Les marchés des produits de l’élevage de ruminants N° 319 Juillet/août 2020

Lait de vache

Embellie sur les marchés laitiers grâce à une production modérée

Les effets de la Covid-19 se fait ressentir sur la production laitière dans l’Union européenne et aux Etats-Unis. En même temps, les cours des ingrédients se sont rétablis et ont même retrouvé les niveaux d’avant la crise.

Cependant la poursuite de propagation du virus dans certaines parties du monde ou le reconfinement au sein de certains pays, ainsi que la crise économique à venir, interrogent sur la durabilité de cette reprise.

Lait de vache » Collecte laitière »

Ralentie en France, moins dynamique dans l’UE

La collecte française poursuit sa baisse saisonnière entamée en avril, même si juin marque un moindre recul que mai d’après les sondages hebdomadaires. Ailleurs en Europe, le ralentissement de la croissance est quasi-généralisé.

Précipitée par l’arrivée de la crise sanitaire dès la mi-mars, la baisse saisonnière de la collecte laitière nationale a été très prononcée en mai, et un petit peu moins en juin d’après les sondages hebdomadaires de FranceAgriMer. La volonté de l’Interprofession d’écrêter le pic saisonnier, à travers notamment une incitation financière sur avril (pour rappel, 22 000 exploitations livreurs, soit plus de 40% du total national, ont bénéficié du dispositif) a conduit à une baisse de la collecte de 0,7%  sur ce mois d’une année sur l’autre alors que le 1er trimestre avait été en hausse de +1,3% (effet année bissextile neutralisé). En mai, la baisse de collecte a été plus prononcée, de -1,9% /2019 tandis qu’en juin, elle aurait été d’à peine -0,5% /2019. La pluviométrie excédentaire en juin sur une bonne partie du territoire aurait stimulé la production herbagère et permis un rebond de la production en fin de mois, de même que le re-étoffement du cheptel national.

Le cheptel amorce sa remontée saisonnière en juin

Le cheptel laitier a regagné 4 000 têtes entre le 1er mai et le 1er juin à la faveur d’entrées de génisses supérieures aux sorties de vaches de réforme pour la 1ère fois depuis début novembre 2019. Malgré cette hausse d’un mois sur l’autre qui correspond à l’amorce du redémarrage saisonnier, le cheptel reste inférieur de 54 000 têtes à son niveau de l’an passé à la même période (-1,5%). Cette baisse est toutefois moins prononcée que durant les mois d’avril et mai où le cheptel s’était contracté de 64 000 têtes d’une année sur l’autre.

Bien que généralisée, l’évolution à la baisse du cheptel laitier suit des trajectoires diverses selon les bassins laitiers : très prononcée dans le Sud-Ouest (-4,2% /juin 2019), Charente-Poitou (-3%) et Auvergne-Limousin (-2,8%), elle est proche de la moyenne nationale dans le Grand Ouest (-1,6%) tandis qu’elle demeure limitée en dans le Grand Est (-0,8%), en Normandie (-0,7%), et surtout en Nord-Picardie (-0,3%).

Un prix du lait dans le prolongement du mois d’avril

Après s’être infléchi à la baisse depuis le début de la crise sanitaire, le prix du lait standard (moyenne nationale toutes qualités confondues) s’est stabilisé en mai à un niveau proche de celui d’avril, à 338 €/1 000 litres, soit environ 15 € en-dessous de ses niveaux de janvier et février et environ 5 € sous celui de mai 2019 (-1%). Après avoir appliqué une pénalité sur le prix du lait d’avril et de mai, plusieurs groupes laitiers (Eurial, Savencia, Sodiaal et Terra Lacta) l’ont revu à la hausse sur le mois de juin. De son coté, Lactalis avait annoncé une décote de l’ordre de 10 €/1 000 l à compter de juin après avoir maintenu inchangé le prix de base en avril et mai.
En moyenne nationale, le prix du lait au 2nd semestre s’établirait aux environs de 340 €/1 000 l, soit en recul de 11 € par rapport au 1er trimestre et de -5 € d’une année sur l’autre.

