Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 345 Décembre 2022 Mise en ligne le 19/12/2022

Lait de vache

Des signaux contrastés

En France, la reprise de la production laitière semble de courte durée. Le prix du lait remonte certes plus vite que le prix des charges, mais nettement moins vite qu’en Europe du Nord où la production est bien relancée. A l’inverse, la collecte de lait bio s’est redressée cet automne, grâce à une arrière-saison fourragère plutôt favorable, mais dans un contexte de poursuite de la déconsommation des produits laitiers bio, ce qui accentue la part de lait bio déclassé.

Les prix du lait payé aux éleveurs chez les principaux pays exportateurs ont atteint des records au-delà des 600 €/1 000 l en 2022. Après un bref plafonnement cet hiver ils risquent de baisser en 2023 dans le sillage des cours des ingrédients laitiers. En France, pourrait encore s’apprécier cet hiver si les transformateurs arrivent à passer des hausses de tarifs substantielles aux distributeurs.

Lait de vache » Collecte laitière »

La reprise de la collecte semble de courte durée

En novembre, la collecte française est restée supérieure au volume de 2021, mais la hausse amorcée en septembre semble s’essouffler. Le prix du lait continue de monter et la marge MILC s’améliore.

La reprise de la collecte parait stoppée depuis mi-novembre

En novembre, la collecte laitière française poursuit sa reprise débutée mi-septembre : +1,3% /2021. Toutefois, celle-ci semble de courte durée. Depuis la mi-novembre, elle semble marquer le pas d’après les enquêtes hebdomadaires de France Agrimer. La bonne situation fourragère de l’automne et les compléments distribués ont permis un redressement de la collecte. Mais il faut se rappeler que l’année dernière à cette période la collecte avait fortement baissé.

Nous sommes dans un contexte de repli du cheptel laitier qui s’est accéléré ces derniers mois. Au 1er novembre 2022, les effectifs de vaches laitières ont de nouveau reculé de -2,4% /2021. Le cheptel poursuit un recul très fort qui est à peine compensé par la hausse des rendements.

Le prix du lait poursuit sa hausse

En octobre 2022, le prix du lait standard 38-32 toutes qualités a atteint 467 €/1 000 l (moyenne nationale). Il devrait augmenter de quelques euros sur novembre. Et les prix devraient être reconduits sur la fin d’année et début 2023 selon les dires des laiteries. Le prix français reste bien en deçà des prix des pays d’Europe du Nord davantage connectés aux marchés des ingrédients.

La marge MILC continue sa progression pour atteindre 152 €/1 000 l en octobre 2022. Elle s’améliore de +12 € d’un mois sur l’autre grâce à une belle progression du produit lait, impactée par des charges en légère hausse. Sur un an, la MILC est en hausse de + 49 €/1 000 l. La hausse du produit lait (+94 € sur 1 an) et celle des autres produits (+22 €) compensent largement l’augmentation des charges (+66 €, pour rappel toutes les charges ne sont pas prises en compte dans le calcul de la MILC) et permet une nette amélioration de la MILC.

Lait de vache » Consommation »

Lait bio : La déconsommation se poursuit face à une reprise de la production

En octobre, la consommation de produits laitiers bio poursuit son recul, ce qui devient une préoccupation très forte pour la filière. Avec les bonnes conditions fourragères de l’automne, la collecte se redresse nettement en octobre. Et les fabrications sont toujours en nette baisse.

La consommation de produits laitiers bio continue à décrocher

Les achats des ménages de produits laitiers biologiques dans les circuits de distribution poursuivent un fort recul. Selon Iri, en octobre 2022, les ventes en volume se sont repliées de -10% /2021 pour le lait liquide et les ultra-frais quand la baisse est plus sévère pour la crème (-16%) ou les fromages en libre-service (-18%). Les ventes de beurre bio ont moins reculé sur les deux dernières périodes (-2%). En cumul sur les 11 périodes 2022, le décrochage des ventes est conséquent : -9% pour le lait liquide, -11% pour le beurre et l’ultra frais, -16% pour les fromages et -17% pour les crèmes.
Ces baisses s’inscrivent dans un recul généralisé des ventes de l’ensemble des produits laitiers, toutefois le recul est plus marqué pour les produits bio. En effet, les ventes ont reflué de -2 à -8% pour les produits laitiers non bio. Le lait liquide est le produit laitier bio qui connaît le retrait le moins fort. C’est le produit laitier le moins cher et pour lequel les habitudes de consommation en bio sont bien ancrées, avec une part de marché de 12%. A noter que la part de marché en bio se contracte pour l’ensemble des produits laitiers.

