Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 339 Mai 2022 Mise en ligne le 23/05/2022

Viandes bovines

L’offre insuffisante soutient les cours et limite la consommation

Le marché européen manque d’animaux maigres et finis. L’insuffisance de l’offre par rapport à la demande soutient les prix à des niveaux très élevés.

Les opérateurs craignent d’avoir plus de difficultés à faire passer des hausses sur les prix à la consommation, alors que l’inflation pèse sur les achats des ménages.

Mais les cours des bovins ne sont pas suffisants pour couvrir la flambée des charges qui s’est accélérée depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Les exportateurs de vif peinent à répondre à la demande des engraisseurs faute de disponibilités suffisantes. Les exportations de veaux laitiers vers l’Espagne se sont contractées ces dernières semaines.

Viandes bovines » Gros bovins » France »

Flambée des charges, prix toujours en hausse

Conséquence de la guerre en Ukraine, les prix des intrants continuent de flamber. Les prix des bovins finis progressent eux aussi, mais la hausse reste parfois insuffisante pour couvrir celle des charges. L’offre de gros bovins finis enregistre un recul marqué d’autant que les poids de carcasse sont en baisse. Seuls les abattages de femelles allaitantes restent relativement dynamiques, venant accélérer la décapitalisation. Actuellement, les acheteurs prennent tout le disponible, y compris des bovins destinés normalement à un engraissement plus poussé.

Des charges en très forte hausse

L’invasion de l’Ukraine par l’armée russe depuis fin février a engendré une envolée des prix de tous les intrants. En mars 2022, l’IPAMPA viande bovine (indice des prix d’achat des moyens de production agricoles) a atteint un nouveau record à 133,1 points (+22% /2021 et +28% /2020). L’indice des aliments achetés était supérieur de +19% /2021 et +30% /2020, celui des énergies et lubrifiants de +81% /2021 et +110% /2020.

A noter qu’une grande partie des engraisseurs de jeunes bovins devraient pouvoir prétendre à l’aide à l’alimentation animale prévue dans le plan de résilience. Cette aide, qui atteindra 489 M€ et qui est en cours de validation par l’Union européenne, doit compenser une partie de la flambée des prix de l’alimentation animale. Elle est accessible aux élevages présentant un taux de dépendance (coût de l’aliment rapporté aux charges totales) d’au moins 10%, et une facture d’aliment d’au moins 3 000 € entre le 16 mars 2021 et le 15 juillet 2021. Le montant de l’aide varie selon le taux de dépendance. Les demandes seront à formuler à partir de fin mai sur le site de FranceAgriMer où une plate-forme dédiée sera ouverte pendant trois semaines. Pour la très grande majorité des éleveurs bovins, elle n’excédera pas le forfait de 1000 € (pour un taux de dépendance de 10 à 30%), cette aide ayant été conçue à l’origine pour les secteurs d’élevage monogastrique, les plus dépendants à l’alimentation achetée.

L’offre restreinte en JB continue de doper les prix

Après un pic en mars-avril consécutif aux rétentions de début d’année, les sorties de jeunes bovins sont revenues à des niveaux inférieurs à ceux des années précédentes. Sur les semaines 15 à 19, les abattages de JB de type viande étaient en baisse de -4% /2021 et ceux de JB de type lait en chute de -12% d’après l’indicateur hebdomadaire de Normabev. Le coût très élevé de l’alimentation animale a conduit par ailleurs à une réduction des poids de carcasse, de -1,3% /2021 pour les JB de type viande comme pour les JB de type lait. Cette relative pénurie exacerbe la concurrence entre acheteurs et les pousse à concéder des hausses de prix… et à urger les sorties, faisant baisser les poids.

Le marché européen est en manque de viande, en particulier le marché allemand où les cotations sont encore bien plus élevées qu’en France. Ceci dope la demande adressée aux exportateurs français et participe aussi à la progression des cours. En 4 semaines, les cotations françaises des JB ont gagné entre 12 et 28 centimes selon la conformation. Celle du JB U a atteint 5,26 €/kg de carcasse en semaine 19 (+32% /2021 et +37% /2020). Elle reste devancée largement par la cotation allemande à 5,51€ ! Le JB R français cotait 5,13 €/kg en semaine 19 (+35% /2021 et +40% /2020) et le JB O 4,87 €/kg (+45% /2021 et +52% /2020).

