Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 320 Septembre 2020 Mise en ligne le 15/09/2020

Lait de chèvre et viande

Conjoncture déprimée en viande, plus sereine en lait

Le confinement généralisé de la population en Europe a bouleversé les habitudes de consommation (notamment à Pâques, qui compte pour 60% de la consommation annuelle de chevreau). Faute de demande, les prix sont restés au plancher, et les stocks constitués pendant la campagne pascale plombent le marché et déstabilisent la production. Les cours risquent de rester bas en fin d’année.

Simultanément, l’évolution de la collecte de lait de chèvre semble se stabiliser, après un début d’année en forte croissance. Les ventes de fromages de chèvre dans les rayons libre-service des GMS sont restées dynamiques au 1er semestre 2020, mais la valeur des achats ne suit pas au même rythme, plombant les prix moyens.

Lait de chèvre et viande » Lait de chèvre »

La croissance de la collecte ralentit, la demande reste dynamique

L’évolution de la collecte semble se stabiliser, après un début d’année en forte croissance. Les ventes de fromages de chèvre dans les rayons libre-service des GMS sont restées dynamiques au 1er semestre 2020, mais la valeur des achats ne suit pas au même rythme, plombant les prix moyens.

La progression se poursuit, mais la cadence baisse

La collecte française de lait de chèvre a poursuivi sa progression jusqu’au pic de production de mai, puis a amorcé sa baisse saisonnière. La progression s’élève à +3,3 % par rapport à 2019 pour les mois de mai et juin et est estimée à +4 % /2019 pour le mois de juillet, selon le sondage hebdomadaire de FranceAgriMer. Après avoir été très dynamique au premier trimestre (+6 % /2019), la collecte a progressé moins vite au deuxième trimestre (+4 % /2019). Ainsi, la collecte nationale cumulée à juillet s’établirait à près de 320 millions de litres, soit +5 % /2019 ; un niveau  inégalé depuis la crise qui frappa la filière caprine en 2012.

Ce dynamisme de la production contribue à la renationalisation de l’approvisionnement industriel français. Alors qu’elle affichait des taux de progression inédits jusqu’au mois d’avril, grâce à des conditions météorologiques favorables au printemps et à des prix en hausse, la progression de la collecte ralentit en partie sous l’effet de la crise sanitaire et des signaux dissuasifs de la part des transformateurs. A l’automne, la collecte devrait ralentir davantage, si l’on tient compte de la sécheresse qui a touché plusieurs régions françaises.

La progression des volumes commercialisés de fromage de chèvre se poursuit

Alors qu’en début d’année, la demande en fromage de chèvre connaissait une croissance ralentie, elle a retrouvé pendant le confinement une bonne dynamique, qui s’est prolongée ensuite. Les ventes de fromages au rayon en libre-service des GMS, qui absorbent près de la moitié des fabrications totales de fromages de chèvre, ont progressé de +17% en avril, +16% en mai et +6% en juin par rapport à 2019. Les ventes de fromages affinés ont été plus dynamiques que celles des fromages  frais (+4% /2019, contre +1,1%), c’est notamment la buchette affinée qui porte cette dynamique (avec une progression de +6% /2019).

Les ventes de fromages AOP évoluent favorablement aussi, avec cependant des résultats très variables entre appellations : la progression des ventes de Ste-Maure-de-la-Touraine (+7% /2019) et du Valençay (+13%) a compensé la baisse des ventes de la Rigotte de Condrieu (-9%) ou du Poligny-Saint-Pierre (-8,4%). Ainsi, les volumes commercialisés des fromages de chèvre retrouvent une dynamique similaire à celle de 2016. Cependant, cette évolution a lieu dans un contexte de dégradation des prix de vente de fromage de chèvre : à 11,86 €/kg en moyenne, soit -1,2% /2019. Cette tendance s’est accentuée pendant le confinement puis s’est prolongée en juin. La baisse du prix moyen de vente des fromages provient de la déformation de la structure des produits vendus en LS : d’un côté l’explosion des ventes de bûches et bûchettes, et de l’autre le recul des ventes de fromages à plus haute valeur.

Lente reprise des exportations des fromages de chèvre

Les exportations françaises de fromages de chèvre ont été lourdement impactées par l’épisode de crise sanitaire, qui a ralenti les échanges et freiné la demande extérieure. Après un mois de mars relativement stable (seulement +30 tonnes supplémentaires ont été expédiées), et alors que l’Europe (principal marché pour les fromages de chèvre français) se confinait, les envois d’avril ont chuté de -30% /2019 (à 1 580 t) et de -28% en mai (1 540 t) d’après l’enquête mensuelle laitière de FranceAgriMer. Dans les semaines qui ont suivi le déconfinement, elles ont retrouvé des niveaux proches de la normale, avec 2 010 t exportées en juin, soit -4% /2019. Le cumul des exportations à juin s’élève à 11 000 tonnes, soit -1 400 tonnes en moins par rapport à 2019 (-11% /2019).

