Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 340 Juin 2022 Mise en ligne le 20/06/2022

Lait de vache

Production ralentie malgré la hausse des prix

La production laitière est orientée à la baisse dans presque tous les bassins excédentaires, malgré des prix du lait historiquement élevés et haussiers. En premier dans l’UE-27, où seule la Pologne fait exception.

Les faibles disponibilités laitières se répercutent sur les marchés des commodités, en premier lieu sur celui du beurre, d’autant que la hausse saisonnière des fabrications a été limitée dans l’UE-27 et que la demande reste ferme, notamment en Asie.

En France, la flambée des cours des produits laitiers se répercute lentement sur les tarifs des fournisseurs et les prix au détail, qui progressent moins vite que dans les pays voisins. Heureusement, la revalorisation est plus nette sur les autres débouchés, en particulier sur les ingrédients vendus aux IAA ou exportés.

 

Lait de vache » Collecte laitière »

Les prix du lait records ne relancent pas la production dans l’UE

En avril, la collecte s’est rétractée en France et en Europe, malgré des prix records, qui surcompensent le plus souvent la flambée des charges.

France : nouveau recul de la collecte

En avril, la collecte française s’est établie à 2,14 Mt, en baisse de -2% /2021, à son plus bas niveau depuis 2013. (-43 000 t). II s’agit du 8ème mois consécutif de repli. La collecte a donc de nouveau décroché plus fortement que le cheptel (-1,3% /2021), en lien avec la flambée du prix du l’aliment acheté. Au pic de collecte, cette baisse représente un volume substantiel de -43 000 t sur un an. Le repli est plus prononcé en matière sèche utile (-2,8% /2021) en raison de la baisse des taux de MG (41,5 g/l ; -0,5% /2021) et de MP (33,5 g/l, -1,2% /2021). Le repli des livraisons concerne l’ensemble des régions à l’exception des Pays de la Loire (+0,5%) et est particulièrement marqué en Auvergne-Rhône-Alpes (-5%).

Pour mai, les sondages hebdomadaires de FranceAgriMer évoquent certes une stabilisation de la baisse à -2% /2021, mais par rapport à une collecte très dynamique l’an dernier à pareille époque. Malgré un déficit hydrique important sur l’ensemble du croissant laitier, la collecte laitière aurait rattrapé son niveau de 2020, en lien avec la hausse du prix du lait, dont l’effet incitatif à la production semble commencer à se faire sentir.

En juin, le prolongement de la sécheresse et la canicule devraient fortement peser sur la production laitière.

Atténuation de la baisse du cheptel

Au 1er mai, le cheptel laitier a connu sa plus faible baisse annuelle depuis 4 ans (-1,4% /2021), en lien avec le fait que les éleveurs ont ralenti les réformes pour profiter de la hausse du prix du lait. Ce redressement (tout relatif) du cheptel pourrait maintenant arriver à son terme, car les abattages ont rejoint des niveaux plus proches de la normale en mai (-2% /2021 entre les semaines 19 et 22), et les effectifs de génisses de 24-36 mois restent fortement orientés à la baisse (-8%). De plus, les fortes chaleurs et le déficit hydrique altèrent la pousse de l’herbe, si bien que les éleveurs devront accroître les distributions de fourrages et de concentrés s’ils souhaitent maintenir leur productivité laitière. Or, le prix de l’aliment acheté flambe, ce qui dégrade la marge alimentaire, et incite donc à réformer les vaches les moins productives, dont les réformes ont parfois été repoussées ces derniers mois. A terme, si la sécheresse se poursuivait, et même si les stocks restent pour l’instant importants, la baisse des disponibilités fourragères pourrait également conduire certains éleveurs à effectuer les réformes qu’ils ont retardées ces derniers mois.

Nouvelle hausse du prix du lait en avril

En avril, à 417 €/1 000 l, le prix du lait standard 38-32 (toutes qualités) a battu un nouveau record, gagnant +10 € d’un mois sur l’autre, dans le sillage de la hausse du cours des commodités laitières. Il se situe +68 €/1 000 l au-dessus de son niveau 2021, soit une hausse de +19%. La hausse du prix réel moyen payé aux éleveurs est légèrement moindre (+17% à 438 €/1 000 l), en raison de la baisse des taux d’une année sur l’autre.