Les vaches laitières, très demandées et peu nombreuses, affichent les plus fortes hausses de prix

La hausse continue du prix du lait, alors que les vaches sont au pâturage et qu’il n’est pas question de distribuer de l’aliment à prix d’or, pousse les éleveurs laitiers à ralentir les réformes. Sur les semaines 15 à 19, les abattages de vaches laitières étaient en baisse de -11% /2021 d’après l’indicateur hebdomadaire de Normabev. A cette baisse s’ajoute celle des poids de carcasse (-1,4% /2021 en moyenne), en raison du coût élevé de l’aliment et d’une demande tellement forte qu’elle presse les sorties avant une finition optimale. Face à cette offre restreinte, la demande pour la viande hachée reste forte, ce qui tire les prix des réformes laitières à la hausse. La cotation de la vache O a gagné 28 centimes sur les 4 dernières semaines pour bondir à 4,88 €/kg de carcasse en semaine 19 (+50% /2021 et +63% /2020). Celle de la vache P a gagné 30 centimes à 4,79 €/kg (+59% /2021 et +73% /2020).

Les prix des vaches allaitantes également en hausse

La cotation de la vache U a gagné 14 centimes sur les 4 dernières semaines pour atteindre 5,48 €/kg de carcasse (+16% /2021 et +25% /2020), dépassant même son pic de Pâques. Celle de la vache R a gagné 16 centimes à 5,18 €/kg (+26% /2021 et +39% /2020).

Le cheptel allaitant poursuit son recul et le dynamisme actuel des abattages fait craindre une nouvelle accélération de la décapitalisation. Au 1er avril, le cheptel de vaches allaitantes était en baisse de -2,9% /2021. Les abattages de vaches de type viande sur les semaines 15 à 19 étaient en hausse de +1% /2021, et ceux de génisses étaient stables. Comme pour les vaches laitières, le poids moyen des vaches de type viande était en baisse (-0,7% /2021) mais celui des génisses étaient en légère hausse (+0,4%).

Les prix des muscles importés restent très élevés

Les prix élevés sur le marché européen, alors que le secteur de la restauration en France a repris quelques couleurs, ont conduit à une forte hausse du prix des muscles origine UE sur le marché de Rungis. Après avoir atteint des sommets pour la saison, les prix se détendent toutefois quelque peu.

Le 13 mai, la bavette d’aloyau semi-parée origine UE était à 9,75 €/kg (+35% /2021 et +54% /2020), le faux filet à 10,80 €/kg (+26% /2021 et +52% /2020), l’entrecôte à 14,75 €/kg (+25% /2021 et +74% /2020) et le filet à 22,75 €/kg (+79% /2021 et +121% /2020). Notons toutefois qu’en 2020, les pièces nobles importées avaient vu leur prix chuter en raison du confinement et de la fermeture stricte de la restauration. Les prix étaient repartis à la hausse selon les pièces entre mi-mai et mi-juin.

Viandes bovines » Gros bovins » France »

Inflation alimentaire en hausse, consommation par bilan en baisse, faute d’offre

En avril, l’inflation a continué de progresser, notamment pour l’alimentation. Si les volumes achetés reculent, les ventes de viande hachée restent dynamiques. L’activité de la RHD en France dépasse son niveau d’avant pandémie, à l’exception du secteur de la restauration collective. La consommation par bilan a reculé début 2022 en lien avec la pénurie d’offre.

La hausse de l’inflation alimentaire se poursuit

En avril 2022, l’indice général des prix à la consommation harmonisé de l’INSEE affichait une hausse de +5,4% sur un an après le +5,1% de mars. Toutes les catégories sont affectées, mais surtout l’énergie (+27% /avril 2021). L’inflation alimentaire reste bien inférieure à ce qu’elle est ailleurs dans les autres pays de l’UE (+4,2% contre près de 6% en Allemagne, en Italie ou aux Pays-Bas par exemple). Elle atteint même +9% en Pologne ou +10% aux États-Unis d’après l’OCDE. En France, l’accélération de la progression des dépenses alimentaires est désormais marquée, notamment pour les viandes de bœuf et de veau (+6,5% en avril contre +4,8% en mars).

Même constat pour les ventes au détail. D’après IRi, en avril 2022, l’inflation sur un mois dans les rayons « alimentaire » et « petit bazar » était de +1,1% /mars 2022, contre +0,6% le mois précédent. Les rayons d’épicerie sont les plus affectés. L’inflation sur un an a atteint +2,9% /avril 2021 contre +1,5% en mars.

L’inflation annuelle des produits de grande consommation et frais libre-service (PGC-FLS) a atteint +2,9% /avril 2021. Parmi les 10 catégories (pâtes alimentaires, farines, huiles…) les plus touchées par l’inflation figurent en 2ème position les viandes hachées surgelées (+11,3%) et en 8ème position les viandes hachées du rayon frais (+7,9%).

Avec une inflation en hausse, les ventes au détail en valeur résistent

Avec des prix au détail en hausse, les ventes de viandes hachées en valeur restent bien supérieures aux niveaux d’avant pandémie. En cumul sur les 17 premières semaines de 2022, les ventes de haché frais (-4% /2021 et -2% /2020, mais +15% /2019) comme de haché surgelé (-4% /2021 et -10% /2020 mais +18% /2019) restaient soutenues.