La forte inflation alimentaire impacte les achats des consommateurs qui adoptent deux stratégies selon une étude Kantar : acheter moins cher et acheter moins. Les achats alimentaires des ménages ont reculé de -3,3% au cours des 9 premiers mois de 2022 comparé à la même période de 2021. Les prix des produits laitiers subissent une forte inflation qui semble cependant relativement moins forte en bio : sur un an les prix ont augmenté de +2 à +5% quand ils ont progressé du double (+5 à +9%) pour les produits non bio. Par contre, les évolutions de prix en valeur absolue amènent à une conclusion inverse. Pour tous les produits laitiers bio, excepté le beurre, la hausse en euros des prix bio au détail est finalement plus importante qu’en non bio. Ces hausses de prix deviennent rédhibitoires pour certains consommateurs. Le prix a toujours été le principal frein à l’achat des produits bio et particulièrement en période de forte inflation.

Les ventes de produits bio ont reculé de -4,5% dans toutes les surfaces alimentaires, mais évoluent diversement selon les circuits : elles progressent dans les enseignes SDMP (ex hard discount) de +5,7% sur les produits bio selon Nielsen en cumul jusqu’à mi-octobre. A contrario, elles s’effondrent (-16%) dans les magasins spécialisés bio, avec pour conséquence des fermetures de magasins. Ce recul important de marché dans les enseignes spécialisés interpelle quand on sait que les clients de ces magasins sont des convaincus de l’AB. En GMS, la moindre rotation des produits bio en magasin les incite à réduire leurs références et leurs linéaires bio et a favorisé d’autres produits plus sollicités. C’est la loi du commerce, mais c’est un cercle non vertueux pour les produits bio : moins d’offre proposée réduit la consommation.

En Allemagne, la consommation de produits laitiers bio décroche aussi depuis. Les ménages réorientent leurs achats de produits laitiers bio vers les produits à base de lait de pâturage.

Rebond de la collecte en octobre

La collecte française de lait bio s’est nettement redressée en octobre 2022, +6% /2021, favorisée par une situation fourragère correcte. Après des mois d’août et septembre en repli, la collecte devrait se maintenir fin 2022. Sur l’année entière, la collecte se situera légèrement au-dessus de l’année dernière (+2 à +3%).

En octobre 2022, 4 200 éleveurs ont livré du lait bio soit 9,4% des livreurs français. Avec le très faible nombre de conversions, le nombre de livreurs de lait bio stagne ces derniers mois.
Le prix du lait de base du lait biologique s’est établi à 496 €/1 000 l en octobre, en progression de 2,7% /2021. Le prix du lait s’est redressé depuis juillet après avoir été inférieur au 1er semestre à son niveau de 2021. Sur les 10 mois 2022, le prix du lait bio est stable par rapport à l’an passé alors que celui du lait conventionnel s’est apprécié de plus de +70 €/1 000 l.

Des fabrications de produits bio toujours en recul

Les fabrications ont continué de baisser au mois d’octobre de façon plus ou moins importante selon les produits. Sur un an, le recul des fabrications est très prononcé en crème (-25% /2021), en beurre (-19%), en poudres conditionnées (-18%).

Face à une reprise de la collecte, le taux de transformation du lait bio en produits finis bio recule. Les utilisations pour les autres fabrications (notamment ingrédients secs, poudre vrac) et le lait biologique déclassé ont progressé. Ces autres utilisations représentent 46% de la MSU (Matière sèche utile) sur les 10 premiers mois 2022, contre 37% en 2021. Ces autres utilisations avaient particulièrement augmenté d’avril à juillet puis avaient baissé en août et septembre avec le recul de la collecte. Elles ont réaugmenté de nouveau en octobre 2022. Le lait bio déclassé a pu être valorisé sur un marché conventionnel rémunérateur.

Lait de vache » Marché des produits laitiers »

Les prix du lait ont-ils atteint un sommet ?

Les prix du lait payé aux éleveurs chez les principaux pays exportateurs ont atteint des records au-delà des 600 €/1 000 l en 2022. Après un bref plafonnement cet hiver ils risquent de baisser en 2023 dans le sillage des cours des ingrédients laitiers.