A 406 €/1 000 l, le prix standard conventionnel excède pour la première fois les 400 €/1 000 l. Comme attendu, il dépasse donc temporairement le prix du lait bio (400 €/1 000 l), en raison de la forte saisonnalité de celui-ci, qui se redressera fortement à partir de juin.

En mai, d’après l’observatoire des prix du lait de la revue l’éleveur laitier, le prix standard du lait devrait avoir encore progressé, d’environ +10 €/1 000 l.

Poursuite de la hausse de l’IPAMPA en avril

En avril, l’indice IPAMPA a poursuivi sa progression, alors que les cours mondiaux des matières premières s’étaient légèrement détendus après avoir atteint des sommets début mars, suite à l’invasion russe en Ukraine. Cette latence s’explique par le fait que les fournisseurs mettent un certain temps pour répercuter les hausses auxquelles ils sont confrontés. L’indice a donc encore gagné +1,2 point d’un mois sur l’autre, s’établissant à 133,4 pts (+21% /2021). Par rapport à septembre 2021, mois de début de cette flambée, la progression est de +29% après 19 mois consécutifs de hausse ininterrompue. En avril, les prix de l’aliment acheté (+4% sur un mois, +27% /2021) et des engrais (+5% /mars, +108% /2021) ont poursuivi leur hausse fulgurante, au contraire de l’IPAMPA énergie (-11% /mars, +40% /2021), essentiellement lié au prix du carburant, qui s’est légèrement détendu.

La MILC poursuit sa progression

Sur le mois d’avril 2021, la MILC lait de vache s’est établi à 111 €/1 000 l, son plus haut niveau depuis octobre 2019, et ce malgré un niveau de charges qui continue de battre des records.

Sur un mois, elle a gagné +10 €, grâce à une hausse du prix du lait (+13 € /1 000 l) et du produit viande (+3 €/ 1 000 l) qui ont surcompensé la hausse des charges (+3 €/1 000 l).

Sur un an, elle a progressé de +26 €/1 000 l. La hausse du prix du lait (+71 €) est presque intégralement gommée par celle des charges (+67 €), mais le bond des prix du coproduit viande (de +22 €/ 1000 l) permet à l’indice d’excéder nettement son niveau d’avril 2021 (+85 € /1 000 l).

En mai, la MILC devrait avoir continué sa progression, grâce à la poursuite de l’appréciation du prix du lait.

UE-27 : nouveau décrochage de la collecte

Dans l’UE-27, malgré des prix du lait record, la collecte laitière a de nouveau décroché en avril ( -1,4% /2021, soit -180 000 t !).

Les livraisons ont poursuivi leur recul dans les grands pays producteurs (-1,2% en France, -2,1% en Allemagne, -2,5% aux Pays-Bas). Le repli sur un an est plus important qu’au dernier trimestre 2021, car certains pays habituellement moteurs contribuent maintenant également à la baisse, à l’image de l’Espagne (-2,3% /2021), de l’Italie (-1% en mars), et même de l’Irlande (-1%). Parmi les grands pays producteurs, seule la collecte polonaise reste croissante (+1,1%).

En Irlande, la baisse de collecte se confirme en avril

En avril, le ralentissement de la collecte s’est confirmé en Irlande (-1% /2021), certes en comparaison d’une année 2021 exceptionnelle, durant laquelle les livraisons s’étaient envolées au premier trimestre (+12%) ; la croissance de la production laitière, continue ces dernières années, est donc temporairement interrompue, malgré un prix du lait à la production qui est de loin le plus élevé d’Europe (498 €/1 000 l en prix standard 37-33, 527 € en prix réel !), et un cheptel qui continue d’augmenter d’après Teagasc.