D’après IRi, depuis le début de l’année les ventes des produits de grande consommation et frais libre-service (PGC-FLS) sont plus importantes qu’avant la pandémie même si l’inflation participe à cette hausse de chiffre d’affaires. Sur 18 semaines, elles étaient cependant en retrait par rapport à l’année dernière (-1,5% /2021).

Le chiffre d’affaires de la RHD porté par la restauration rapide, la restauration collective à la peine

En France, le chiffre d’affaires global de la RHD a enfin dépassé son niveau d’avant pandémie en février 2022 (+130% /2021 et +4% /2020). Le secteur de la restauration rapide est resté particulièrement dynamique (+49% /2021 et +12% /2020). Au contraire, la restauration collective, affectée notamment par la pérennisation du télétravail, était en repli /2020  (+10% /2021, mais -20% /2020).

Le redressement observé en France n’est pas partagé par tous les États membres. Au niveau européen, le chiffre d’affaires global de la RHD au sein de l’UE à 27 restait inférieur à l’avant pandémie en février 2022 (+97% /2021, mais -22% /2020). C’était notamment le cas en Espagne (+98% /2021, mais -11% /2020) ou en Allemagne (+95% /2021, mais -22% /2020).

Progression du commerce extérieur en février

Après plusieurs mois sans publication de données pour cause de révisions des modes de collecte, les Douanes françaises reprennent progressivement le rythme de leur publication. En février 2022 :

  • les exportations de viande bovine ont atteint 18 600 téc, niveau supérieur aux deux années précédentes (+11% /2021 et +5% /2020),
  • les importations ont dépassé les 27 300 téc, niveau intermédiaire entre les deux années précédentes (+40% /2021 mais -3% /2020).

En cumul sur deux mois, le commerce extérieur français (importations et exportations) s’est rapproché du niveau d’avant pandémie. Parmi les 51 300 téc importées (+27% /2021 ; -8% /2020), 12 900 téc provenait des Pays-Bas (+38% /2021) et 8 300 téc d’Irlande (+12%). A noter la forte progression de fournisseurs secondaires comme les pays tiers et notamment le Royaume-Uni. Pour cette dernière origine, il s’agit notamment d’un effet indirect du Brexit : certains opérateurs européens préfèrent désormais dédouaner leurs importations en France avant de les faire transiter jusque dans leurs entreprises ou chez leurs clients. En parallèle, les exportations ont atteint 37 000 téc (+12% /2021 ; -2% /2020) avec une progression marquée vers les Pays-Bas (x3,6 /2021 à 6 000 téc). Le dédouanement en France des viandes britanniques participe sans aucun doute à cet essor.

Consommation par bilan en retrait depuis le début de l’année

En février 2022, la consommation calculée par bilan était à nouveau inférieure aux deux années précédentes à 120 500 téc (-3% /2021 et 2020), principalement du fait d’une offre nettement en baisse (les abattages de bovins étaient en retrait de -7,7% sur les deux premiers mois). En cumul depuis le début de l’année, elle atteint 238 700 téc (-4% /2021 et -2% /2020).

La proportion d’import dans les disponibilités totales atteignait 23% en février 2022, niveau équivalent à l’avant pandémie et proche des niveaux observés depuis la levée des restrictions.

Attention toutefois, les effets des éventuelles variations de stocks, importantes à certaines périodes, ne sont pas intégrés dans cette estimation et la lecture mensuelle ne doit pas être sur-interprétée !

Viandes bovines » Jeunes bovins » Europe »

Des cours et des coûts très élevés

Les cours des JB restent très élevés partout en Europe. Ils augmentent encore dans la plupart des État membres, mais se sont toutefois réajustés de quelques centimes en Allemagne.

ALLEMAGNE : surplus momentané de sorties

En Allemagne, les rétentions en élevage pendant la phase de croissance très rapide des prix ont donné lieu à un afflux de JB fin mars et début avril, d’autant que la flambée du prix de l’aliment réduisait l’incitation à rajouter des kg. Ainsi, alors qu’ils étaient en baisse de -10% /2021 en moyenne sur les 10 premières semaines de l’année, les abattages de jeunes bovins sur les semaines 11 à 14 ont dépassé de +5% leur niveau de 2021. Puis ils sont revenus à un niveau relativement faible (-14% /2021 et -5% /2020 sur les semaines 15 à 18).

Les prix ont subi le contre-coup de ce décalage d’abattage, se réajustant à la baisse après la croissance vertigineuse de mars. Ils restent toutefois à des niveaux bien plus élevés qu’en France. Le JB U cotait 5,51 €/kg de carcasse en semaine 18 (+43% /2021 et +60% /2020), le JB R 5,45 €/kg (+43% /2021 et +61% /2020) et le JB O 5,25 €/kg (+45% /2021 et +67%/2020).