Un ralentissement de la croissance généralisé au sein de l’UE

Après s’être infléchie en avril (+0,6% /2019 après+1,5% sur le 1er trimestre), la croissance de la production laitière de l’UE-27 + Royaume-Uni a de nouveau ralenti en mai. A un peu plus de 14,5 millions de tonnes, la collecte mensuelle affiche une progression de seulement +0,3% d’une année sur l’autre, soit sa plus faible croissance depuis juin 2019.

Alors que la France et le Royaume-Uni enregistrent les plus forts reculs en volume absolu d’une année sur l’autre (respectivement -43 000 t et -17 000 t, soit -1,9% et -1,2%), l’Irlande et la Pologne compensent quasiment le recul de ces deux pays et restent de fait les deux principaux acteurs de cette croissance limitée avec +38 000 t et +19  000 t (soit +3,5% et +1,8%). En Pologne, le mois de mai marque même un retour à une croissance sur des bases proches de l’avant-crise alors que le mois d’avril avait été en demi-teinte à seulement +0,4% d’une année sur l’autre. A l’inverse, alors que la collecte néerlandaise n’avait pas semblé affectée en avril (+1,7% /2019), elle a moins progressé en mai (+0,6%), peut-être sous l’effet de prix moins incitatifs et conditions climatiques moins favorables.

 

Lait de vache » Collecte laitière »

Faible croissance dans les grands bassins exportateurs

Les effets de la Covid-19 dans l’Union européenne et aux États-Unis ont entraîné un recul de la production laitière dans l’hémisphère Nord en avril. Ce recul a été compensé par la progression dans les bassins du Sud qui se trouvent dans le creux de leur collecte annuelle, mais la croissance de la production se tasse après avoir connu un pic de croissance en mars.

en mai, l’évolution de la production des principaux exportateurs mondiaux de produits laitiers est similaire à celle de l’UE  soit une tendance à une moindre progression de la production laitière sur mai. Alors que la production cumulée des 5 principaux exportateurs dépassait son niveau de l’an passé de +500 000 tonnes en mars, cette progression n’était plus que de 110 000 tonnes en mai. L’hémisphère Nord, via ses deux grands bassins que sont l’UE-27 + Royaume et les États-Unis, accuse même un recul de sa production de 47 000 tonnes, lié essentiellement au fort recul étasunien.

La filière laitière états-unienne dans la tourmente

Ce ralentissement se fait notamment sous l’influence du recul états-unien. En effet, alors que la production y avait continué sa progression en avril (+1,2% /2019), dans la lignée des mois précédents (mais avec une collecte en baisse, environ 2% du lait ayant été jeté sur les fermes), elle a reculé de -1,1% en mai. A un peu plus de 8,5 Mt produites sur le mois, il s’agit du plus bas niveau depuis mai 2016.

Durement touchés par la crise sanitaire, alors qu’ils se relevaient tout juste en 2019 de plusieurs années de prix bas, les producteurs subi une nouvelle chute du prix du lait en mai, à 300 $/t (-24% /2019). Il faut remonter à septembre 2009 pour trouver un prix plus bas ! La baisse du coût alimentaire (-9% /2019) ne suffit pas et un effondrement de la marge sur coût alimentaire est constaté. A 118 $/t (-80$/t soit -40% /2019), elle est à son plus bas niveau depuis 7 ans.

Ces baisses de prix ont conduit de nombreux élevages à réduire leur cheptel. Ainsi, même s’il reste supérieur à son bas niveau de l’an passé à la même période (+0,4%), le cheptel de vaches laitières dénombré en mai s’est contracté de 11 000 têtes d’un mois à l’autre.

Dynamisme de la production dans l’hémisphère Sud

La production laitière néo-zélandaise poursuit sa baisse saisonnière à l’approche de son creux de collecte annuel de juin. Malgré tout, à 905 000 t en mai, elle a progressé de 37 000 t d’une année sur l’autre (+4,2% en volume et +3,8% en MSU) pour la première fois depuis août dernier, ne semblant pas impactée par les annonces de prix assez pessimistes de Fonterra sur la campagne à venir.

En Australie, le mois de mai a constitué le 5ème mois consécutif de hausse de la production laitière (+6% /2019). Sur les 11 premiers mois de la campagne démarrée en juillet 2019, la collecte n’accuse plus qu’un retard de 0,7% par rapport à la précédente contre 4,4% à la mi-campagne fin décembre.