D’après les experts irlandais, la pousse « correcte » de l’herbe au premier trimestre n’est pas le principal facteur à ce léger repli, qui aurait les explications suivantes :

D’une part, les réformes ont fortement augmenté depuis le début de l’année (+19% /2021). Elles seraient stimulées par la hausse des cotations viande, la flambée des charges, mais aussi par la forte incertitude économique, qui altère les velléités d’agrandissement du troupeau. D’après les experts irlandais, l’inflation des charges et du coût de la vie induirait également parfois des besoins de trésorerie urgents.

Ensuite, les conditions météorologiques de l’an dernier auraient perturbé les inséminations artificielles, que les éleveurs irlandais essaient généralement de grouper en mai. Ce phénomène se traduirait par un décalage des lactations, et pourrait donc être compensé dans les prochains mois.

En outre, la flambée du coût de l’azote aurait conduit certains éleveurs à limiter les épandages, ce qui jugulerait la pousse de l’herbe. De même, même si l’élevage irlandais est peu dépendant des concentrés (en moyenne 1 tonne/vache/an), le prix de l’aliment acheté pousserait certains éleveurs à rationner leur distribution.

Enfin, certains éleveurs irlandais sont piégés dans des contrats de vente du lait à prix fixes. Comme ils ne se sont pas couverts sur leurs achats en parallèle, ils subissent la flambée des charges, sans revalorisation du prix de leur lait, et réduisent donc leur production. Il s’agit souvent de jeunes éleveurs nouvellement installés qui se sont engagés dans ce type de contrats parce que leur banque leur demandait une visibilité et des garanties. Ils ne représentent toutefois qu’une part très faible de la collecte (autour de 2 à 3% selon les experts).

Le prix du lait continue de s’envoler

En avril, d’après le MMO, le prix du lait moyen pondéré dans l’UE-27 a de nouveau progressé de +6% sur un mois, pour atteindre 460 €/t (+29% /2021), un nouveau record. Selon les premières estimations, il aurait poursuivi sa progression sur le même rythme en mai (+3% à 473 € /t). Cette envolée du prix est bien sûr liée à la flambée de la valorisation du lait transformé en beurre/poudre maigre qui s’est stabilisée à 608 €/1 000 l en mai sur le marché européen. Le prix du lait s’envole particulièrement dans les pays exportateurs de commodités. Il culmine à 462 €/t en Allemagne (+39% /2021), 469 €/t au Danemark (+26%), 485 €/t aux Pays-Bas (+35%) et 512 € /t en Irlande (+39%).

Le prix du lait espagnol a été aussi nettement revalorisé, passant de 372 € /t à 407 €/t en un mois (+25% /2021)

Lait de vache » France »

Débouchés : retour aux tendances préalables à la pandémie

En France, la flambée des cours des produits laitiers se répercute lentement sur les tarifs des fournisseurs et les prix au détail, qui progressent moins vite que dans les pays voisins. Heureusement, la revalorisation est plus nette sur les autres débouchés, en particulier sur les ingrédients vendus aux IAA ou exportés (+45% /2021). En avril, la hausse du prix du lait à la production n’avait pas encore été complètement répercutée sur les consommateurs, l’Indice de prix à la consommation des produits laitiers (IPC) n’ayant progressé que de +3% /2021.

Depuis le début de l’année, les exportations diminuent plus fortement que la collecte en équivalent lait.

Consommation en GMS : confirmation des tendances de fond

En France, les ventes de produits laitiers en GMS (avec hard discount) ont repris leur tendance structurelle préalable à la pandémie, dans toutes les catégories de produits. Ce retour à la normale des ventes au détail s’explique par la réouverture de la RHD (restauration hors domicile) qui absorbe à nouveau une part conséquente de la consommation. Depuis que les restaurants ont rouvert en mai 2021, la consommation à domicile a peu à peu retrouvé des niveaux proches de ceux enregistrés avant crise (72% de repas à domicile en 2021, 76% en 2020, 70% en 2019 d’après Kantar).

Le retour progressif à la normale ayant débuté il y a près d’un an, un bilan peut donc être réalisé sur un an glissant : on observe alors que dans chaque famille de produit, la courbe rejoint précisément le prolongement de la tendance préalable à la pandémie.