ITALIE : prix stationnaires à de très haut niveaux

En Italie, l’offre et la demande sont bien équilibrées, ce qui permet de maintenir les prix à un haut niveau. Comme chaque année, l’arrivée des chaleurs estivales limite les achats des consommateurs. Mais cette année, les faibles volumes de viande sur le marché permettent un maintien des prix au lieu de la baisse saisonnière habituelle. La cotation du JB mâle charolais à la bourse de Padoue s’est stabilisée à 3,21 €/kg vif (+29% /2021 et +21% /2020). Celle du mâle limousin à Modène s’est stabilisée à 3,38 €/kg vif entre les semaines 15 et 19 (+23% /2021 et +22% /2020).

Les cotations des femelles sont également stationnaires depuis plusieurs semaines. A la bourse de Modène, la femelle charolaise cotait 3,26 €/kg vif début mai (+21% /2021 et +26% /2020) et la femelle limousine 3,45 €/kg (+18% /2021 et +20% /2020).

Toutefois, la guerre en Ukraine inquiète le secteur. Même si les céréales importées sont plutôt destinées à l’alimentation des monogastriques, les craintes d’une spirale inflationniste sont largement partagées.

L’inflation est regardée de près par les distributeurs qui craignent une modification de la composition du panier des ménages. Elle était toutefois en baisse en avril par rapport à mars selon Istat (+6,0% /2021 contre +6,7% en mars) grâce à une moindre hausse des prix de l’énergie (+42% en avril contre +51% en mars).

D’après une récente enquête auprès de 3 000 familles italiennes conduite par l’ISMEA et Nielsen, seul 1% des familles cite les produits alimentaires parmi les 3 catégories de produits sur lesquels elles pourraient s’imposer des restrictions en cas de baisse de pouvoir d’achat. Les voyages arrivent en tête, cités par 23% des familles, les sorties au restaurant arrivent en 2ème position (21%) suivies des vêtements et chaussures (15%) et du matériel électronique (13%).

POLOGNE : hausse des cours

En Pologne, le JB R cotait 5,16 €/kg de carcasse en semaine 18 (+56% /2020 et +96% /2020) et le JB O 4,93 €/kg (+56% /2021 et +92% /2020).

La pénurie de jeunes bovins sur le marché européen et la forte demande de la restauration avec la sortie de la crise Covid stimulent la demande pour la viande polonaise. La production polonaise est par ailleurs relativement limitée. Les tonnages de jeunes bovins abattus sur les deux premiers mois de l’année ont égalé leur niveau de l’an dernier à 47 600 téc.

D’après les experts polonais, la production nationale de viande bovine pourrait être stable en 2022 par rapport à 2021, à 556 000 téc.

La Pologne exporte 85% de sa production de viande bovine. La demande alimentaire interne pourrait croître en 2022 en raison du grand nombre de réfugiés ukrainiens accueillis dans le pays (2,6 millions d’Ukrainiens sont entrés en Pologne entre le 24 février et le 11 avril d’après le HCR, représentant une hausse de 7% de la population nationale, elle-même estimée à 37,8 millions au 1er janvier). Une hausse de la consommation nationale diminuerait le disponible exportable, même si le bœuf reste loin d’être la viande préférée des Polonais et des Ukrainiens.

ESPAGNE : l’inflation inquiète

En Espagne, la hausse du prix de l’alimentation du bétail inquiète. L’Espagne est en effet très dépendante de l’importation pour la fabrication d’aliments et les systèmes d’engraissement de bovins sont basés principalement sur des rations sèches.

Mais ce qui semble préoccuper encore plus la filière espagnole ce sont les difficultés à pouvoir passer des hausses sur les prix à la consommation. En effet, le pouvoir d’achat des Espagnols est confronté à une très forte inflation des dépenses contraintes et notamment de l’énergie. Même si elle a ralenti en avril après de le pic de mars (+8,3% en avril contre +9,6% le mois précédent), l’inflation reste forte. Les familles espagnoles se tournent donc vers les viandes les moins chères, le porc ou la viande hachée de bœuf. Les industriels espèrent que le retour du tourisme permettra de mieux valoriser les pièces nobles.

Le Ramadan est à présent terminé depuis le 2 mai et la demande des pays méditerranéens est moins présente. Heureusement le marché européen reste très en demande de viande de jeune bovin.

Les prix entrée abattoir sont restés stationnaires ces dernières semaines, à des niveaux élevés. Le JB U espagnol cotait 5,06 en semaine 18 (+30% /2021 et +39% /2020). Le JB R cotait 4,98 €/kg (+32% /2021 et +41%/2020).

