cru. Les laiteries pourraient facilement augmenter les volumes fabriqués de lait pasteurisé dont la part est estimés à 15% par l’USDA. Ce produit pâtit toujours d’une méfiance de la part des consommateurs. A l’inverse, les importations de laits conditionnés UHT ont chuté de -25% /2022 à 455 000 t sur janvier-octobre.

Depuis 2018, les prix du lait de consommation au détail en Chine augmentaient chaque année. Cependant, en 2023, ils ont marqué le pas selon BOABC à 12,44 yuan/kg (-3,6% /2022), ils reviennent ainsi sur les niveaux de 2020. Les observations sont similaires sur les prix des yaourts.

Des importations de produits laitiers en équivalent lait toujours en baisse

Les importations chinoises de produits laitiers ont enregistré une nouvelle baisse au mois d’octobre, de -12% en équivalent lait /2022 et de -14% en cumul depuis le début d’année. La hausse de la production nationale et la baisse de la consommation domestique en sont les principales raisons. Toutefois, les prix intérieurs des produits laitiers sont orientés à la baisse, tandis que les cotations internationales sont en hausse. Aussi l’écart de prix entre les deux se réduit et n’est pas favorable à une hausse des importations.

Dans le détail, ce sont les importations de poudres grasses qui enregistrent le plus important repli, de -38% /2022 à 390 000 t sur dix mois de 2023. Les volumes en provenance de la Nouvelle-Zélande, de loin le 1er exportateur vers la Chine, ont baissé d’autant sur la même période.

En général, les laiteries chinoises évitent de produire des poudres grasses, produits les moins rentables. Les fabrications privilégiées demeurent les laits conditionnés, les yaourts et autres produits frais. Le lait n’est donc séché qu’en cas de surproduction ce qui s’est produit depuis 2022. Ainsi les fabrications de ces poudres ont augmenté de +15% /2022 à 712 000 t sur 10 mois. Elles avaient déjà augmenté de +50% entre 2021 et 2022 à 756 000 t selon BOABC. Certains gouvernements provinciaux accordent des subventions pour aider à réduire les pertes économiques des transformateurs laitiers (exemple Hebei, Shandong, Heilongjiang) afin de limiter les faillites de grands ateliers laitiers.

Avant 2023, les importations de poudres grasses étaient concentrées sur le mois de janvier puis stockées pour répondre aux besoins de fin d’année. L’incorporation de poudres grasses dans la fabrication de laits conditionnés ou fermentés recule car ces produits sont moins populaires. Toutefois, la demande pour la boulangerie devrait rester stable en 2024.

Sur le graphique ci-dessous, on voit distinctement la constitution de stocks début 2023 alors que les fabrications et les imports étaient supérieurs à la demande intérieure. Ces stocks ont largement pesé sur le marché chinois. Même s’ils baissent depuis quatre mois, ils demeurent au plus haut depuis au moins six ans, ce qui ne laisse pas envisager de retour aux achats rapidement.

A l’inverse, les fabrications de poudre maigre, beaucoup plus faibles -30 000 t sur 10 mois- ont baissé en 2023 de -15% /2022. La consommation est quasiment exclusivement fournie par les importations. Celles-ci avaient augmenté en début d’année, mais se sont repliées depuis pour la même raison que pour les poudres grasses, à savoir la constitution de stocks.

Les poudres grasses peuvent être utilisées en substitution de la poudre maigre et pourraient être privilégiées au vu des stocks conséquents de poudres grasses. Aussi la consommation de poudre maigre pourrait se replier dans les mois à venir notamment dans le secteur de la boulangerie et des industries agroalimentaires. Seule une forte baisse des prix de la poudre maigre sur le marché international pourrait rendre celle-ci plus attractive que les poudres grasses.

Début 2024, les importations chinoises de poudres de lait devraient demeurer ralenties et probablement inférieures à celles de l’hiver 2023.

Les importations de beurre ont aussi baissé de -9% /2022 à 110 000 t sur dix mois . L’origine néo-zélandaise pâtit fortement de ce repli (-9% à 96 000 t) au profit du beurre d’origine européenne mais sur de modestes volumes. Les imports de crème sont toujours croissants (+3% à 216 000 t sur dix mois ), mais sont assez irréguliers mensuellement.

Enfin les importations de fromages sont toujours dynamiques, en hausse de +18%, notamment en provenance de Nouvelle-Zélande et de France (respectivement +23% à 88 200 t et +15% à 5 000 t).