D’après IRI, sur 12 mois glissants, entre 2013 et 2022, les ventes en GMS ont décliné de -23% en valeur pour les laits conditionnés, de -14% pour les ultra-frais, de -5% pour le beurre, mais ont progressé de +8% pour la crème et les fromages.

Sur le lait liquide, d’après le bilan annuel Kantar sur les produits laitiers, le taux de pénétration est stable, mais la fréquence d’achat s’effrite. Ce sont surtout les laits demi-écrémés qui souffrent (-7% entre 2019 et 2022) ; en revanche, le lait entier, dont l’utilisation est souvent culinaire, progresse (+14%). Enfin, la tendance à la « séniorisation » de la consommation se poursuit.

Pour l’ultra-frais, le diagnostic est approximativement le même, le recul de la consommation émane d’une baisse de la fréquence des achats et donc de la quantité achetée par acheteur et non du taux de pénétration, qui reste stable. Dans cette catégorie de produit, seules les MDD économiques sont épargnées par cette dynamique baissière.

Au contraire, la croissance continue de la consommation de crème s’explique à la fois autant par une progression du taux de pénétration (+0,7 point, de 94,6 à 95,3%) que par celle de la quantité achetée par acheteur (qui est passée de 8,8 kg à 9,4 kg/ an). Cette croissance est surtout portée par la crème UHT.

Enfin, la consommation de fromages poursuit sa croissance chez les ménages français (+4% dans le rayon libre service entre les premiers quadrimestres de 2019 et 2022), en particulier chez les séniors, qui sont déjà la catégorie qui en consomme le plus.

D’après Kantar, cette sur-consommation des séniors représente un levier de croissance important, puisque la population va continuer de vieillir. Là aussi, ce sont les MDD économiques qui tirent leur épingle du jeu (+3 points de pénétration). Toujours d’après Kantar, la croissance est essentiellement liée au développement de l’usage culinaire du fromage, dynamique qui s’est poursuivie en 2021, les « offres cuisines » demeurant très nettement au-dessus de leur niveau de 2019.

hausse poussive des tarifs fournisseurs à la GMS

C’est logiquement auprès de l’industrie que les prix sortis usine se sont le plus appréciés (+45% /2021 en avril), en lien avec la flambée des cours des ingrédients laitiers. La valorisation des produits laitiers à destination de la RHD a aussi fortement progressé (+14% /2021), de même que la valorisation des produits d’export (+15%), qui seraient constitués pour moitié d’ingrédients laitiers, d’après nos estimations.

En revanche, l’indice PVI pour la GMS ne s’était apprécié que de +5% /2021 en avril. L’indice devrait continuer de croître dans les prochains mois. La hausse obtenue par les transformateurs lors des négociations commerciales aurait été lissée, et les négociations se sont rouvertes à la suite de l’invasion russe en Ukraine. Les industriels n’auraient réussi à faire passer des hausses que sur la matière première agricole, et non sur la matière première industrielle.

Ces revalorisations des prix sorties d’usine sont également très hétérogènes selon les produits : de +13% /2021 pour le beurre (dont la valorisation restait nettement supérieure au niveau de 2015), à +5% pour les fromages et les laits liquides, et seulement à +1,5% pour l’ultra-frais.

La hausse des prix n’a pas encore été complètement répercutée sur les consommateurs, puisque l’indice de prix à la consommation (IPC) des produits laitiers n’avait progressé que de +3% /2021 en avril. L’IPC du beurre a crû de +5%, celui des fromages de +4%, celui des ultra-frais de +3,5%, loin de l’inflation alimentaire observée dans le même temps en Allemagne, où les prix au détail ont bondi. D’après le panel Nielsen, relayé par AMI, le prix du lait demi écrémé (au détail) a crû de +9% en un an (à 0,88 € /l en avril), et le beurre de +25% /2021 (7,88 €/kg).