En Argentine, la collecte laitière poursuit la dynamique amorcée début 2020. A 830 000 t sur mai, elle a progressé de +11% d’une année sur l’autre sous l’effet de conditions climatiques favorables et de prix toujours élevés en monnaie locale (+25% /2019). Le pays compense presque le recul américain à lui seul. Malgré tout, avec un débouché intérieur peu dynamique et des débouchés internationaux qui pourraient devenir de plus en plus incertains avec la crise économique, certains experts prédisent d’ores et déjà un possible effondrement du prix au producteur dans les mois à venir.

 

Lait de vache » Marché des produits laitiers »

Le redressement des marchés se poursuit

Après avoir décroché jusqu’à la mi-avril, les cours des ingrédients laitiers se sont redressés et ont pour certains retrouvé leurs niveaux d’avant crise. La fermeté des marchés se confirme sur la fin du 1er semestre. Mais la poursuite de la propagation du virus dans certaines parties du monde ou le reconfinement au sein de certains pays, ainsi que la crise économique à venir, interrogent sur la durabilité de cette reprise.

Fromages : des évolutions divergentes

Les évolutions des cours des fromages ont été divergentes en juin. La cotation de l’emmental, qui avait fléchi en mai, a rebondi en juin et retrouvé son niveau d’avril (+4%/2019), à 4 550 €/t. A l’inverse, le cours du gouda allemand a poursuivi son recul entamé en mars et encore perdu 200 € en juin, à 2 610 €/t (-14% /2019). En 3 mois, la baisse se chiffre à -640 €/t soit -20%.

Les fabrications européennes de fromages ont reculé de 3% /2019 en avril, les transformateurs ayant privilégié les fabrications de beurre/poudre. La consommation dans l’Union européenne a affiché un net repli, notamment en RHD et dans les canaux traditionnels, partiellement compensé par des exportations en hausse. Mais au final, les stocks ont bondi en avril 2020, à près de 400 000 t selon ATLA et ont pesé sur les cours. Cependant, l’aide au stockage privé a été fortement sous-utilisée, puisque seulement 47 700 t ont été proposés sur les 100 000 t permis par la Commission européenne.

A l’international, le cours du cheddar néozélandais a connu en mai son 2ème mois de recul consécutif, perdant près de 680 € sur mai et juin 16% en 2 mois, à 3 443 €/t, il reste sous son cours de 2019 (-1,5%).

Aux États-Unis, le cours du cheddar a montré une forte volatilité durant le mois de juin. Après avoir plongé en avril (-25% d’un mois sur l’autre), il a entamé une remontée en mai et juin (+74% en 2 mois) pour afficher 5 300 €/t, un record historique. Cette brusque remontée des cours s’explique par une petite baisse des fabrications de cheddar en mai en même temps qu’une demande en forte hausse depuis le déconfinement de plusieurs États. La tension sur le marché des fromages a obligé les sites de fabrications fromagères à fonctionner à pleine capacité en juin. En outre, l’USDA a annoncé poursuivre les achats de produits alimentaires en juillet en août, pour 1,16 milliard de dollars, après 1,2 milliard entre le 15 mai et le 30 juin (sur une enveloppe totale allouée de 3 milliards de dollars). Les stocks de fromages étatsuniens se sont quasi-stabilisés en mai, à des niveaux très élevés (+21% /2019). Mais un retournement du marché est redouté par les opérateurs. Les prix très élevés début juillet sont difficilement tenables car le cheddar étatsunien n’est plus compétitif sur le marché mondial. Sans oublier, les mesures de reconfinement en cours dans plusieurs États qui devraient freiner la consommation.

Beurre : convergence des cours

Le marché du beurre a retrouvé l’équilibre qui prévalait avant la période de confinement. En France, la cotation ATLA du beurre cube sur le marché spot (qui mesure les nouveaux contrats) a regagné 800 €/t depuis le creux atteint mi-avril. Début juillet il a retrouvé, son niveau de début mars, à 3 400 €/t (-11% /2019). Le cours du beurre départ Europe de l’Ouest affiche une moyenne de 3 166 €/t en juin, en recul de -3% d’un mois sur l’autre.