Viandes bovines » Femelles » Europe »

Les cotations à haut niveau

Les cotations des femelles restent soutenues à des niveaux jamais atteints. L’offre en vaches de réforme est toujours limitée en Europe continentale alors que les abattages redeviennent plus importants en Irlande. La hausse des prix des intrants pèse toujours sur les coûts de production en élevage quand l’inflation commence à dégarder le pouvoir d’achat des ménages.

 

ALLEMAGNE : abattages et demande limités. Cours stables à un niveau élevé

En Allemagne, les achats au détail de viande bovine de janvier à mars 2022 (-21% /2021) ont fortement reculé alors que les mesures de restrictions sanitaires liées au covid-19 étaient fortes en 2021 : tous les restaurants et cantines étaient notamment fermés. Mais la pandémie n’est pas la seule source d’explication de cette variation. La pénurie d’offre et la hausse des prix participent également au recul des achats en volume.

D’après AMI, les faibles disponibilités en réformes rencontrent désormais une attente des abattoirs plus limitée, permettant un équilibre relatif entre l’offre et la demande. Sur les semaines 15 à 18, les abattages de vaches étaient à nouveau contenus (-15% /2021 et +4% /2020).

Dans un marché qui a retrouvé un équilibre relatif, les cours des réformes ne progressent plus vraiment, mais demeurent à un niveau très élevé. En semaine 18, la cotation de la vache O atteignait ainsi 5,05 €/kgéc (+64% /2021 et +109% /2020).

IRLANDE : abattages de réformes et exports en hausse

En Irlande, les abattages de réformes restent soutenus. Les opérateurs étaient toujours à l’achat pour fournir le marché européen et la RHD notamment. D’après Bord Bia, la demande des consommateurs reste bonne dans l’ensemble en UE, même si la vente au détail subit l’inflation. Le secteur de la restauration et celui de la transformation soutiennent la demande en viande irlandaise dans toute l’Europe.

D’après l’indicateur hebdomadaire du Ministère de l’agriculture irlandais, les abattages de vaches de réforme sur les quatre dernières semaines (s15 à s18) restaient élevés (+22% /2021 et +97% /2020), dans une période où la pousse de l’herbe limite habituellement les sorties.

Cela n’a pas empêché les cotations de s’apprécier à nouveau. En semaine 18, celle de la vache O atteignait 4,21 €/kg (+29% /2021 et +64% /2020), soit +68 centimes depuis le début de l’année (+19%).

D’après Bord Bia, pour certains opérateurs irlandais, cette hausse de prix « commence à poser des difficultés à de nombreux consommateurs en UE qui subissent des pressions inflationnistes sur leurs dépenses domestiques à tous les niveaux, ce qui conduit certains clients européens à modifier leurs achats vers d’autres protéines telles que le porc ou la volaille, qui restent pour le moment plus compétitifs en termes de prix ». Cependant l’offre en ferme de bovins finis reste nettement inférieure à la demande des abattoirs, et l’inflation touche encore davantage les œufs et les volailles notamment.

En attendant, les exportations irlandaises de viande bovine réfrigérée et congelée ont énormément progressé en ce début d’année. Sur les deux premiers mois de 2022, elles ont atteint 104 000 téc (+56% /2021 et +35% /2020). Les envois vers le Royaume-Uni ont été particulièrement importants (x2 /2021 à 62 200 téc) après un début de 2021 marqué par la mise en œuvre définitive du Brexit. Ils représentaient alors près de 60% des exports totaux de l’Irlande.

ROYAUME-UNI : des cotations à haut niveau

Au Royaume-Uni, les abattages de gros bovins sont restés limités. Entre les semaines 15 et 18, ils étaient en deçà des années précédentes (-7% /2021 et -5% /2020) d’après l’indicateur d’AHDB. Même constat pour les abattages de femelles (-9% /2021 et -3% /2020). L’offre en ferme reste globalement contrainte.

Les cotations des vaches de réforme progressent moins vite, de +1% en un mois, à un niveau toujours élevé. En semaine 18, le cours de la vache O atteignait ainsi 3,78 £/kg de carcasse soit 4,43 €/kg (+28% /2021 et +58% /2020),

Même constat pour les animaux jeunes (« prime cattle »). Le cours de la génisse R3 s’établissait à 4,46 £/kg de carcasse (soit 5,23 €/kg de carcasse ; +8% /2021 et +36% /2020) et celui du bœuf R3 à 4,45 £/kg de carcasse (soit 5,22 €/kg de carcasse ; +8% /2021 et +35% /2020). Les cotations de ces deux catégories ont progressé également de +1% en un mois.