De même, aux Pays-Bas, en semaine 15 (mi-avril), la hausse du prix des fromages (au détail) était de +9% d’un an sur l’autre, celle sur les yaourts de +10% du beurre, et celui du beurre de +18% /2021 (et même de +27% en semaine 21, fin mai).

En France comme dans le reste de l’Europe, l’inflation alimentaire étant généralisée à toutes les catégories de produits, elle ne devrait pas trop affecter les volumes de produits laitiers consommés. En revanche, elle pourrait se traduire par une descente en gamme de la consommation de produits laitiers, les consommateurs arbitrant par exemple en faveur de MDD au détriment des marques nationales.

Diminution des exportations plus forte que la baisse de la collecte

En volume, au premier quadrimestre 2022, les exportations françaises de produits laitiers ont baissé de -5% /2021 (en équivalent lait ), et de -10% en volume total, alors que la collecte a diminué de -2% /2021. Les exportations de fromages (+2% /2021) et de beurre (+7%) ont progressé, au contraire des envois de lait en poudre (-15%) et des autres ingrédients secs (-8%).

Les exportations se sont établies à leur plus bas niveau depuis 2014 (hormis début 2020, au contexte évidemment particulier), en lien avec le manque de disponibilités laitières. Historiquement, le premier quadrimestre constitue pourtant la période de l’année où les exports sont les plus élevés.

Tendance de long terme : baisse des exportations de produits frais, hausse de celles de fromages

Entre le premier quadrimestre 2015 et celui de 2022, la quantité de lait destinée à la production de fromages pour l’export a augmenté de +4%, alors que le volume total de fromages exportés a très légèrement diminué (-1%), sous l’effet d’une évolution dans le mix-produit des fromages exportés. En effet, les exportations de fromages frais ont diminué de -6% /2015, tandis que celles de fromages affinés, plus riches en matière sèche, ont progressé. Les envois de produits frais ont diminué de moitié, en lien notamment avec la chute des exportations de lait liquide vrac vers l’Italie (-45% entre 2015 et 2021), pays qui s’approche de l’autosuffisance laitière depuis la fin des quotas. Sur la même période (2015/2021), l’Espagne a également divisé par 4 ses importations de lait liquide français, pour des raisons similaires de croissance de la production locale, même si le pays reste loin de l’autosuffisance.

La part des fromages dans les exportations s’est donc très nettement accrue, de +6 points entre les premiers quadrimestres 2015 et 2022. A noter que la part des laits en poudre diminue légèrement, au profit de celle des autres ingrédients secs (poudre de lactosérum, caséine…)

Bond en valeur, mais érosion de l’excédent commercial

Malgré ce tassement en volumes, les exportations ont bondi en valeur de +11% d’une année sur l’autre à +2,75 Mrds € au 1er quadrimestre 2022. Dans le même les temps, les importations ont davantage progressé en valeur (+35% à -1,75 Mrd €) sous l’effet d’une forte hausse des volumes importés de beurre (+16%) et d’ingrédients secs (+27%). L’excédent commercial de la France en produits laitiers s’est logiquement dégradé de -14% /2021, à +1 Mrd € au 1er quadrimestre. A l’exception des ingrédients secs, tous les produits laitiers subissent une érosion de leur solde commercial, celui du beurre étant le plus spectaculaire (-195 M€).

 

Lait de vache » Marché des produits laitiers »

Le marché du beurre reste tendu face à de moindres disponibilités

De Nouvelle-Zélande aux États-Unis, en passant par l’UE-27 et l’Australie, la collecte de lait baisse d’une année sur l’autre dans presque tous les bassins excédentaires. Malgré des prix du lait historiquement élevés et haussiers, les éleveurs ne se sentent pas en confiance pour investir dans les moyens de production face à des prix des intrants qui augmentent fortement. De plus, les conditions climatiques ne sont actuellement pas favorables non plus à la pousse de l’herbe dans l’hémisphère Nord, en premier lieu en Europe. L’Océanie rentre de son côté dans la période de creux saisonnier de production avec l’arrivée de l’hiver durant laquelle presque tous les troupeaux sont taris. Tout concorde donc pour une baisse des disponibilités chez les principaux pays exportateurs.