La production européenne de beurre a progressé en avril de +3% /2019, tirée par l’Allemagne, l’Irlande et la Pologne, tandis qu’elle a reculé de -1% /2019 en France. Malgré les exportations européennes soutenues en avril, grâce à la très bonne compétitivité sur la scène internationale, les volumes supplémentaires ont eu plus de mal à s’écouler, compte tenu de la fermeture de la RHD dans de nombreux pays et de la faible demande des IAA. Les stocks européens de beurre ont donc bondi en avril de 40 000 t selon ATLA, pour atteindre 221 000 t . L’aide au stockage privé reste cependant sous-utilisée, puisque seulement 67 200 t de beurre ont été proposées sur les 140 000 t disponibles. Les démarches apparemment compliquées et la remontée des cours semblent avoir freiné les opérateurs dans leurs velléités.

Après avoir connu un pic en avril, le cours du beurre départ Océanie a enregistré son 2ème mois de recul consécutif pour revenir à 3 230 €/t (-24% /2019) au niveau du cours européen.

A l’inverse, la reprise de la demande suite au déconfinement a tiré les prix le prix aux États-Unis. Le cours du beurre a fortement rebondi en mai et juin pour afficher 3 630 €/t (-22% /2019) et les stocks se sont presque stabilisés à niveau encore relativement élevé (172 000 t, soit +21%/2019).

Poudre de lait écrémé : relative fermeté du marché

La cotation ATLA de la poudre maigre avait rebondi de +440 €/t entre son point bas mi-avril et début juin pour afficher à 2 310 €/t. Rappelons qu’elle avait dévissé de près de 600 € en 4 semaines entre le début du confinement et la mi-avril, pour ensuite se stabiliser jusqu’à la fin avril. L’évolution du mois de juin a été hésitante, le cours affichant une baisse à 2 150 €/t avant de retrouver son niveau de début de mois, à 2 300 €/t, montrant les incertitudes du marché. Le prix demeure cependant supérieur à celui de l’année dernière (+7%). Cette remontée des cours en mai et sa stabilisation en juin peuvent s’expliquer par des fabrications françaises en recul en avril (-4% /2019) et des exportations qui ont rebondi en mai.

En Europe, les cours de la poudre maigre ont progressé en juin (+8% d’un mois sur l’autre), à 2 150 €/kg (+5% /2019). Les fabrications européennes avaient reculé en mars (-5% /2019), mais progressé en avril (+2% /2019), soit un total négatif en cumulé sur les deux mois (-3% /2019). Les stocks de poudre maigre ont faiblement progressé en avril, d’après les estimations d’ATLA à 115 000 t (+10 000 t /2019). Comme pour les fromages et le beurre, l’aide au stockage privé n’a pas rencontré un grand succès. Seules 20 100 t ont été proposées sur les 90 000 t disponibles. Outre les difficultés administratives, le montant de l’aide ne semblait pas très attractif. Le pic annuel des fabrications est maintenant passé en Europe et les fabrications devraient donc reculer.

Le cours de la poudre maigre étatsunienne a affiché une hausse pour le 2ème mois consécutif, à 1 980 €/t en juin (-3% /2019). La levée du confinement dans plusieurs États ainsi que la bonne compétitivité du produit sur le marché international ont tiré la demande. Les exportations de poudre maigre en mai ont ainsi progressé de +25% /2019. En conséquence, les stocks de poudre, après avoir bondi en avril, ont fortement reculé en mai (-22% d’un mois sur l’autre), pour s’établir à 156 000 t au 1er juin, soit + 27 000 t /2019.

Lactosérum : léger fléchissement des cours

Après avoir progressé en mai, le cours de la poudre de lactosérum a légèrement fléchi en juin perdant 20 €/t sur le mois. A 710 €/t début juillet, il est cependant passée au-dessus de son cours de l’année dernière. (+4,5% /2019). Le cours de la poudre lactosérum a également reculé aux États-Unis en juin, pour s’afficher à 690 €/t en moyenne mensuelle (-10% d’un mois sur l’autre et -1% /2019). Pourtant les exportations étatsuniennes sont restées très dynamiques en avril et en mai (+22% /2019 et +27%), tirées par la demande chinoise. Les importations chinoises sont en effet motivées par le rebond du cheptel porcin national et par l’accord signé avec les États-Unis en janvier 2020 qui prévoye une forte hausse des achats chinois de produits agricoles étatsuniens.