Depuis le début de 2022, les exportations britanniques de viande bovine se sont redressées par rapport à un début d’année 2021 grandement affecté par la mise en œuvre du Brexit et le retour de procédures douanières. En janvier et février 2022, le Royaume-Uni a exporté 17 700 t de viande bovine réfrigérée et congelée (+55% /2021). De même, les importations ont bondi à 55 800 t (x2 /2021).

POLOGNE : la demande européenne soutient les cours à un niveau élevé

En Pologne, la demande des opérateurs polonais en vaches de réforme reste soutenue pour fournir la transformation et la restauration rapide en Europe. Les prix se sont cependant stabilisés, mais à un niveau exceptionnel pour le pays. En semaine 18, le cours de la vache O atteignait 4,58 €/kg de carcasse (+71% /2021 et +99% /2020), niveau stable depuis quatre semaines.

Viandes bovines » Maigre »

Le manque de disponibilités affecte les exports

L’accélération de la décapitalisation allaitante ces derniers mois a entrainé un recul du nombre de broutards disponibles. Face à cette baisse de l’offre, la demande est restée ferme, à l’export comme en France. Les prix ont poursuivi leur hausse inédite.

Les cours des Charolais ont poursuivi leur hausse

Après un léger ralentissement en mars, les cours des Charolais ont repris leur rapide hausse ces dernières semaines. L’offre manque, car, aux effets de la décapitalisation s’ajoute la baisse saisonnière des sorties au moment de la mise à l’herbe. Le Charolais U de 350 kg a dépassé les 3,40 € : il cotait 3,44 €/kg vif en semaine 19. Il a gagné +13 centimes en cinq semaines, et +80 centimes en un an (+30% /2021).

La hausse a été encore plus marquée pour les mâles charolais U de 450 kg grâce à la fermeté de la demande, notamment en Italie. Dans un contexte de forte hausse du prix de l’alimentation, les engraisseurs ont davantage intérêt à acheter des animaux lourds plus rapides à finir afin de limiter les coûts d’engraissement. A 3,31 €/kg, le cours du Charolais U de 450 kg a progressé de +19 centimes en cinq semaines (+87 cts ou +36% /2021).

Le marché des broutards limousins était plus équilibré ces dernières semaines avec davantage de sorties. Le cours du Limousin E de 350 kg s’est stabilisé à 3,32 €/kg en semaine 19, il reste largement supérieur à son niveau des années précédentes (+19% /2021, +18% /2020). Le mâle Croisé R de 300 kg cotait 3,00 €/kg soit +63 cts /2021 (+27%).

La progression des cours des femelles a été moins fulgurante que pour les mâles. Dans un contexte de forte hausse du prix de l’alimentation, le coût d’engraissement des femelles est d’autant plus élevé que leurs performances à l’engraissement sont inférieures à celles des mâles. La cotation de la Charolaise U de 270 kg a gagné +4 cts en cinq semaines pour atteindre 3,04 €/kg en semaine 19 (+40 cts /2021). La Limousine E de 270 kg s’établissait à 3,21 €/kg vif, soit +39 cts /2021 (+14%).

-97 000 naissances depuis juillet 2021

En mars 2022, au pic saisonnier des naissances allaitantes, 441 000 veaux sont nés selon SPIE-BDNI soit 16 000 naissances de moins qu’en mars 2021 (-3,5%), conséquence de la décapitalisation. En effet, au 1er avril la France comptait 3,69 millions de vaches allaitantes, en recul de -2,9% /2021 (-110 000 têtes).

En cumul de juillet 2021 à mars 2022, 2 665 000 veaux sont nés de mère allaitante soit une baisse de -97 000 têtes par rapport à la campagne précédente (-3,5%). La baisse est un plus marquée pour les Charolais (989 000 naissances ; -3,9% /2021) que pour les Limousins (746 000 naissances ; -3,0%).

La baisse des naissances allaitantes a fortement réduit les disponibilités en broutards. Au 1er avril étaient présents dans les élevages 945 000 mâles allaitants de 0 à 6 mois, en recul de -3% /2021 (-4% /2020). Les effectifs de 6 à 12 mois totalisaient 495 000 têtes, en baisse de -4% /2021. Le manque de disponibilités pèse d’abord sur les exportations d’animaux maigres.

Les envois s’effondrent

Selon SPIE-BDNI, la France a exporté 110 000 broutards en mars (semaines 9 à 13), en recul de -9% par rapport aux envois particulièrement dynamiques de l’année dernière.

En cumul depuis le début de l’année jusqu’à la semaine 16 (fin avril), les envois se sont effondrés de -10% /2021. La baisse est plus marquée pour les femelles (-12%) dont la part a baissé de 2 points (36,5% des envois), que pour les mâles (-9%). Malgré le maintien de la demande, le recul des disponibilités affecte les envois. Le disponible exportable est d’autant plus faible qu’à la décapitalisation allaitante s’ajoute la réorientation d’une partie des animaux vers les ateliers français.