Moindres fabrications, mais hausse des exports dans l’UE

Dans l’UE, les fabrications de beurre décrochent chez les principaux pays producteurs d’une part face à des collectes laitières en repli, mais également au profit des fabrications de crème pour laquelle la demande européenne et internationale reste soutenue. Ainsi, dans l’UE-27 comme en Allemagne, les fabrications ont baissé de -4% sur la période de janvier à avril /2021 tandis que celles de crème augmentaient de +3% sur la même période.

La météo actuelle est source d’inquiétude pour la production. Les températures élevées sont peu compatibles avec la production de lait et de fourrages. De plus les fortes chaleurs, très précoces cette année, risquent d’accentuer la baisse saisonnière de la production laitière amorcée en juin, et ainsi accentuer la baisse des fabrications de beurre, traditionnellement faibles durant l’été.

Les exportations européennes de beurre ont repris sur janvier-mars /2021 par rapport au décrochage de l’an passé (+8% /2021), mais ne retrouvent pas pour autant les niveaux de 2020. Cette hausse est permise principalement grâce à des échanges de nouveau conséquents au 1er trimestre avec le Royaume-Uni (+84% /2021). De même, les échanges intra-européens remontent. En France, les exportations vers les pays tiers ont progressé de +21% sur la même période grâce à une hausse vers le Royaume-Uni (+30%), vers les États-Unis (+66%), vers l’Arabie Saoudite (+22%) ou encore la Corée du Sud (+63%). Ces marchés compenseront peut-être la moindre demande chinoise dans les mois à venir (-6% d’importations de beurre français sur les 3 premiers mois /2021).

Dans le même temps, les importations européennes de beurre et matière grasse anhydre ont baissé de près de -7% à 11 000 t toujours sur la période janv-mars /2021 avec des envois en repli depuis le Royaume Uni (-3%) et depuis la Nouvelle-Zélande (-12%).

La baisse des disponibilités combinée à la hausse des exports assèche le marché intérieur et conduit les prix à fortement augmenter. En France, le prix du beurre sur le marché spot est proche de 7 800 €/t en semaine selon la cotation 23 ATLA. Les échanges à ce prix sont néanmoins réduits, les opérateurs ayant fait des couvertures en amont. Dans ce contexte, le prix moyen des facturations est bien moindre : il reste pour le moment à 6 500 €/t en semaine 23.

Moindre présence de la Nouvelle-Zélande sur le marché international

En Nouvelle-Zélande, la collecte de lait se replie et est attendue en baisse de -4% sur la campagne 2021/22. Dans ce contexte, à moins d’un fort changement dans le mix produit, les fabrications de beurre devraient être ralenties. Pour 2022, l’USDA table néanmoins sur une hausse de +10 000 t / 2021 à 480 000 t (estimations de mai 2022) car les prix de la poudre maigre et du beurre sont attractifs face à des débouchés plus incertains en poudres grasses.

L’an dernier, la production de beurre a aussi été limitée par la forte demande de la Chine en crème. Face à un recul des exportations de crème UHT vers l’Empire du Milieu de janvier à avril (-2,5%  /2021), les fabrications seront peut-être modifiées cette année.

Les exportations de beurre vers la Chine ne semblent pas encore impactées par la gestion zéro covid-19. Après avoir progressé de janvier à avril (+5% /2021), elles auraient toutefois fortement baissé en mai. Par ailleurs, les exportations se replient vers l’Australie (-18% /2021), les Philippines (-22%) ou encore le Vietnam (-37%). Au global, les exportations néozélandaises ont légèrement reculé au 1erquadrimestre, de -1,3% /2021.

Les prix du beurre départ Océanie ont reculé en mai, à 5 860 €/t (-7% /avril mais +40% /2021), mais ont rebondi début juin, de +5,6% à 6 068 $/t ( 5 770 €/t) lors de l’enchère du Global Dairy Trade de mardi 7 juin face à un retour de la demande. Si un retour de la Chine parait anticipé, il pourrait provenir d’autres pays d’Asie.