Fléchissement des cours des ingrédients laitiers

Les cours européens et néozélandais de la poudre maigre ont enregistré une baisse de plus de 400 €/t depuis un mois, pour atteindre 3 165 €/t dans l’UE-27 en novembre.

Cette baisse s’explique principalement par la chute de la demande sur le marché international principalement marqué par le recul des importations chinoises sur dix mois de -25% /2021.

L’évolution des importations des dix principaux pays importateurs est variable. En effet, si l’Indonésie, les Philippines et le Mexique achètent davantage de poudre maigre que les années précédentes, les autres importateurs sont moins présents. En cumul pour ces dix pays, les importations de 2022 sont inférieures de -2% /2021, soit -17 000 t.


Dans l’UE-27, les fabrications ont fortement augmenté depuis l’été. Les importations ont légèrement augmenté (+5% à 25 000 t) principalement dues à des exportations ukrainiennes multipliées par 7 à 8 280 t sur janvier-septembre. Dans le même temps, les exportations cumulées sur 9 mois ont chuté de -15% /2021 (-95 000 t), à 528 000 t, dont près de la moitié à destination de la Chine (-44 000 t). Dans ce contexte, l’utilisation apparente (courbe rouge ci-dessous), c’est-à-dire les disponibilités (fabrications + importations – exportations), est bien supérieure cette année à celle des deux années précédentes.

La consommation dans l’UE-27 n’étant pas attendue particulièrement en hausse cette année, les transformateurs disposent de stocks plus étoffés.

En Nouvelle-Zélande, les fabrications sont elles aussi attendues en hausse. Malgré un début d’année difficile, les exportations de poudre maigre se redressent en fin d’année 2022. En cumul de janvier à octobre, elles ont progressé +4,4 % /2021, principalement vers l’Indonésie, la Thaïlande et la Malaisie.

Aux États-Unis, les fabrications ont en revanche nettement reculé sur la même période (-91 000 t, soit -9% /2021) tout comme les exports (-7,5% soit -56 000 t). Comme la consommation intérieure de poudre maigre a davantage baissé (-63 000 t, soit -20%), les stocks se sont aussi étoffés (+12 000 t, soit +12%).

Les prix du beurre ont également chuté de près de 400 €/t sur le marché européen pour s’afficher autour des 6 600 €/t pour le mois de novembre selon le MMO. Toutefois, les prix FOB départ Europe de l’Ouest ont baissé plus fortement pour atteindre les 5 400 €/t. Si les importations ont fortement augmenté en provenance du Royaume-Uni et de la Nouvelle-Zélande (+18 000 t à 55 000 t en cumul sur janvier-septembre), les exportations se sont maintenues à près de 200 000 t. Par ailleurs, la consommation intérieure, notamment celles des industries agro-alimentaires européenne, est dynamique. Aussi l’utilisation apparente du beurre est globalement similaire aux années précédentes.

Dans ce contexte de baisse des prix tant sur le beurre que sur la poudre maigre, les acheteurs se montrent très prudents et limitent leurs commandes pour le moment, ce qui accentue le déséquilibre entre offre et demande et accélère à court terme le repli des cours des ingrédients.

Baisse de la valorisation du lait transformé en beurre/poudre maigre

Les prix des ingrédients ayant baissé, le prix du lait valorisé en beurre/poudre maigre baisse également tant sur le marché mondial que sur le marché européen.

En France, le prix du lait départ ferme conserve encore une légère marge de progression, pour que peu que les transformateurs obtiennent de nouvelles hausses de leurs tarifs de leurs produits auprès de la grande distribution.

En Europe du Nord, les prix du lait à la production, très fortement reliés aux prix des ingrédients, ont davantage progressé qu’en France. Le prix du lait conventionnel standard en Allemagne a atteint les 580 €/1 000 l en octobre contre 450 €/1 000 l en France. Pour le moment, selon ZuivelNL, la plupart des transformateurs ont annoncé une stabilité des prix voire de nouvelle augmentation pour novembre et décembre 2022. Néanmoins, il y a fort à parier qu’ils inverseront la tendance et les corrigeront à la baisse en début d’année 2023.

Les éleveurs nord-européens anticipent cette baisse prochaine des prix du lait : ils auraient augmenté la distribution de concentrés dans l’alimentation des vaches afin de tirer parti des prix élevés. Ainsi la collecte laitière est redevenue dynamique en Allemagne (+1,9% /2021 en octobre), en Belgique (+7%) ou en Irlande (+7,5%).