D’après les données de janvier-février des Douanes françaises, 142 000 broutards ont été exportés vers l’Italie, en repli de -7% /2021. La baisse avait alors été très marquée pour les femelles > 300kg dont les envois se sont contractés de -12%.

La baisse des envois vers l’Espagne est bien plus prononcée : -34% /2021 sur les deux premiers mois de l’année avec seulement 15 000 têtes. Dans un contexte de manque de disponibilités de broutards, les animaux sont avant tout orientés vers les marchés français et italien, plus rémunérateurs. D’autant que la hausse du prix de l’alimentation du bétail inquiète les engraisseurs espagnols, très dépendants des importations de céréales.

Après plusieurs semaines de limitation des échanges à cause de tensions géopolitiques entre l’Algérie et la France, les engraisseurs algériens sont revenus aux achats au début de l’année 2022. 10 000 broutards ont ainsi été exportés vers l’Algérie en janvier-février, en hausse de +21% par rapport aux faibles envois de 2021 et de +5% /2020. Le marché algérien reste difficile à prévoir. Ces dernières semaines le Gouvernement a allongé les durées de quarantaine de façon à freiner les importations, alors même que l’offre en viande bovine manque sur le marché intérieur. Les envois français vers les pays tiers ne devraient pas progresser dans les prochains mois. Mais l’offre étant restreinte, l’impact reste limité.

 

Viandes bovines » Veaux de boucherie »

Des coûts de production à très haut niveau

Le prix des veaux de boucherie a continué de s’apprécier ces dernières semaines, contrairement à ce qui est d’habitude constaté en fin de printemps. Les disponibilités manquent, les abattages se sont contractés. En effet, les mise en place ont été limitées face à des coûts de production qui n’avaient cessé d’augmenter depuis début 2021. Aux Pays-Bas, le prix du veau gras pie-noir s’est stabilisé à un niveau historiquement élevé.

La cotation du veau gras a progressé régulièrement

La cotation du veau rosé clair O élevé en atelier s’est appréciée régulièrement depuis mi-février (+27 cts entre les semaines 6 et 18) pour atteindre 6,70 € /kg éc en semaine 19 (+24% /2021 soit +1,30 € et +43% /2020 soit +2,03 €). Elle n’a pour l’instant pas connu la baisse saisonnière habituelle, soutenue par de faibles disponibilités et face à des coûts de production élevés. Les intégrateurs espèrent que les prix se maintiendront dans les prochains mois afin de couvrir la hausse actuelle du coût de l’aliment fibreux et des différents ingrédients des aliments lactés lorsque les veaux sortiront dans 6 mois.

Le prix du veau gras rosé clair R élevé en atelier s’était légèrement érodé en début d’année jusqu’en semaine 10, puis a gagné à nouveau quelques centimes régulièrement (+5 centimes en 5 semaines) pour atteindre 7,05 € /kg éc en semaine 19 (+14% /2021 soit +88 cts et +30% /2020 soit+ 1,61 €).

En veau sous la mère, la cotation du veau rosé clair U élevé au pis s’est établie à 8,58 € /kg éc en moyenne de mi-avril à mi-mai (-1,4% /2021 soit -12 cts, mais +4,1% /2020 soit +34 cts).

Les matières premières restent très chères

Mi-mai en semaine 18, la poudre de lait écrémé cotait 4 140 €/tonne (+61% /2021 et +21% depuis le début de l’année). Après avoir brutalement bondi en mars, le prix de la poudre maigre s’est érodé de 200 € en 4 semaines jusque début mai. En semaine 18, le prix du lactosérum doux a reculé légèrement à 1 390 €/t, soit tout de même +38% /2021 et +16% depuis le début de 2022. Avec une collecte laitière mondiale en baisse, les ingrédients lactés resteront sans doute chers dans les prochains mois, même si les cours peuvent connaître une évolution chaotique d’une semaine à l’autre.

En mars, l’IPAMPA des autres aliments pour veaux (partie fibreuse de l’aliment) a encore progressé de +5 points en un mois, à 129,1 points (+18% /2021 et +28% /2020), affecté par les impacts de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

En mars l’indice du prix du gaz consommé par les éleveurs (IPAMPA) pour chauffer l’eau a augmenté de +3,8 points en un mois, atteignant 139,9 points (+23% /2021 et +27% /2020). En avril, selon la Banque Mondiale, le cours moyen du gaz en Europe s’est légèrement détendu à 0,110 US$/kWh (0,102 €/kWh, soit +19% /2021 en €), mais il reste extrêmement volatile et suspendu aux décisions politiques de limiter les importations de gaz russe.