Fort recul des stocks aux États-Unis

Au mois d’avril, la collecte de lait aux États-Unis ressort en repli de -1 % par rapport 2021. Ce chiffre a surpris les opérateurs qui s’attendaient à une stabilité. Si les transformateurs de fromages ne manquent pas de lait pour répondre à la demande intérieure dynamique, en revanche les fabricants de poudre maigre et de beurre ont ralenti leurs activités. Dans ce contexte, la production de beurre au mois d’avril a chuté de -1% par rapport au même mois en 2021 et de -4% en cumul sur les quatre premiers mois tandis que les volumes décroissent aussi de façon saisonnière.

Malgré la baisse des fabrications de beurre (-15 000 t au 1er quadrimestre), les exportations, certes faibles, ont bondi de +9 000 t (soit +50% /2021), surtout vers le Mexique et le Canada. Les importations n’ont augmenté que de +2 000 t (en provenance d’Irlande, de Nouvelle-Zélande, d’Inde et de France). Dans le même temps, la consommation intérieure a reculé de -24 000 t, soit -4% /2021. Malgré ce tassement, les stocks ont sensiblement fondu, de -41 000 t (-23% /2021), à 136 000 000 t fin avril. Cela n’empêche pas les acheteurs de s’interroger sur les disponibilités et de renforcer leurs couvertures pour les mois à venir. Les prix ont fortement augmenté depuis la mi-mai et se rapprochent des 3 $/pound (environ 6,36 €/kg), un prix au plus haut depuis 2015.

Plus forte présence aux exports de l’Inde

Le premier pays producteur mondial de beurre est l’Inde. Selon l’USDA pour 2022, la production indienne est attendue en hausse de +3%/2021 à 6,5 Mt (pour une production mondiale de 11,56 Mt estimée en 2022). Selon le CLAL, les exports auraient fortement augmenté sur la période janvier-mars /2021, principalement vers le Moyen Orient (x5,5 à 19 000 t soit un volume déjà proche du volume annuel de 2021). Toutefois, les exportations demeurent modiques par rapport à la consommation locale.

Du côté de la demande :

La poursuite de la hausse des prix, à l’image du rebond lors de la dernière enchère sur la plateforme Global Dairy Trade se fera en fonction de la demande mondiale. Plusieurs questions viennent alors : l’inflation limitera-t-elle la demande tant mondiale qu’intérieure ? Les acheteurs ont-ils suffisamment couvert leurs besoins par des contrats ?

Pour commencer par le premier d’entre eux : la Chine. Si la Nouvelle-Zélande semble avoir maintenu le rythme de ses expéditions beurre vers l’empire du Milieu de janvier à avril (+5% /2021), les exportateurs se montreront prudents avant de renvoyer des containers frigorifiques de beurre congelé dans un contexte de logistique perturbée. Néanmoins, la consommation devrait reprendre sans nouveau confinement. Le trou d’air pourrait s’estomper à partir du mois de septembre, en même temps que le pic laitier de la production. Toutefois, dans l’intervalle, d’autres pays d’Asie pourraient revenir aux achats : les Philippines, la Malaisie, ou encore le Vietnam ont moins importés depuis le début d’année.

Les importations russes de beurre diminuent de manière évidente depuis les sanctions imposées par les pays de l’Alliance. La Biélorussie continue d’approvisionner son principal client (75 500 t en 2021), mais la Nouvelle-Zélande, deuxième fournisseur, a stoppé ses expéditions (18 000 t en 2021).

Dans le même temps, le Canada et le Mexique reviennent fortement aux achats. La hausse de 50% des importations de beurre sur 4 mois pourrait découler de la mise à jour des quotas d’importation en février dernier. En effet, le Canada a dû revoir la manière dont les quotas étaient distribués afin d’être davantage accessibles à d’autres opérateurs que les transformateurs canadiens.

En conclusion, face à des disponibilités réduites dans l’UE-27, les cours du beurre devraient demeurer élevés. La hausse des prix au détail pourrait conduire à une baisse de la demande en beurre plaquette dans certains pays.