La crise sanitaire a accéléré le recul des exportations qui étaient orientées à la baisse depuis 2018.

Lait de chèvre et viande » Viande caprine »

La crise sanitaire a plombé le marché du chevreau

Le confinement généralisé de la population en Europe a bouleversé les habitudes de consommation (notamment à Pâques, qui représente 60% de la consommation de chevreau dans l’année), et la demande n’a pas été au rendez-vous. Les abattages de chevreaux se sont contractés au premier semestre 2020 et leur prix est resté au plancher.

Repli des abattages de chevreaux

Cumulés depuis janvier, les abattages de chevreaux ont baissé de -4% /2019 en juillet, à près de 403 800 têtes. Les effectifs abattus ont progressé en mars (+10%, à 135 000 têtes) et ont chuté en avril (-19%, à 139 000 têtes). La date précoce de Pâques a en effet incité les engraisseurs à avancer les sorties, pour commercialiser les chevreaux les deux semaines précédant la période pascale, au moment attendu du pic de consommation. Les abattages se sont ainsi étalés en mars et début avril, mais ont baissé après Pâques. L’avancée des sorties a induit un allègement du poids moyen des carcasses de -1,5% /2019, à 5,8 kg. Au final, la production de viande caprine en cumul sur 7 mois s’est contractée de -6% /2019, à 2 330 téc.

Malgré l’épisode de crise sanitaire et l’annulation de commandes à l’export, les opérateurs français de la filière de viande caprine s’étaient engagés à poursuivre la collecte et l’abattage des chevreaux engraissés jusqu’à Pâques. La baisse de la production de viande de chevreau est la conséquence directe de la contraction des poids moyens, tandis que la réduction des effectifs abattus découle de la baisse du cheptel en 2020 (-2%) et du développement des lactations longues qui réduit les naissances de chevreaux.

Le cours du chevreau privé de hausse saisonnière

Le confinement des Français pendant huit semaines a fortement affecté la consommation de viande de chevreau à Pâques. Les abatteurs et les distributeurs ont limité les approvisionnements des étals faute de visibilité sur le comportement des consommateurs. Résultat : le cours du chevreau engraissé n’a pas enregistré de hausse saisonnière à Pâques, faute de demande suffisante.

Ainsi, en pleine campagne pascale, le cours s’établissait à 2,70 €/kg, soit 20% de moins qu’en 2019 (3,40 €/kg). La cotation a cédé 10 centimes aussitôt après Pâques, à 2,60 €/kg, un prix qui se maintient depuis. Les stocks qui se sont constitués, estimés à 500 téc de viande congelée, pèseront sûrement sur les cotations du reste de l’année 2020. La hausse saisonnière s’annonce modeste.

Effondrement des exportations vers l’Italie et le Portugal

Les envois français de viande caprine se sont aussi effondrés dès la mise en place des mesures de confinement : de -28% /2019 en mars, à 380 téc, et -48% en avril, à 345 téc. Ils ont été toutefois presque rétablis en juin, dès la levée des restrictions de circulation, avec 170 téc exportés, soit –5% seulement. En cumul sur le 1er semestre, les exportations de viande caprine ont chuté de -30% /2019, à 1 200 téc. La baisse des envois de 520 téc correspond exactement aux surstocks annoncés par la filière. Cette baisse concerne autant la viande fraîche que la viande congelée, dont les exportations ont reculé de -30%, à 672 téc pour la première (soit -300 téc), et 530 téc pour la seconde (-225 téc). Ces envois ont reculé d’autant en valeur à 8,6 million d’euros.

Les mesures de confinement, généralisées en France mais aussi au Portugal et en Italie quelques semaines avant les fêtes pascales, ont provoqué un effondrement des commandes de viande de chevreau par les distributeurs. Ceux-ci tablaient sur une réduction des achats par les ménages qui ne pouvaient pas fêter normalement en famille cette fête religieuse. Dans ce contexte, l’Italie aurait importé 320 téc de viande française selon nos estimations, soit -38% /2019, et -14% de viande caprine toutes origines confondues, avec 630 téc. En effet, la viande fraîche grecque aurait gagné des parts sur le marché italien, alors que la France se tourne davantage vers le Portugal depuis quelques années. Ce dernier a également réduit de -20% /2019 ses importations de viande caprine française, à 670 téc, et de -10% /2019, toutes origines confondues, à 870 téc.