Les abattages du mois de mars en recul

Les abattages de veaux gras ont reculé en mars, comme depuis le début d’année, à 105 000 têtes (-7,7% par rapport à un mois de mars 2021 très dynamique). La production abattue a subi la même évolution, -7,6% /2021 pour atteindre 15 000 téc (+2,4% /2020 lors du 1er confinement). Le poids carcasse moyen était équivalent à celui de 2021 (147,4 kg ; +0,1 kg) et en hausse de +1,5 kg /2020.

L’âge à l’abattage était légèrement en recul (185,5 jours soit -0,6 jour /2021) traduisant une offre juste suffisante pour couvrir la consommation, les mises en place ayant été prudentes.

En cumulant les trois premiers mois de l’année, 295 000 têtes ont été abattues, en net recul de -5,0% /2021 (-15 000 têtes) et -5,7% /2020.

Du côté de la consommation, la progression des prix alimentaires a été forte en avril, notamment pour les viandes de bœuf et de veau (+6,5% sur un an).

Aux Pays-Bas, le prix du veau gras semble plafonner à un haut niveau

Aux Pays-Bas, la cotation du veau de boucherie pie-noir néerlandais s’est stabilisée depuis huit semaines à un niveau historiquement élevé, à 5,85 €/kg éc (+44% /2021 et +58% /2020). Elle n’a toutefois toujours pas atteint les 6,0 €/kg éc attendus par la filière pour compenser la hausse du prix des aliments et des veaux laitiers, devenus plus rares en Europe.

Les abattages de veaux néerlandais en janvier-février ont atteint 215 000 têtes, en forte hausse (+12%) par rapport au début d’année 2021, période encore marquée par la restauration commerciale fermée dans de nombreux pays pour cause de confinement, sans toutefois atteindre les niveaux pré-pandémie (-9% /2020).

En Italie, la cotation du veau gras pie-noir à Modène était montée jusqu’à 6,50 €/kg éc en semaine 13, avant de s’éroder jusqu’à 6,35 €/kg éc en semaine 20. La cotation est cependant à un niveau très élevé (+30% /2021 soit +1,45 € et +69% /2020 soit +2,6 €).

Viandes bovines » Veaux nourrissons »

Les exports de veaux se sont réduits depuis mi-avril

Le prix du veau laitier mâle de 45-50 kg a progressé par paliers durant le printemps, stimulé par le recul des naissances laitières. Les exportations françaises de jeunes veaux de moins de 2 mois ont continué à croître jusque mi-avril, avant de marquer le pas.

Hausse de la cotation du veau laitier

La cotation du veau mâle de type lait de 45-50 kg s’était stabilisée de mi-mars à mi-avril avant de repartir à la hausse. Elle a atteint 90 €/tête en semaine 19, un niveau nettement plus élevé que les deux années passées (+30 €/tête ou +50% /2021 et +21 €/tête ou +30% /2020). La baisse des naissances de veaux laitiers réduit l’offre et soutient la hausse progressive du prix du jeune veau.

Depuis le début de l’année, le prix du veau mâle type viande (races mixtes, croisés lait-viande et races à viande) est supérieur au niveau des trois années passées. Il a augmenté tout au long de l’année pour arriver en semaine 19 à 230 €/tête (+35 € /2021 et +48 € /2020). Ces veaux sont notamment commercialisés en Espagne.

Recul des naissances en mars

En mars, les naissances de veaux de mère laitière étaient de nouveau en nette baisse, avec 248 000 veaux (-3,4% /2021 ou -8 600 têtes et -0,6% /2020). Depuis le début de la campagne en juillet 2021, 2 645 000 veaux sont nés de mère laitière (-1,7 % soit -48 000 veaux /2020-2021 et -3,5% /2019-2020) ; soit un recul de même ampleur que du cheptel de mères.

En effet, au 1er avril, le cheptel laitier français était à nouveau en retrait de -1,5% /2021, à 3,46 millions de vaches laitières.

Recul des exports de veaux laitiers en semaines 15 et 16

Alors que durant les semaines 9 à 13 (mars) les envois de veaux de mère laitière de moins de deux mois progressaient (33 000 têtes, +19% /2021 et +16% /2020), ces expéditions ont reculé mi-avril de -15% en semaine 15 et -20% en semaine 16 par rapport à l’année passée, selon SPIE-BDNI.

La hausse fulgurante du prix des céréales sur les marchés mondiaux entraîne l’inquiétude des engraisseurs espagnols qui semblent réduire leurs importations de jeunes veaux depuis quelques semaines. L’inflation est l’une des plus fortes de l’OCDE, mais la filière espère une bonne saison touristique. L’Europe manquant globalement de viande, le prix du JB espagnol reste cependant très élevé.